« Maison individuelle : La RE 2020, c’est déjà 5% à 8% de surcoût de construction, et ce n’est pas fini !», Alain Tur

Depuis le 1er janvier, des changements s’appliquent et posent les bases d’un nouveau cadre pour tous les acteurs de la construction. Une bonne ou une mauvaise chose ? Le point de vue d’Alain TUR, Président d’AST Groupe.

Alain Tur

© DR.Alain Tur est président d'ASR Groupe.

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Mysweet’immo : Comment se porte le secteur de la construction de maisons individuelles ?

Alain Tur : Le secteur se porte bien, les ventes sont en croissance (+18 % en 2021) : il est néanmoins ostracisé par la politique actuelle. Pourtant, la pandémie et les confinements ont confirmé ce que nous savions déjà, à savoir que les Français veulent habiter en maison individuelle. Ils ne veulent pas d’empilement urbain. C’est une tendance qui existe depuis longtemps.

Mysweet’immo : Depuis le 1er janvier, une nouvelle réglementation environnementale succède à la réglementation thermique RT 2012. Comment impacte-t-elle le secteur ?

Alain Tur : La RE 2020 est une bonne mesure : elle vise à diminuer le gaspillage énergétique des habitats en diminuant de 30 % en dix ans l’impact carbone des bâtiments construits. Mais cette nouvelle réglementation environnementale n’est pas sans conséquences : elle engendre des surcoûts entre 5 % à 8 % (hors pénurie de matériaux) en fonction de la taille et de l’architecture des bâtiments et les professionnels sont obligés de les prendre en compte dans le prix final de leurs constructions. Un surcoût qui s’ajoute, hasard du calendrier, aux nouvelles règles de financement imposées par le HCSF.

Toutes ces restrictions limitent les budgets des primo-accédants. Résultat, pour faire construire, les clients achètent des terrains de plus en plus éloignés des centres-villes, de leur lieu de travail, parce qu’ils sont moins chers. On parle d’écologie ? En termes d’étalement urbain, c’est pire. En définitif, on a rien réglé. Alors, cherche-t-on à supprimer l’accès à la propriété aux primo-accédants ? Car ce sont eux qui font construire des maisons individuelles et qui subissent tous ces changements.

Mysweet’immo : Y a-t-il des aides associées à la RE 2020 ?

Alain Tur : Non et c’est bien le problème. Quand on a une volonté forte et la RE 2020 en est une, on ne peut pas avoir d’objectifs sans moyens. Sinon cela reste un slogan publicitaire. Lorsqu’on impose une nouvelle réglementation, il faut aider cette transition. Et en maison individuelle, elle n’est pas aidée du tout. Lorsque vous achetez une voiture électrique, la moitié de ce véhicule est quasiment subventionnée. Sans compter qu’en deux mois, nous avons dû adapter l’ensemble de notre système constructif dans des périodes compliquées de pénurie de matériaux, de main d’œuvre. Sans aides pour permettre aux primo-accédants de faire construire, nous courrons à une catastrophe économique, voire sociale à termes car ces  personnes ne pourront jamais faire construire.

Je suis parfaitement conscient qu’il y a une contrainte écologique. Il s’agit de construire des maisons respectueuses de l’environnement. Et nous savons le faire.

Mysweet’immo : Le Gouvernement ne préfère-t-il pas mettre l’accent sur la rénovation ?

Alain Tur : Rénover c’est bien mais à condition d’être propriétaire. L’ancien est beaucoup plus cher que le neuf c’est bien ce qui fait le succès de ce type de produits. Quant aux coûts de rénovation, même s’ils sont aidés, sont extrêmement importants. Ceux qui ont les moyens achètent dans l’ancien mais nos clients, ceux qui choisissent de faire construire, ont, dans 50 % des cas, de petits salaires.

Mysweet’immo : Construire devient compliqué en France ?

Alain Tur : Oui cela devient extrêmement compliqué et surtout extrêmement cher. La France a été longtemps dans une moyenne très raisonnable au niveau des prix de l’immobilier, là c’est explosif et cela va continuer d’augmenter. On le voit sur les opérations de promotion que l’on rentre aujourd’hui en comité d’engagement, des opérations qui seront commercialisées dans 10 mois, on est sur des niveaux d’inflation de prix entre 8 et 10 % par rapport à 2021.

La 1ère victime de tout cela c’est le Français qui devra rester locataire au lieu d’accéder à la propriété. Il ne faut pas oublier que le logement, et notamment la maison individuelle, est pour la plupart des Français quasiment le seul moyen de capitaliser. Au-delà d’un toit c’est un investissement pour le futur : à la retraite, lorsque la maison et payée, le coût du logement ne représentera plus rien dans le budget. A la retraite, le salaire est peu ou prou divisée par 2 donc si on n’est pas propriétaire, cela signifie un coût du logement multiplié par 2.

Donc on est en train de sacrifier, sur l’autel du dogmatisme, ceux qui ont le moins de moyens, ceux qui gagnent autour de deux SMIC et demi par mois : pas question pour eux de faire construire.

Par Olivia Delage