Lettre d’un agent immobilier de proximité aux équipes de Complément d’Enquêtes

Jean-Luc Brulard, agent immobilier de proximité fait part de sa déception après sa soirée télévisée sur France 2.

Jean Luc Brulard

© mysweetimmo

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Hier soir, j’étais heureux de regarder « Complément d’Enquête » sur France 2

Comme beaucoup d’entre nous, j’apprécie les soirées de France 2 « Envoyé Spécial » suivie de Complément d’Enquête : Elise Lucet, Jacques Cardoze et leurs équipes d’investigation : pertinence, responsabilité, révélations, autant d’éléments qui honorent le Service public de télévision, nourrissent notre esprit critique et nous changent des séries… en série, et des médiocres téléréalités… Hier soir jeudi 11 avril, j’étais donc heureux de cette nouvelle soirée, d’autant que « Complément d’Enquête » allait aborder un sujet essentiel pour les français : l’Immobilier, c’est-à-dire essentiellement le Logement.
Car je suis aussi Agent Immobilier de proximité depuis plus de 10 ans : et j’en suis fier, c’est un beau métier quand il est bien fait.

Seulement voilà, mon métier a été mis au pilori

Seulement voilà, cette fois-ci c’est mon métier et celui de mes collaborateurs que j’ai découvert, mis sur la sellette et même au pilori. Je ne suis pas naïf.  Les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne.  L’audience est généralement alimentée par le scandale, la contradiction, les mises en lumière de petites ou grosses magouilles… Et les médias, comme toutes entreprises ont besoin de soutenir leur chiffre d’affaire et leur visibilité, en l’espèce leur audience, et le service public n’échappe pas (toujours) à cette règle.
Mais j’ai hier soir pourtant été ému, choqué, déçu par cette présentation uniquement à charge de notre
profession :
-Son titre « Les Nouveaux Profiteurs de l’Immobilier », et votre introduction « un monde où tous les coups sont permis »
– La juxtaposition d’un premier reportage sur les marchands de sommeil, gangrène de notre Société, avec le suivant, sur les professionnels de l’immobilier,
– Des exemples et témoignages uniquement à charge, autant d’éléments qui tendent (méconnaissance ou volonté ?) à jeter le discrédit, l’opprobre sur nos professions dans l’esprit du grand public.

Bien sûr, je ne suis pas naïf…

Bien sûr, aucune illusion, ni aucune contestation de ma part :
– Il y a dans nos activités autant de « planches pourries », de « brebis galeuses », de pratiques douteuses,
voire répréhensibles, que dans la banque, la politique, chez les journalistes, les garagistes,… bref que dans toute activité humaine, et on doit donc lutter sans cesse, sanctionner lourdement : pouvoirs publics, organisations professionnelles, grandes enseignes, tout le monde doit être mobilise à cet effet,
– Notre profession est rude, ingrate souvent, et c’est un vrai métier qui doit donc s’apprendre et cela prend du temps…

Les professions immobilières n’échappent pas au développement des statuts d’auto-entrepreneurs (mandataires dans l’immobilier), parfois souhaités par les meilleurs et les plus autonomes, mais souvent subis notamment par les plus fragiles : les jeunes, les personnes en difficulté d’emploi… on le constate tant et tant dans notre société, parfois même en portant au pinacle des exemples de réussite basée sur des plate-forme qui exploitent, elles-aussi des auto-entrepreneurs pour livrer des pizzas à vélos, transporter des personnes, ou exercer des professions bien plus traditionnelles : le triomphe du low-cost où chacun de nous est à la fois, pour soi-même ou ses enfants, exposé à la paupérisation du travail, mais en même temps ( pour des raisons souvent de pouvoir d’achat, mais aussi parfois de simple profit ou d’économies supplémentaires), tenté par ces nouveaux modes de consommation,… mais, surtout, sans poser la question à son livreur ou son prestataire de son statut, de ses revenus, de sa précarité éventuelle…

