La remontée des taux incite les acquéreurs solvables à passer à l’acte

MeilleursAgents publie la 88ème édition de son baromètre mensuel des prix de l’immobilier résidentiel à Paris, en Île-deFrance et dans les dix plus grandes villes de France

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L’analyse de Sébastien de Lafond, cofondateur MeilleursAgents

L’année 2017 commence sur les chapeaux de roue avec d’importantes hausses des prix moyens à Paris, en Petite et Grande Couronne ainsi que dans la plupart des grandes villes de province. La situation est simple : face à la hausse annoncée et maintenant réelle des taux d’intérêt, les ménages solvables décident d’agir sans plus attendre pour bénéficier de conditions encore exceptionnelles.

En effet, pour la première fois depuis 12 mois, les OAT à 10 ans ont passé la barre des 1% avec pour effet immédiat l’augmentation des taux d’emprunt immobiliers qui se sont établis en janvier à 1,7% sur 20 ans en moyenne.

L’annonce des premières hausses des taux d’intérêt d’emprunt incite fortement les acheteurs solvables à agir sans plus attendre

Le début d’année étant pour les banques une période traditionnelle de conquête de nouveaux clients et les stocks de biens disponibles restant relativement élevés, tout est en ordre pour favoriser les transactions et surtout augmenter sensiblement les prix. Ces hausses de prix ne reposent donc pas sur des fondamentaux solides mais seulement sur une situation conjoncturelle peu pérenne.

Partout les prix moyens ont fortement augmenté en janvier 2017…

 +1% à Paris

A Paris, les prix ont augmenté en moyenne de +1% en janvier 2017. Cela représente une hausse cumulée de +2% depuis le 1er décembre 2016. La hausse est particulièrement sensible sur les petites surfaces (+1,2% en un mois) qui attirent en premier lieu les primo-accédants à la recherche de prix accessibles, de montants finançables et de surfaces réduites (studios et deux pièces). Les grandes surfaces familiales (3 pièces et plus) sont un peu moins recherchées pour des questions de saisonnalité mais voient leurs prix moyens augmenter de +0,8% en un mois et +1,8% depuis le 1er décembre dernier.

La hausse des prix parisiens se propage en cercles concentriques

+0,7% en petite et grande couronne

Les départements de la Petite Couronne voient leurs prix moyens augmenter de +0,7%. La hausse est particulièrement forte dans les Hauts-de-Seine (+0,9%) et en Seine-Saint-Denis (+0,8%). La hausse est plus modérée en Val-de-Marne (+0,4%). En moyenne, les prix ont augmenté de +1,7% en Petite Couronne depuis le 1er décembre 2016.

En Grande Couronne, la hausse moyenne constatée sur le premier mois de l’année est de +0,7%. Au cours des deux derniers mois, les prix ont augmenté en moyenne de +1,6% dans les départements de la Grande Couronne.

En province les prix augmentent plus fortement qu’en Ile-de-France

Le marché immobilier a connu, en province, une progression comparable, voire plus forte qu’en Ile-de-France. Bordeaux franchit la barre des +2% en un mois. Strasbourg atteint +1,5% sur le seul mois de janvier 2017, et Nantes voit ses prix moyens augmenter de +1,3%. Marseille (+0,9%), Nice (+0,7%), Montpellier (+0,6%) et Toulouse (+0,1%) restent plus mesurés.

Lyon et Lille échappent à la hausse

Seules deux villes échappent à la hausse. Lyon (-0,2%) a eu un accident de parcours au mois de janvier mais a cependant connu une hausse de +0,5% depuis le 1er décembre dernier.

A Lille les prix baissent sous la pression de l’encadrement des loyers

Lille est dans une situation tout à fait à part avec une baisse de -0,8% en janvier 2017 et de -1,1% depuis le 1er décembre 2016. Ces baisses s’expliquent par la décision d’encadrement des loyers annoncée le 16 décembre dernier pour application à partir du 1er février 2017.

L’expérience d’encadrement menée à Paris a eu les conséquences que l’on sait sur le ralentissement du marché des petites surfaces et la fuite des investisseurs accablés par une nouvelle mesure s’additionnant à une pression fiscale hors norme. Le découpage lillois semble plus fin et plus homogène que la définition des zones parisiennes. Quatre zones ont en effet été définies en prenant l’IRIS[1] comme unité de base pour renforcer l’homogénéité des prix des loyers dans chaque zone, permettant ainsi de calculer un loyer de référence et un plafond cohérents.

En première analyse, l’encadrement des loyers à Lille provoque des difficultés de même ordre qu’à Paris mais d’ampleur moins importante. La mise en œuvre de la mesure à Lille semble donc tirer quelques enseignements des ratés parisiens.

