«Après la surchauffe de 2021, 2022 sera plus sage et les prix stables », Philippe Buyens

A quoi ressemblera le marché immobilier en 2022 ? Philippe Buyens, Directeur Général de Capifrance, fait le point sur l’impact de la guerre en Ukraine, de la hausse des taux et de l’inflation sur les prix.

© DR.Philippe Buyens

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Mysweet’immo : Doit-on s’attendre à une hausse des prix de l’immobilier à cause de la guerre en Ukraine ?

Philippe Buyens : Non, je ne pense pas. Le conflit s’enlise. Et malgré le fait que cette guerre est horrible, la vie continue. Ce qui fait peur aux porteurs de projets immobiliers c’est l’incertitude. Depuis quelques semaines, tout le monde a compris que le conflit allait durer et très probablement ne pas déborder hors des frontières de l’Ukraine, ce que craignaient les Français, la confiance est donc revenue, et la guerre en Ukraine ne devrait pas freiner les projets des Français qui profitent encore de taux très bas pour se lancer.

En revanche, il y a une incertitude sur le marché du neuf qui souffrait déjà d’une pénurie de matériaux et qui va avoir à subir l’augmentation des prix des matériaux qui provenaient, avant la guerre, de Russie ou d’Ukraine, comme l’aluminium. Je ne connais pas le niveau de réserve des entreprises sur ces matériaux mais les stocks ne doivent pas être inépuisables car, de nos jours, l’économie marche en flux tendu. Comme l’offre va se raréfier, les promoteurs vont acheter ces matériaux plus chers. De deux choses, ou ils rogneront sur leurs marges ou ils répercuteront la hausse sur celui du m². 

Mysweet’immo : Comment sera le marché immobilier en 2022 ?

Philippe Buyens : Il n’y a rien de très original à dire que 2021 a été une année record dans l’immobilier. Cette très forte demande a entraîné une hausse des prix et un rééquilibrage entre les grands centres urbains et les périphéries puisque beaucoup de citadins ont choisi de privilégier les secteurs où ils pouvaient avoir un extérieur et jouir d’une bonne qualité de vie. Les villes moyennes en ont profité et cette tendance a calmé l’inflation des prix sur les grandes métropoles.

A mon avis en 2022, nous allons rester sur une bonne dynamique mais il ne faut pas s’attendre à atteindre le nombre de transactions réalisés en 2021 (1 200 000 transactions). 2022 sera plus sage que 2021. Et pour cause : le marché a été en surchauffe entre la sortie du 1er confinement et la fin 2021. On a vu beaucoup de ventes se faire au 1er rendez-vous sans négociation avec beaucoup de paiement comptant. C’était inédit.

En 2022, la frénésie d’achat des Français se calme. On le voit depuis le début de l’année : la demande est là mais la courbe de croissance a atteint un plateau. Chez Capifrance, on fait 5 % de mieux sur les 3 premiers mois de l’année par rapport à 2021. A titre de comparaison, en 2021, nous avons fait +26 % par rapport à 2020. En 2022, je pense que nous allons revenir sur un mode de fonctionnement plus raisonné et retrouver les tendances de 2019 ou 2020 (un peu plus d’un million de transactions). Il y aura donc de fait une accalmie sur les prix !

Mysweet’immo : Peut-on imaginer que les prix vont baisser ?

Philippe Buyens : Je ne le pense pas non plus. Je suis dans l’immobilier depuis 35 ans et je sais que les propriétaires sont toujours plus longs à comprendre que les prix baissent que les prix augmentent. Lorsque, conjoncture oblige, ils sont obligés de le faire, cela prend du temps. Les baisses de prix sont toujours beaucoup plus progressives que les hausses. Elles se font en général sur 18 mois. Il ne faut donc pas s’attendre, même si le marché se calme, à avoir à court terme des changements de prix à la baisse significatifs si tant est qu’il y en ait. Le marché devrait rester stable.

Mysweet’immo : Inflation et taux d’intérêt, quel impact sur le long terme ?

Philippe Buyens : On sait tous que les taux d’intérêt ont et vont un peu augmenter mais là aussi la hausse des taux n’est jamais brutale. Elle se fait par petites touches de 0,1 ou 0,2 % une fois ou deux dans l’année. Aujourd’hui, ils restent très bas : autour de 1,20 et 1,50 avec une inflation à 3,5 %. L’argent reste donc bon marché par rapport à l’inflation. De toute façon, tout le monde s’attendait à ce que les taux remontent. Ils n’allaient pas rester en dessous de 1% durant des années. Et des taux entre 1,20% et 1,50%, c’est quand même une très bonne affaire. Tout le monde en aurait rêvé il y a 5 ans.

C’est vrai que l’inflation ne fait plaisir à personne mais quand on achète de l’ancien on n’est pas impacté par elle. Les frais de notaire ne devraient pas augmenter. La hausse du prix de l’essence n’est pas un des éléments qui conditionne ou non un projet immobilier. Pour avoir une idée de l’évolution du marché immobilier, il faut surtout regarder l’état du marché de l’emploi. En France, il est bon. Les Français ont du travail et lorsqu’ils ont du travail, ils font des projets d’investissement à long terme !

Mysweet’immo : Est-ce le moment d’investir ou d’acheter ?

Philippe Buyens : Oui c’est le moment ! De toute façon, de nombreuses transactions en France sont liées à la vie des Français : mariage, naissance, mutation, divorce, décès … Et ça, la guerre en Ukraine ne l’arrêtera pas. Plus on attend et plus on risque d’avoir des taux intérêt qui augmentent. Si on veut profiter des taux bas, il vaut mieux acheter maintenant plutôt que dans un an. Pour les vendeurs, la période aussi est favorable, les prix n’ont pas baissé et la demande est encore là.

Par Olivia Delage