« J’installe mon atelier dans la brousse du Zimbabwe pour contrer le braconnage de masse », Rens Lipsius

L’artiste nous reçoit à l’Ideal Artist House n°2. Lui qui se plaît à dire que ses œuvres ne sont rien en dehors du lieu qui les accueille s’apprête à partir au Zimbabwe pour attirer l’attention sur l’urgence de la conservation de cette nature immaculée mais en danger. La brousse sera son atelier…

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Nous sommes à l’Idéal Artist House n°2 à Paris. Tout d’abord, quel est ce lieu dans lequel vous nous recevez ?

Il s’agit de l’endroit où je travaille, tout simplement ! Au cours de l’année, j’y présente les différentes œuvres que je crée… Si j’avais respecté la langue, j’aurais du appeler cela un « studio », c’est en tout cas ce que l’on dirait dans un Anglais correct. Mais si j’appelle cela une « maison », c’est à cause de ma démarche : j’ai toujours réfléchi à la manière avec laquelle on peut intégrer l’art dans notre quotidien, dans notre manière de vivre au jour le jour.

Cet atelier est un endroit formidable, que je chéris profondément. Je l’ai remanié, retravaillé, pour y intégrer ma propre production. Avant toute chose, je lui ai apporté quelques modifications dans son architecture, pour que la lumière y entre de manière plus profonde. C’est un point absolument essentiel… On peut d’ailleurs dresser une analogie : pour moi, une maison, tout comme une œuvre, sont des poumons qui ne peuvent respirer que grâce à la lumière…

Je pense donc que l’art peut avoir un impact sur notre quotidien, de manière bien plus profonde qu’un simple tableau accroché sur un mur. L’espace dans lequel j’intègre mes créations est une partie intégrante de ces créations.

J’ai déjà réaménagé neuf espaces différents à travers le monde, souvent après des commandes de collectionneurs qui m’ont acheté des ensembles d’œuvres. C’est un challenge passionnant : l’espace qui vous est alloué vous pousse à vous remettre en question, et à vous améliorer sans cesse.

Vous présentez aujourd’hui une exposition de vos dernières œuvres…

C’est une série de petits tableaux, de 30 centimètres de côté… Roses and Cauliflowers, (Roses et Choux-fleurs), une série sans fin que j’ai commencée lorsque je travaillais sur un tableau plus grand pour lequel il me restait de la peinture que je ne voulais pas gaspiller ! Ça doit être mon côté un peu radin… J’aime dire que cette série a commencé à pousser, dans l’espace, un peu comme un végétal… Elle se ré-invente sans cesse ! Même lorsque je crois ne plus avoir d’idée, il m’en vient toujours une nouvelle…

Désormais, vous partez installer votre atelier au Zimbabwe…

Si l’on part du principe qu’un atelier est un lieu non-délimité, ça n’est pas illogique. Disons simplement que le lieu va ouvrir ses murs dans la brousse du Zimbabwe. J’ai été invité là-bas par deux instituts, deux entreprises : Untamed Travelling, le plus grand tour-operator pour les safaris installé au Benelux ; et African Bushcamps.

Que va faire un artiste comme vous dans la brousse d’Afrique australe…?

C’est précisément la question que je me pose… Je n’ai pas la moindre idée de la manière dont je vais travailler dans une nature aussi impressionnante, aussi immaculée. Cela ne correspond absolument pas à ma manière de créer, moi qui ai toujours peint dans un atelier. Je serai en contact régulier avec la fondation qui m’invite. Ils m’expliqueront comment ils travaillent pour préserver l’une des dernières grandes natures vierges de la planète, et l’urgence qu’il y a à protéger ces espaces, tout particulièrement du braconnage de l’ivoire.

Cela ressemble fortement à un acte d’artiste engagé…

Disons même d’un artiste militant, même si ce militantisme a longtemps été sous-jacent chez moi pendant des années. J’ai accepté tout de suite l’invitation qui m’a été faite, elle allait tout à fait dans la logique de ma démarche.

Vous avez une idée de ce que vous allez faire une fois sur place ?

Je n’ai aucune idée de ce que je vais créer. Je veux tout mettre à plat, voir comment je vais m’inspirer et créer à partir de matériaux locaux, notamment les pigments que l’on trouve dans la terre. Je m’inspirerai également de la manière dont les communautés locales travaillent elles-mêmes ces matériaux. En échange, je verrai bien si je peux leur montrer l’intérêt qu’il y a à exploiter ces matériaux naturels, plutôt que de se tourner vers le braconnage…

Par Ariane Artinian