Immobilier : Face à une demande soutenue, nouvelle accélération des prix

Rendez-vous exclusif. Chaque mois, le professeur d’Economie Michel Mouillart décrypte les marchés pour Mon Podcast Immo.

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Mon Podcast Immo : Que disent les derniers chiffres du neuf publiés par le ministère du logement ?

Michel Mouillart :  Ils montrent clairement que les ventes des promoteurs ont retrouvé de la vigueur. Le niveau des ventes au premier trimestre est semblable à celui des 3 premiers mois de l’année 2019. Comme si l’impact de la crise avait été gommé. Ce rebond des ventes des promoteurs tient au rebond de la demande soutenue par des conditions de crédit exceptionnelles et une pénurie de logement constatée partout en France : dès qu’un promoteur propose un produit, il se vend.

Le point faible, en revanche, c’est que l’offre nouvelle de logements neufs reste très insuffisante par rapport à la demande. Les mises en vente réalisées par les promoteurs sont bien deçà de ce qu’elles étaient en 2019 à la même époque. Cela s’explique bien sûr par la crise sanitaire, par la volonté des promoteurs de ne pas gonfler leurs stocks, par les difficultés de poursuite de nouveaux programmes dans quelques grandes villes, …

Mais il ne sera pas possible de redresser fortement et durablement le niveau de la construction et donc les ventes des promoteurs s’il n’y a pas un coup de pouce public fort.  Le premier ministre a récemment évoqué un effort supplémentaire de quelques dizaines de millions d’euros en faveur de la reconquête des friches industrielles, mais c’est une goutte dans un océan. L’important aujourd’hui, c’est de réfléchir à un véritable programme de relance de la construction et donc de vraiment se poser la question :  comment redynamiser véritablement l’offre de logements neufs dont l’offre des promoteurs ? 

Mon Podcast Immo : Le rebond de la demande que vous évoquez, l’observe-t-on aussi sur le marché de l’ancien ?

Michel Mouillart : Ce rebond est général. Il concerne le neuf comme l’ancien qui bénéficient de conditions de crédit exceptionnelles et de l’ardeur des établissements de crédit à relever leur niveau de leur production en engrangeant des dossiers. A partir du 1er juillet, les recommandations du HCSF prennent un caractère coercitif et les banques qui ne les respectent pas vont en théorie encourir des sanctions. En attendant, elles peuvent encore rester tentées par certains dépassements. Mais cela signifie aussi que dans quelques semaines, certaines des facilités actuelles d’accès au crédit disparaîtront, notamment celles concernant les taux d’effort. Les exigences imposées par la Banque de France font que ce ne sont plus les ménages modestes, avec les apports personnels les plus bas, qui peuvent entrer sur le marché.

Mon Podcast Immo : Beaucoup craignent une remontée des taux de crédit, est-ce légitime ?

Michel Mouillart : L’inquiétude en la matière est épandue. Elle aurait pourtant dû s’exprimer bien avant, puisque tous les scénarios macroéconomiques publiés par la Banque de France ou les principaux établissements bancaires dès le début de l’année attiraient déjà l’attention sur la remontée des taux à venir ! Même si l’on observe une remontée récente de l’OAT, les conditions de financement et de refinancement des établissements de crédit bénéficient toujours des largesses des autorités monétaires européennes. On le sait, les taux vont remonter, mais il est peu probable qu’ils remontent fortement d’ici la fin de l’année et de manière visible d’ici la fin de l’été.

Mon Podcast Immo : C’est à dire ?

Michel Mouillart : Les taux d’intérêts sont descendus à 1,07 % au mois avril. Les établissements ont forcé les conditions de crédit pour engranger la production. Lorsque les exigences des autorités monétaires ne pourront plus être contournées, les établissements de crédit pratiqueront à nouveau une certaine forme de vérité d’affichage des taux. Le potentiel de remontée à venir est-il important ? Probablement pas d’ici le mois de juin et le mois de juillet tant que les banques peuvent encore engranger de la production. Au-delà, les taux peuvent remonter de quelques demi-douzaines de point de base et nous serons peut-être à 1,12 % d’ici la fin du mois de juin. Cela ne changera rien en termes de solvabilité de la demande : la hausse des prix de l’immobilier est bien plus préoccupante, à cet égard.

Mon Podcast Immo : Certains annoncent une baisse prix de l’immobilier. Ont-ils raison ?

Michel Mouillart : Il suffit d’annoncer une baisse des prix de l’immobilier en général, pour que cela soit bien largement repris, surtout si cela va dans le sens de ce que tout le monde a envie d’entendre : les prix vont baisser et tout le monde pourra se loger sans problème. Et qu’importe si la réalité est autre … Mais restons sérieux et examinons les chiffres !

À chaque confinement, nous avons connu un arrêt de la hausse des prix. Quand cette inflexion supplémentaire s’ajoute à la baisse saisonnière des prix en hiver, le phénomène est tout de suite plus visible. Certains s’appuient sur ces éléments pour réaliser des projections sans tenir compte des mouvements saisonniers habituels, ce qui leur permet parfois de publier des cartes de France avec une baisse générale des prix sur toutes les villes. À la fin de ces mouvements saisonniers, les mêmes annoncent une remontée des prix.

Ce que les statistiques montrent, c’est que depuis deux à trois ans, nous connaissons une accélération de la hausse des prix des logements anciens. Celle-ci s’explique par une pénurie de logement, une demande très forte qui ne peut pas être satisfaite partout sur le territoire.  Ce n’est pas nouveau. Et cela semble installé pour durer ! Cette situation s’est confirmée en mars, puis en avril avec une hausse des prix de plus en plus rapide dans toutes les grandes villes de France et dans plus de 90 % des villes moyennes.

Michel Mouillart, Professeur d’Economie, FRICS
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