Agent immobilier, ancien SDF, Jean-Pierre Boudhar tend la main aux sans-abris

Ancien SDF, Jean-Pierre Boudhar est devenu agent immobilier. A 59 ans, il dirige 6 agences dans la région lilloise et loue depuis 15 ans des appartements à prix modiques à ceux qui n’ont plus de toit pour les aider à rebondir.

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Famille nombreuse éclatée, petite délinquance, une gare pour seul toit, Jean-Pierre Boudhar a connu la misère et l’errance pendant 15 ans. Jusqu’à une rencontre. Celle qui lui sauvera la vie et qui l’aidera à devenir à son tour un bienfaiteur.

Il a un sacré caractère Jean-Pierre Boudhar. Un caractère de gagnant qui lui a permis de sortir de la rue grâce à l’aide de trois étudiants en médecine et en architecture qui l’ont accueilli chez eux pour une nuit. D’une nuit en nuits, Jean-Pierre est devenu le quatrième colocataire et un ami. « Avec mes trois amis, j’ai découvert une société, un monde que je ne connaissais pas… auquel je ne comprenais rien au début. Tous les soirs, il y avait une dizaine de personnes à la maison qui parlaient politique, vie intellectuelle. C’était un vrai bain de culture. Le jour de mes 18 ans, pour mon anniversaire, ils m’ont offert du Nietzsche », se souvient l’agent immobilier. « Ils m’ont emmené en vacances aussi. (…) Quarante ans plus tard, je les vois toujours. Je suis le parrain d’un des enfants et on travaille ensemble. Je pense qu’on peut dire qu’ils m’ont sauvé la vie ».

« Aujourd’hui, je possède deux immeubles dans lesquels vingt personnes habitent »

A la tête d’Immoclef qui regroupe 6 agences dans la région lilloise, ce chef d’entreprise aide ceux qui veulent sortir de la rue. Propriétaire de plusieurs immeubles, il en réserve deux aux SDF qui bénéficient ainsi de logements d’une quinzaine de mètres carrés avec douche et toilettes dans les parties communes pour 92 euros. L’État prend en charge le reste par le biais du fonds de solidarité pour le logement. Une location peu lucrative mais humaniste.

« Quand je les ai achetés, d’anciens SDF les occupaient déjà. J’aurais pu les mettre dehors et faire trois grands appartements, mais ça me paraissait complètement inenvisageable après ce que j’ai moi-même vécu, raconte-t-il. J’ai alors choisi de faire des travaux et mettre en place un règlement intérieur qu’ils doivent accepter pour accéder à la chambre. Je demande aux locataires de ne pas faire de bruit après 22 heures et de maintenir propre leur chambre et les parties communes qu’ils utilisent. »

Pour un SDF, « avoir une clé, c’est une renaissance »

A 46 ans, Christophe habite dans une des chambres. Il vit cette location comme une seconde chance. « Le fait d’avoir une clé est comme une renaissance. J’en suis fier. » Lui qui a vécu dans la rue pendant huit ans relève désormais la tête et se lance des objectifs : « Payer le loyer avant tout, puis s’occuper du frigo… » dans un esprit respectueux des lieux et de ses voisins. « Le soir, je baisse le volume de la télé. Quand je vais prendre ma douche, je veille à laisser l’endroit propre. » Pour Jean-Paul, 71 ans, « ça me permet de me retrouver, d’être dans une position plus confortable. Je me remets à faire la cuisine parce que j’adore ça. Le geste que Jean-Pierre Boudhar fait pour aider son prochain, c’est magnifique. On peut le remercier », témoigne-t-il, ému.

Ne pas oublier ce qu’est l’humanité

« On m’a hébergé, on m’a nourri, on m’a montré le chemin. Aujourd’hui, c’est à mon tour de tendre la main », lance l’agent immobilier qui considère qu’en donnant des responsabilités à ceux qui veulent vraiment s’en sortir, ça peut marcher. « Il faut pouvoir leur remettre le pied à l’étrier. Que cette chambre les replace dans la vie et dans le monde du travail ». C’est ce qu’il fait via le collectif des SDF par lequel il loue ses studettes.

Par MySweet Newsroom