Immobilier : « Attention à ne pas écœurer les candidats à la propriété immobilière ! », Danielle Dubrac

Pour Danielle Dubrac, Présidente de l’UNIS, libérer les envies et les énergies pour la propriété doit être l’obsession des décideurs politiques de demain dans un marché qui peine à reprendre son souffle et sur lequel pèsera bientôt de nouvelles contraintes !

Danielle Dubrac

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Danielle Dubrac, Présidente de l’UNIS

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En 2023, le marché de la revente des logements a perdu près du tiers de son souffle. En cause l’inflation, qui a renchéri le taux d’intérêt des crédits immobiliers et a réduit le pouvoir d’achat général des ménages, mais aussi une réelle réticence des banques à prêter pour l’acquisition d’actifs dont la valeur leur semblait orientée à la baisse…et l’intention de reconstituer leurs marges au passage. Depuis quelques mois, on ne peut nier que la donne ait changé.

Législatives : les candidats doivent prendre la pleine conscience de la situation de l’immobilier

Et pourtant le marché peine à retrouver de sa vigueur. Incontestablement, il faut des gestes de relance…et il faut se garder de gestes malveillants. Au moment où s’ouvre la campagne législative la plus courte de l’histoire de notre pays, les partis et les candidats doivent prendre la pleine conscience de la situation et identifier les bons leviers de relance.

Les banques, après des mois de tétanie -qu’elles n’ont jamais vraiment reconnue, mais que les professionnels de la transaction et les ménages ont ressentie douloureusement- considèrent de nouveau les emprunteurs immobiliers d’un regard amène.

Il reste quatre freins puissants de nature à dissuader les ménages : l’inquiétude géopolitique, des taux encore élevés, les critères restrictifs du Haut conseil de stabilité financière et l’attentisme quant à la baisse des prix. Face à ces maux, plusieurs remèdes à apporter. Les prix ne peuvent résister sur des valeurs d’avant inflation tant que le pouvoir d’achat logement restera en retrait de plus de 20% : les vendeurs doivent consentir un effort pour reconstituer la solvabilité des acheteurs. Quant au HCSF, s’il est très regrettable que sa réforme voulue par la proposition de loi du député Causse ait été contrariée, le débat s’est ouvert et les lignes pourraient bien bouger… On note déjà la nomination au sein de l’institution d’une économiste spécialisée en immobilier, Ingrid Nappi. Elle fera valoir sa sensibilité dans les analyses du Haut conseil.

La portabilité des prêts : une mesure à ne pas écarter

Une autre initiative parlementaire mérite d’être saluée, fût-elle mise entre parenthèses par la dissolution. Le député Damien Adam veut que les contrats de prêt comportent obligatoirement une clause de portabilité, permettant à un emprunteur de ne pas rembourser un prêt à la vente du bien, pour qu’il lui permette sans modification de conditions d’en acquérir un autre. On comprend le bénéfice lorsque la banque vous a consenti un taux bas et que des années plus tard le coût de l’argent a augmenté. Sans compter l’avantage que le dossier n’ait à être ni constitué ni réexaminé une nouvelle fois. Cette souplesse serait de nature à rassurer les emprunteurs. La proposition de loi sera examinée en septembre et il importe que les parlementaires comprennent la nécessité d’assouplir les modalités du crédit et d’innover en matière d’ingénierie financière.

L’exonération des droits de donation : ne pas distinguer le neuf et l’existant

Une autre mesure est souhaitable et, suggérée par les organisations professionnelles, elle a eu l’oreille du ministre chargé du logement, Guillaume Kasbarian. Il s’agit d’exonérer de droits de donation les biens acquis avant une certaine date, par exemple la fin de 2025. Le ministre a évoqué la limitation aux logements neufs de cette disposition fiscale : il doit réviser sa position parce que le marché est un tout. Mieux vaudrait ne pas distinguer entre le neuf et l’existant, mais flécher le dispositif vers l’investissement locatif, besoin majeur du moment.

Quid de la Banque centrale européenne qui impose de nouvelles contraintes ?

En outre, les bonnes décisions pour dynamiser le marché ne doivent pas être contrariées par de mauvaises mesures et, malheureusement, il s’en profile. La Banque centrale européenne vient d’enjoindre les banques françaises de n’accorder aucun prêt sans estimation préalable du bien ni sans considération de sa performance énergétique. Alors que le parlement européen vient de se renouveler, il faut rappeler que ces contraintes émanent de directives communautaires, que la France a transposées et qui sont devenues du droit interne. Il nous est possible d’ajuster ces obligations pour les rendre réalistes. Quand la baisse de production des crédits immobiliers est encore de l’ordre de 50% par rapport aux années actives, il serait préjudiciable de rajouter des critères d’octroi ou même seulement des préalables.

Lorsqu’une transaction est effectuée avec le concours d’un professionnel, agent immobilier ou conseiller d’un réseau de mandataires, pourquoi vouloir imposer une estimation garantissant la valeur des biens ? Par métier, le négociateur apporte pour premier service une évaluation fiable, condition pour qu’un bien soit liquide et trouve preneur. Rappelons que le taux de pénétration des professionnels est de l’ordre de 65%. Cela signifie que dans les deux tiers des cas dans notre pays, cette obligation est superfétatoire et les banques doivent en être exonérées d’office. On pourrait même soutenir que le tiers restant devrait aussi en être dispensé : toutes les transactions en France sont authentifiées par notaire, et ce professionnel du droit est en mesure de dire, par référence à la base de données nationale du notariat, le fichier BIEN, si une valeur semble aberrante ou si elle est cohérente avec le marché. En somme, notre organisation de la transaction doit conduire la BCE à ne pas alourdir chez nous le process, ce qui ajouterait de la viscosité et pénaliserait encore plus le marché.

Enfin, une autre obligation se profile : le 14 mars dernier, le parlement européen a voté une directive contraignant les propriétaires occupants de logements classés F et G à atteindre la note E avant 2030 et la note D dès 2033.

Là encore, les banques risquent fort de dissuader les acquéreurs si elles font dépendre leurs acceptations de financement soit d’une note supérieure dans l’échelle du DPE, soit de la capacité financière d’engager les travaux appréciée au moment de la demande de crédit. Attention à ne pas écœurer les candidats à la propriété immobilière !

Libérer les énergies

Il importe que les futurs députés et le futur Gouvernement préparent les meilleures décisions à court et moyen termes pour que le logement redevienne pour les ménages français une source de satisfaction et un atout de vie, et que les professionnels à leur service disposent d’un cadre favorable à l’acquisition. Libérer les envies et les énergies pour la propriété doit être l’obsession des décideurs politiques de demain.

Par MySweetImmo