Crédit immobilier : Les Français pourront-ils encore acheter en 2022 ?

Le 14 septembre dernier, le HSCF a gravé dans le marbre les nouvelles conditions d’accès au crédit imposées déjà depuis quelques mois. Arnaud Groussac, fondateur de Patrimoine Store, plateforme spécialisée dans l’investissement immobilier, vous explique ce que cela change si vous souhaitez acheter un logement.

Patrimoine Store
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Mysweet’immo : Quelles les décisions ont été prises par le HCSF ?

Arnaud Groussac : Techniquement, le 14 septembre, rien n’a changé. Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) impose déjà de nouvelles normes depuis un an. Et les banques s’y sont déjà conformées. Mais, comme annoncé en décembre 2020 et réaffirmé en juin 2021, le HSCF a transformé le 14 septembre sa recommandation en norme juridiquement contraignante dès le 1er janvier 2022, avec de potentielles sanctions à la clé. Il a donc mis en évidence le caractère obligatoire de la norme : une durée qui ne dépasse pas 25 ans (27 en VEFA) et un taux d’endettement inférieur à 33 % ramené finalement à 35 %. Il a été défini également que, seuls, 20 % des dossiers pourraient déroger à l’un de ces deux critères

Mysweet’immo : Pourquoi le HSCF a-t-il jugé nécessaire de restreindre l’accès au crédit ?

Arnaud Groussac : Depuis une dizaine d’années, l’immobilier est un produit d’appel pour les banques. Elles captent, grâce au crédit immobilier, de nouveaux clients qu’elles fidélisent. D’où cette course au taux à la durée pour octroyer des crédits. Il fallait mettre un peu d’ordre dans cette course « folle ». Le HCSF a donc été créé il y a 3 ans pour réguler la concurrence entre les banques. Il s’et attaché à instaurer une norme pour éviter les dérapages. En effet, lorsqu’il a examiné les dossiers de crédit, le HSCF a réalisé que plus de 40 % de crédit étaient potentiellement à risque pour les emprunteurs : ils présentaient une durée de crédit trop importante ou un taux d’endettement trop important.

Mysweet’immo : Quelles vont être les conséquences pour les particuliers ?

Arnaud Groussac : Les nouvelles règles du jeu en matière de crédit imposées par le HSCF pénalise surtout les particuliers aux revenus modestes et les investisseurs. Les revenus modestes auront évidemment des difficultés à rester dans les clous des 35% d’endettement. Pour eux, même si le HSCF n’impose pas d’avoir de l’apport, pas d’autre solution : ils devront mobiliser leur épargne pour faire baisser le montant de leur mensualité. Pour les investisseurs, c’est autre problème : le mode de calcul lié à l’endettement a changé ; on est passé d’une méthode basée sur le différentiel à une méthode intégrée. Investir en respectant le taux d’endettement est très difficile.

Ce qui est compliqué, avec cette norme c’est que le taux d’endettement est figé à 35 %. On ne peut pas aller au-delà. Autrefois, on analysait le reste à vivre en plus du taux d’endettement. Aujourd’hui, c’est fini ! Seul le taux d’endettement compte. Cela pénalise des dossiers qui auraient pu sortir avec 4 à 5 000 euros de reste à vivre. Leur seule solution c’est de faire des dossiers dérogatoires de la banque mais là ce sera à la tête du client !

Mysweet’immo : Acheter un bien immobilier sera-t-il encore possible en 2022 ?

Arnaud Groussac : Oui mais il faut que les Français économisent parce qu’il faut qu’ils aient de l’apport. Pour réduire leur endettement, mieux vaut aussi, s’ils souhaitent investir, que leur résidence principale soit payée. Pour acheter, il sera plus simple de rester dans les critères imposées par le HCSF (35 % d’endettement et pas plus de 25 ans de prêt) puisque les banques vont s’y conformer et inutile de compter sur les 20 % de dérogation puisque tout le monde va vouloir tenter sa chance ! On s’attend tout de même à ce qu’une partie des candidats soient refoulés et se retrouvent sur le marché de la location.

Mysweet’immo : Doit-on craindre une baisse du volume des transactions immobilières en 2022 ?

Arnaud Groussac : En fait, tout va dépendre de ce que feront les Français de leur épargne ! S’ils ne mobilisent pas leur épargne sur des projets immobiliers, il n’y aura pas d’assez d’apport pour faire face aux normes du HSCF. Mais, évidemment, le but de cette haute autorité n’est pas de pénaliser un marché. La norme est fixée (pour stopper la « couse à l’échalote » mais elle peut évoluer au cas par cas !

Mysweet’immo : Quels conseils donneriez-vous aux candidats à l’emprunt ?

Arnaud Groussac : Si votre dossier est « limite » et que vous avez de bonnes relations avec votre banquier, adressez-vous à lui. Vous aurez plus de chances de figurer dans les 20% de dérogations que si vous débarquez dans une nouvelle banque. On le voit déjà depuis un an, les dossiers fragiles passent mieux lorsque le client passe par sa propre banque. Je pense que les banques réserveront les 20 % à leurs bons clients.

Par Olivia Delage