… mais il y a des limites, tout de même

Mais tout de même :
– Notre profession, ancienne répond a un besoin largement reconnu (et qui d’ailleurs progresse régulièrement par rapport opérations entre particuliers), compte-tenu des enjeux, financiers, personnels
et familiaux du projet immobilier (qui est généralement un projet de vie), de la complexité administrative et juridiques, des risques encourus,…
– Des acteurs de l’immobilier tous précarisés ? : dans mon agence, mes 5 collaborateurs sont en CDI (ils
peuvent donc ainsi louer ou acheter leur logement, par exemple),
– Une profession de mandataires qui font ce métier du jour au lendemain ? : moi, je suis Agent Immobilier, notre titre est désormais protéger (Loi ELAN) car il correspond à une formation (de base et régulière), une expérience, un niveau de compétence sanctionné par l’obtention d’une Carte professionnelle (Transaction, Gestion,…). Je connais d’excellents mandataires, mais nous n’exerçons pas la même profession, le grand public doit le savoir : il a parfaitement le droit de choisir son partenaire, bien entendu, mais il faut que ce soit un choix éclairé : quand vous achetez votre baguette de pain décongelée à 0,80€, ou bien qu, le dimanche matin, vous allez chez votre artisan-boulanger en acheter une qui sort du four à 1,20€, dans les deux cas, on vous a vendu une baguette de pain, mais vous savez clairement ce que vous achetez et pourquoi : ce n’est malheureusement pas (encore) le cas dans l’immobilier…
– Un métier où plus du tiers des acteurs ne gagne pas même le SMIC ? : c’est probablement vrai, mais dans mon agence, comme dans bien d’autres, tous les salariés, même la plus récente (1 mois d’ancienneté et âgée de 26 ans) sont largement au-delà…
– Des fausses annonces ? : avec mon équipe, nous ne savions même pas que ces pratiques existaient, nous serions ainsi bien naïfs ou anormalement honnêtes ?

Savoir séparer le bon grain de l’ivraie

Ma soirée aurait été agréable si, a minima, le reportage avait consacré, quelques bref instants pour montrer d’autres situations, d’autres pratiques et aider ainsi le grand public à éclairer ses choix, à savoir séparer le bon grain de l’ivraie..

et peut-être, pour les quelques-uns de nos clients qui se reconnaîtront, avant de profiter de la rude concurrence entre acteurs de l’immobilier pour pressuriser les honoraires (parfois même dès la prise de mandat, avant de connaître la réalité des prestations fournies !) honoraires pourtant fixés par un barème qui doit être respecté ( c’est la loi), de poser la question à leur interlocuteur de son statut, de sa précarité éventuelle, de son bien-être ou non de se placer à son service…

… ou encore de donner mandat de vente de leur bien à 4 ou 5 agences ou mandataires (pensant, parfaitement à tort – mais c’est un autre sujet – gagner en efficacité) ce qui revient à dire à 10, 15 ou 20 collaborateurs « travaillez tous au mieux pour le succès de ma vente… mais un seul d’entre vous sera payé » (conception , entretenue par la règlementation, un peu moyenâgeuse pour un pays développé comme le nôtre, non ? qui accepterait ces conditions de travail et de rémunération dans un autre secteur
d’activité ?)

Monsieur Cardoze et votre équipe :
Je nourris l’espoir de pouvoir, au moins, de vous éclairer car je n’ose pas imaginer de droit de réponse, ce n’est pas la pratique… Et mon équipe et moi-même souhaiterions tant que votre projet immobilier, votre projet de vie, vous conduisent, un jour, à pousser la porte de notre Agence Immobilière de proximité : nous avons l’ambition, en effet, de vous faire changer d’avis sur les agents immobiliers… C’est, nous vous l’assurons, un beau métier quand il est bien fait !

Jean-Luc Brulard
Directeur d’Agence IMMEDIAT – RICS
Agent Immobilier de proximité

Par MySweet Newsroom