« Le marché immobilier se retourne mais ne s’écroule pas », Vincent Desruelles (Xerfi-Precepta)

Vincent Desruelles, directeur des études chez Xerfi Precepta est l’invité d’Ariane Artinian pour Mon Podcast Immo.

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Où va le marché immobilier, est-on en fin de cycle, est-on à l’aube d’un grand retournement ? Telles sont les questions auxquelles tente de répondre l’étude de l’institut Xerfi sur le marché de l’immobilier de logements à l’heure du retournement. Extraits choisis de l’entretien que Vincent Desruelles, directeur d’études, a accordé à Ariane Artinian pour Mon Podcast Immo suite à la parution de l’étude Xerfi : « Le marché de l’immobilier de logements à l’heure du retournement : tendances 2023-2024 – Perspectives dans le neuf et l’ancien, dynamiques régionales et stratégies des acteurs ».

Mon Podcast Immo : Vous nous présentez les enseignements de votre étude ?

Vincent Desruelles : Chaque année nous dressons un panorama d’ensemble sur l’immobilier neuf et ancien avec nos prévisions pour les années qui viennent. Dans la tendance actuelle, nous constatons des points de blocage à la foi côté demande et côté offre.

Côté demande, on trouve les conditions du crédit qui cristallisent tous les problèmes auxquels sont confrontés les accédants : la hausse des taux largement influencée par le phénomène inflationniste que nous connaissons depuis un an, qui devraient se situer autour de 4 % en cours d’année, alors que les prix n’ont pas baissé. Ce qui entraîne une réduction de la capacité d’emprunt des ménages de l’ordre de 15 à 20 %.

Côté offre, la construction neuve a subi ce choc inflationniste de façon très marquée, avec quasiment une baisse de 30 % du marché des maisons, choc dû à la hausse des coûts de l’ensemble des matériaux de construction (30 à 40 %). Et même si le plus dur de la hausse est passé, il n’y a pas de phénomène de retour en arrière.

Mon Podcast Immo : Dans l’ancien, on constate de mini ajustements des prix à la baisse. Comment voyez-vous la suite ?

Vincent Desruelles : A priori, les ajustements se feront plutôt sur les volumes, qui sont la principale variable d’ajustement sur le marché de l’ancien. On envisage une baisse des ventes d’au moins 10 % – peut-être 15 à 20%. Mais là encore, nous n’assistons pas à un effondrement des transactions ni des prix.
Face à l’attentisme des vendeurs, c’est un mouvement qui est long à se mettre en place, à l’exception des marchés où le déséquilibre était beaucoup trop grand, comme Paris et autres grandes métropoles régionales (Lyon, Bordeaux, Nantes).

Mon Podcast Immo : Le marché est-il à un point de bascule lié à la crise économique mondiale, la guerre en Ukraine… ?

Vincent Desruelles : Si on envisage que la guerre Ukraine va encore durer un certain temps, on peut penser que nous sommes entrés dans un cycle de rééquilibrage. Ce qui n’est pas forcément négatif en soi puisque nous étions dans une situation de déséquilibre un peu trop profond au cours des dernières années (taux bas et durées de prêts considérablement allongées).

Mon Podcast Immo : Quelle est la différence entre un déséquilibre profond et une bulle ?

Vincent Desruelles : Une bulle a vocation à exploser, alors que nous étions dans un
déséquilibre de marché puisqu’il tenait grâce à certains critères – taux bas et durées des prêts longues – qui ne sont plus tenables aujourd’hui.

Mon Podcast Immo : Finalement vous n’êtes pas si pessimiste…

Vincent Desruelles : Non, car certains moteurs restent présents : la volonté d’accession à la propriété toujours aussi forte, le côté valeur refuge de l’immobilier très présent, certains marchés tendus qui restent attractifs du fait de l’afflux de biens passoires thermiques, notamment à Paris où pratiquement la moitié du parc immobilier est classé F et G.

Mon Podcast Immo : Dans ce contexte, comment les professionnels de l’immobilier s’adaptent-ils ?

Vincent Desruelles : Du côté des promoteurs, on observe la volonté d’aller vers des
segments qui fonctionnent, comme les logements abordables dans les grandes métropoles avec le dispositif du bail réel solidaire qui rencontre un certain succès. L’immobilier géré (résidences seniors et étudiantes) résiste également très bien, ainsi que le coliving qui est en train de s’installer durablement dans le paysage. Enfin, il ne faut pas oublier ce qu’on appelle le recyclage, soit la reconversion des actifs en milieu urbain, un grand sujet des prochaines années.

Mon Podcast Immo : Et qu’en est-il du recours des particuliers aux professionnels de l’immobilier ?

Vincent Desruelles : Le PAP (les ventes de particuliers à particuliers) est plutôt stable, autour de 30 à 35 % du marché. L’essentiel des reconfigurations se font dans le circuit intermédiaire avec une progression assez sensible des mandataires (20 % de l’ensemble du marché) face aux réseaux traditionnels.

De manière générale, bien que les possibilités de vendre seul sont facilitées, l’assistance d’un professionnel (environ 70 % du marché) est encore très pertinente face à un projet qui reste complexe.

Par Ariane Artinian
Pour vous procurer l’intégralité de l’étude Xerfi Precepta rédigée par Vincent Desruelles, rendez-vous ici.