« L’habitat, marqueur des pauvretés et précarités, déchirure de la République », Bernard Devert, président d’Habitat et Humanisme

Président fondateur du mouvement de lutte contre le mal logement Habitat et Humanisme, le père Bernard Devert adresse une lettre ouverte aux candidats et candidates à la présidence de la République.

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Pour Bernard Devert, président fondateur d’Habitat et Humanisme, les engagements des candidats à la présidentielle devraient être à la hauteur des enjeux. L’état doit réoccuper le terrain là où il y a un sentiment d’abandon. Il faut aussi favoriser le tissage des liens entre les personnes pour diminuer les tensions. En dix ans si la misère a reculé mais la précarité a quant à elle augmenté d’où la nécessité d’investir  dans la culture, l’éducation et l’accompagnement.

Lettre ouverte aux candidat(e)s à la présidence de la République

 

Mesdames, Messieurs, les candidats à la Présidence de la République,

Le risque de l’absentéisme ne serait-il pas pour partie imputable au décalage entre vos programmes et l’attente de propositions concrètes répondant aux difficultés des plus fragiles

Il ne vous est certes pas demandé un catalogue de mesures, mais une vision de la res publica tissant l’unité et l’indivisibilité de la République dont l’une des déchirures est celle de l’habitat, marqueur des pauvretés et précarités.

La part du logement dans le budget familial n’a cessé de croître ; elle représente près de 50% pour ceux disposant de revenus si faibles qu’ils se voient refuser l’attribution d’un logement social. Un comble !

La dignité que l’on doit à chacun – et particulièrement aux plus pauvres – oblige à renverser les pratiques. Aussi, conviendrait-il de retenir comme premier critère d’accès au logement social le reste pour vivre en ajustant le montant du loyer au disponible pour habiter.

La rue a tué plus de 5 000 personnes en dix ans ; elle demeure le lieu d’une assignation pour des milliers d’autres au soir de leur vie ; plus de 600 000 enfants sont par deux fois punis par la misère : un présent si déshumanisé qu’il condamne leur avenir.

Que d’iniquités !

La république, indivisible, est fracturée par de graves inégalités et discriminations dans les quartiers dits sensibles ou encore de non droit.

Bâtir en s’inquiétant de la fragilité, c’est rechercher une urbanité créatrice de liens, ou encore une hospitalité, trace de l’estime de l’autre dans le respect de nos valeurs républicaines.

Une ouverture se dessine – soyons juste – avec la loi Egalité et Citoyenneté mais, plus qu’un texte, s’impose l’ambition d’une urgente réconciliation de la Nation avec ses cités.

Accepter qu’un jeune sur deux, en âge de travailler, soit en chômage, ou maintenir ces machines à loger qui stigmatisent et développent les ruptures sociales jusqu’à faire surgir ce cri : « j’ai la haine », c’est consentir à une indifférence, brûlot de la cohésion sociale.

La vigilance à la fragilité est un appel à la responsabilité pour faire naître de nouveaux modèles se substituant à ceux qui ne fonctionnent plus, sauf au prix de l’injustice, laissant dans des abimes les accidentés de la vie

Oui, quelle attention leur porterez-vous ?

Par Ariane Artinian