« Investir dans l’immobilier à l’étranger ne vous dispense pas d’obligations fiscales en France », Aurélien Mallaret, avocat fiscaliste

Ce n’est pas parce que vous réalisez des emplettes immobilières à l’étranger que vous ne serez pas confronté au fisc Français… Aurélien Mallaret, avocat fiscaliste, précise les points clés à connaître.

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Investissement-plaisir, préparation de la retraite, recherche de prix attractifs, d’une rentabilité locative ou d’une fiscalité plus favorable qu’en France… De plus en plus de personnes résidentes en France se lancent dans l’achat d’un bien immobilier à l’étranger.

Les problématiques fiscales susceptibles d’être rencontrées par des Français(e)s investissant à l’étranger seront par nature principalement celles du pays de situation du bien immobilier. Un investisseur résidant fiscalement en France peut toutefois être confronté dans de nombreux cas à la fiscalité française : tour d’horizon des obligations à respecter et des impôts à acquitter.

Fiscalité de l’acquisition d’un bien immobilier situé à l’étranger (achat, donation, succession) et de sa détention

Droit d’enregistrement ou honoraires de notaires

L’achat d’un bien immobilier à l’étranger ne génère en principe aucun droit d’enregistrement français ou honoraire de notaire français. C’est à l’étranger que sera la plupart du temps due une forme de taxe liée à la modification du registre foncier.

Il faut seulement rappeler ici qu’acquérir les titres d’une société française détenant un bien immobilier à l’étranger génère un droit d’enregistrement en France, qui peut atteindre jusqu’à 3% du prix des parts : une telle cession indirecte peut, en fonction des pays et selon les cas, déclencher aussi les droits d’enregistrement localement, ce qui créée un risque de double imposition.

Droits de donation ou de succession

En ce qui concerne les acquisitions à titre gratuit, les droits de donation et de succession français sont applicables aux transferts de biens immeubles situés à l’étranger à chaque fois que le donateur ou le défunt est domicilié en France lors de la donation ou du décès.

Si le donateur ou défunt est domicilié à l’étranger, ces droits s’appliquent seulement si le bénéficiaire du transfert est domicilié en France et l’a été pendant au moins six ans au cours des dix dernières années.

Les cas de double imposition peuvent être supprimés soit par le biais de conventions fiscales spécifiques aux droits de succession, lorsqu’elles existent, soit par déduction de l’impôt étranger de l’impôt français. La base des droits de donation ou de succession correspond au patrimoine transmis en vertu du droit civil applicable (français ou étranger selon le cas). L’entremêlement du droit fiscal et du droit civil dans ce cas précis nécessite au moins l’intervention d’un notaire en France et à l’étranger, si ce n’est celle d’un spécialiste en droit des successions.

ISF

La simple détention d’un bien immobilier à l’étranger n’engendre pas d’impôt en France à l’exception de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en cas de patrimoine total net imposable supérieur à 1.300.000 €. Le bien immobilier doit être déclaré pour sa valeur de marché au 1er janvier de l’année d’imposition. Lorsqu’elles le concernent, les conventions fiscales permettent en principe la pleine soumission des biens immobiliers étrangers à l’ISF. Dans les rares cas où il existe un impôt étranger équivalent à l’ISF, il est en principe imputable sur l’ISF dû en France.

Fiscalité de la mise en location et de la vente d’un bien immobilier situé à l’étranger

Impôt sur le revenu

Dès lors que chaque résident français est imposable sur son revenu mondial, les revenus et gains tirés de la mise en location d’un bien immobilier situé à l’étranger ou de sa vente sont en principe soumis à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (*)en France. Généralement, de tels revenus ou gains sont aussi taxés dans l’Etat de situation du bien.

Convention fiscale

Lorsqu’une convention fiscale existe, elle supprime généralement la double imposition en prévoyant que le revenu ou le gain immobilier est seulement imposable dans le pays de situation du bien (sauf exception ci-après).

La plupart du temps, les conventions prévoient que si le revenu ou le gain n’est pas imposable en France, il doit néanmoins être pris en compte pour le calcul de la progressivité de l’impôt français : l’impôt dû sur les autres revenus imposables en France est ainsi calculé à l’aide du taux d’imposition qui serait applicable si les revenus tirés du bien immobilier étaient imposés en France.

Les autres revenus imposables du contribuable sont donc imposés plus fortement. C’est pour cette raison que le revenu ou le gain immobilier doit être déclaré dans la déclaration annuelle de revenus selon des modalités dépendant de la nature du revenu et du pays de situation du bien immobilier.

En cas de fiscalité locale des revenus et gains immobiliers réduite, une personne ayant investi à l’étranger peut ainsi optimiser sa situation fiscale par rapport à un investissement immobilier fait en France. Il convient toutefois de mettre en garde les investisseurs qui misent principalement sur une fiscalité locale des plus-values immobilières faible lors du choix du lieu de leur investissement.

Lorsqu’elle renégocie les conventions fiscales, la France a depuis quelque temps tendance à changer le dispositif de suppression de la double imposition des plus-values immobilières: l’impôt français reste pleinement dû et il est seulement possible de déduire l’impôt payé à l’étranger – souvent moins élevé qu’en France – de l’impôt français.

C’est ce système qui s’applique aux plus-values immobilières de source allemande depuis le 1er janvier 2016. Ce changement vient durablement pénaliser les investisseurs qui auront misé au cours des dernières années sur une fiscalité allemande des plus-values immobilières très attractive (exonération d’impôt allemand sur la plus-value au bout d’une durée de détention de dix ans).

Une telle règle s’appliquera également bientôt aux plus-values tirées de la cession de biens immobiliers à Singapour ainsi qu’en Colombie. On ne peut exclure que ce dispositif de suppression de la double imposition ne soit au fil du temps généralisé à l’ensemble des conventions fiscales. Au vu de cet exemple, on voit bien que la fiscalité attractive d’un pays ne peut être le seul critère permettant d’apprécier la pertinence d’un investissement immobilier à l’étranger par un résident fiscal français.

Des obligations fiscales en France et dans le pays de situation du bien

Par nature transnational, l’investissement par un résident français dans un bien immobilier à l’étranger génère des obligations fiscales tant en France que dans le pays de situation du bien.

Eu égard à la multitude de configurations possibles, l’étendue de ces obligations doit être analysée au cas par cas.

Une bonne gestion fiscale d’un investissement à l’étranger se doit d’être coordonnée avec une gestion adéquate de l’ensemble des problématiques juridiques françaises et étrangères afférentes à la propriété d’un bien immobilier (droit immobilier, droit de la famille, droit de successions).

C’est pourquoi on ne saurait trop recommander au résident français désireux d’investir dans de l’immobilier étranger pour quelque projet que ce soit d’être conseillé tant en France qu’à l’étranger par un professionnel du droit et d’anticiper avant l’achat chaque étape future de la vie de l’investissement.

(*)Impôt sur les revenus courant : barème progressif et contribution exceptionnelle. Impôt sur les plus-values immobilières : après application d’un abattement de durée de détention (exonération totale au bout de 22 ans de détention), taux maximum de 25%. Prélèvements sociaux : 15,5%, et après application d’un abattement pour durée de détention pour les plus-values immobilières (exonération totale au bout de trente ans de détention).

©byBazikPress/Aurélien Mallaret

Par Ariane Artinian