Ainsi, selon notre analyse de plus de 5 000 annonces[2] mises en ligne depuis le 1er janvier 2016 :

– 27% des annonces proposent un loyer supérieur au loyer majoré de leur zone (à Paris, 46% des annonces étaient dans ce cas lors de la mise en œuvre du décret d’encadrement des loyers)

– Pour 31% des IRIS, nous calculons un loyer supérieur de plus de 10% à celui fixé par le décret (73% des IRIS à Paris à l’époque)

– Nous observons de plus des différences significatives entre les 4 zones lilloises : En zone 2 proche du centre historique de Lille, 34% des loyers des annonces sont supérieurs au plafond;  En zone 4 (périphérie), 11% des annonces ne respectent pas l’encadrement des loyers.

L’encadrement des loyers fait fuir les investisseurs à Lille

Il semble donc que les autorités aient tiré quelques enseignements de l’expérience parisienne pour affiner le zonage et mieux calculer les prix des loyers en prenant en compte la réalité du terrain. L’effet de l’encadrement des loyers reste cependant désastreux sur un marché lillois déjà difficile. En rabaissant l’attractivité des biens immobiliers, cette nouvelle disposition fait fuir les investisseurs et risque de mettre à mal la situation de ces biens peu entretenus par des propriétaires mal rémunérés

L’effet de la surtaxation des résidences secondaires à Paris restera marginal

Il est désormais possible aux municipalités qui le souhaitent d’augmenter les taxes locales dans une fourchette pouvant aller de +5% à +60% dans les zones tendues. La ville de Paris a décidé d’augmenter de +60% ses taxes. 7% des logements parisiens sont des résidences secondaires et l’objectif est de pousser les propriétaires à mettre en location ou à vendre. La plupart de ces logements se situent dans des arrondissements recherchés et chers (XVIème, VIIIème, VIIème, Vème, IVème et IIIème). A court terme, l’impact de cette mesure devrait rester limité.

Même importante, cette hausse ne bousculera pas l’équilibre économique des propriétaires de ces résidences secondaires. A plus long terme, cette surtaxation vient encore augmenter les coûts de possession et d’usage et ternir encore un peu plus l’image de la capitale auprès des étrangers les plus fortunés susceptibles de s’offrir un pied à terre parisien. En revanche, le budget de la ville de Paris bénéficiera dès cette année d’une embellie non négligeable estimée à plus de 40 millions d’euros.

Quelle évolution dans les prochains mois ?

Le scénario que nous présentions au début du mois de janvier commence à se dérouler. La hausse des taux d’intérêt a un impact majeur sur l’activité. Les ménages solvables accélèrent leurs décisions pour profiter encore des conditions exceptionnelles offertes par les banques qui restent très sélectives. Le pouvoir d’achat obtenu grâce à la faiblesse des taux contribue à la hausse des prix avec des acheteurs peu regardant. Ce double effet d’accélération des transactions et de hausse des prix va logiquement s’atténuer avec l’augmentation progressive des taux.

Les taux devraient rester sous la barre des 2% voire 2,5% en 2017

Les taux ne devraient pas augmenter trop fortement sur l’année 2017 et devraient rester sous la barre des 2% voire 2,5%. Cependant, si les conditions macroéconomiques restent stables : chômage important, croissance molle (limitée à 1,1% en 2016 en deçà des prévisions du Gouvernement), inflation limitée, l’environnement politique est beaucoup moins prévisible. L’arrivée de Donald Trump au pouvoir, les élections en France et en Allemagne, le Brexit sont autant de questions ouvertes dont personne aujourd’hui ne connaît véritablement les réponses. Dans l’incertitude, les ménages solvables essayent depuis plusieurs mois de bénéficier de taux historiquement bas. Ce qui est certain, c’est que ces conditions ne dureront pas.

 

[1] L’IRIS constitue la brique de base en matière de diffusion de données infra-communales. Il respecte des critères géographiques et démographiques et est doté de contours identifiables sans ambigüité et stables dans le temps. Voir la définition INSEE https://www.insee.fr/fr/ metadonnees/definition/c1523 [2] Méthodologie : étude de plus de 5000 annonces mises en ligne depuis le 1er janvier 2016. Géolocalisation de ces annonces dans les quatre zones définies par le décret d’encadrement des loyers. Pour chaque annonce, le loyer de référence est récupéré en fonction de la zone et du nombre de pièces. L’époque de construction n’étant que très peu renseignée dans les annonces étudiées, nous avons recomposé un loyer de référence par quartier et par nombre de pièces. Le loyer de référence moyen est donc la moyenne des loyers médians de référence par époque de construction. Le loyer de l’annonce (hors charges) peut alors être confronté à ce loyer de référence.

 

 

Par Ariane Artinian