« Les loyers de marché sont à la baisse ! », Michel Mouillart, professeur d’Economie à l’Université Paris Ouest, FRICS

Michel Mouillart analyse les derniers chiffres de l’observatoire Clameur* (Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux) à fin mai.

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Après plusieurs années de faible progression voire de quasi stabilité des loyers de marché, sur un marché dont l’activité reste pourtant soutenue, l’année 2017 a commencé sur une stabilisation des loyers (0.0 % à fin février, en glissement annuel) : et alors que les loyers se redressent avec l’arrivée du printemps, le mouvement de baisse a repris (- 0.5 % à fin mai, en glissement annuel).

Les loyers progressent moins vite que l’inflation…

0,2% d’augmentation annuelle de loyers et 0,6% d’inflation en moyenne entre 2013 et 2017

Aussi, sur l’ensemble du marché, les loyers ont progressé de 0.2 % par an, en moyenne de 2013 à 2017, donc moins vite que l’inflation (+ 0.6 % en moyenne, chaque année). Le ralentissement est remarquable, puisque de 1998 à 2006 ces mêmes loyers avaient augmenté de 4.0 % chaque année, pour une inflation qui était de 1.8 % par an. Le décrochage était en effet intervenu dès 2007 : entre 2007 et 2012, la hausse des loyers n’était plus que de 1.6 % par an, en moyenne, pour une inflation estimée par l’INSEE à 1.7 % par an, en moyenne.

et reculent dans 54,7% des villes de plus de 10 000 habitants

Globalement, les loyers de marché reculent dans 54.7 % des villes de plus de 10 000 habitants. En outre, les loyers baissent en ce début d’année 2017 dans 53.8 % des villes de plus de 100 000 habitants.  

Et ils stagnent ou ne progressent que sous l’inflation dans 33.3 % de ces villes.  Après avoir déjà reculé en 2016 ou n’avoir que faiblement progressé, les loyers baissent depuis le début de l’année 2017 à Amiens, Argenteuil, Saint Denis et Saint Etienne. Les loyers baissent aussi à Bordeaux, Grenoble, Marseille, Nice, Paris et Rennes, par exemple.

En revanche, les loyers n’augmentent que faiblement (et après avoir baissé ou déjà fait preuve d’une grande modération depuis 2013) sur Brest, Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Montpellier, Nantes, Perpignan, Strasbourg, Toulon et Toulouse.

Ailleurs, les loyers augmentent, souvent après avoir baissé en 2016 et/ou après n’avoir cru que sous l’inflation depuis 2013 (Lille, Nîmes et Orléans). D’ailleurs, dans 41.0 % de ces villes de plus de 100 000 habitants les loyers baissent ou stagnent depuis 2013 et ils ont augmenté moins que l’inflation dans 33.3 % d’autres.

La baisse n’est pas lié à l’encadrement des loyers…

La baisse concerne massivement de petits marchés sans tension  situés dans l’espace rural

Mais le mouvement de ralentissement des loyers de marché et la baisse constatée (notamment) depuis le début de l’année 2017 ne sont pas spécifiques aux seules grandes villes et à leurs agglomérations. Il serait en effet tentant, sinon, de considérer que les dispositions publiques d’encadrement des loyers à la location ou à la relocation (décret d’août 2012 puis loi ALUR) ont permis au marché de retrouver plus de raison, plus de calme. Car en fait, les évolutions se sont constatées partout sur le territoire, même sur les plus petits des marchés ruraux situés en dehors des zones d’encadrement. Ainsi la baisse des loyers de marché qui se constate dans 54.7 % des villes (et EPCI) de plus de 10 000 habitants a massivement concerné des petits marchés, sans tension apparente et/ou anormale, très fréquemment situés dans l’espace rural et sur lesquels les locations nouvelles et les relocations se réalisent autour de 8 €/m² !

… mais aux transformation économiques qui touchent l’ensemble du territoire

Montée du chômage, moindre progression voire perte du pouvoir d’achat fragilisent les locataires

Le mouvement de ralentissement puis de baisse des loyers de marché trouve donc son origine dans les transformations économiques constatées sur tous les territoires depuis le déclenchement de la crise économique et financière internationale (montée du chômage, moindre progression voire pertes de pouvoir d’achat, remise en cause des aides personnelles au logement, …).

Cela est logique compte tenu des clientèles de ménages logées par le parc locatif privé : le constat de l’occupation des différentes composantes du parc de résidences principales que dresse l’INSEE rappelle en effet que les ménages à bas revenus restent plus largement représentés dans le parc privé que dans le parc social. Il aurait donc été étonnant que durant une période de crise telle celle qui est traversée depuis 10 années, l’évolution des loyers de marché ait pu être orientée autrement qu’elle le fut, partout sur le territoire.

* Le « Tableau de bord » de CLAMEUR qui est mis à jour propose une analyse détaillée des évolutions intervenues depuis 1998 sur les marchés locatifs privés de 1 842 villes et EPCI de plus de 10 000 habitants. Il s’appuie sur un échantillon qui comptait 450 000 baux signés durant l’année 2016 (400 000 baux signés en 2015) : pour décrire la conjoncture du marché observée depuis le début de l’année, 235 000 baux signés depuis le 1er janvier 2017 ont été traités. CLAMEUR observe ainsi 26.8 % de l’ensemble du marché (un bail sur 4). Et il recouvre 96.9 % du marché locatif privé métropolitain.

 

Par MySweet Newsroom