Guerre en Ukraine : « Le marché de l’immobilier de luxe peut vivre sans les acquéreurs russes », Alexander Kraft

Quel impact la guerre en Ukraine risque-t-elle d’avoir sur l’immobilier de prestige ? Les Russes représentent-ils encore une part importante de la clientèle en France ? Le point avec Alexander Kraft, Président – Directeur Général de Sotheby’s International Realty France – Monaco.

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© adobestock

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MySweet’immo : Après deux années de pandémie, comment se porte l’immobilier de prestige ?

Alexander Kraft : 2021 a été un cru exceptionnel. Après une très année 2020 malgré un contexte difficile, 2021 a été l’année de tous les records en matière d’immobilier de prestige. Nous avons connu une hausse des ventes de 40 % au sein du réseau Sotheby’s International Realty France – Monaco par rapport à 2020. En 2021, nous avons vendu près de 1,5 milliards en biens de luxe. Avec le Covid, les Français ont ressenti le besoin d’améliorer leur qualité de vie et de miser une valeur refuge. Ils cassé leur tire lire et se sont tournés vers l’immobilier de prestige. Mais ceci n’explique pas tout…

Durant l’ère Hollande, les Français avaient mis en stand by leurs projets d’achat. Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, il y a donc un phénomène de rattrapage sur ce marché. Il a démarré dans les grandes villes et maintenant il essaime partout en France. Il faut noter aussi le retour d’une génération plus jeune. Je l’appelle la génération rbnb. Longtemps les trentenaires et les quadras, ne voulant pas faire comme leurs parents, ont privilégié les voyages. Désormais, ils achètent, à une différence près qu’ils ne veulent pas d’un manoir à retaper pendant 30 ans. Ils cherchent des biens prêts à l’emploi et confortables. L’année 2022 est bien partie. En tout cas, elle l’était jusqu’à jeudi dernier … Difficile désormais de lire l’avenir.

MySweet’immo : Quelle part représentent les Russes sur le marché de l’immobilier de luxe ?

Alexander Kraft : Longtemps, les Russes ont représenté une part importante de la clientèle en France sur les marchés les plus élevés comme Paris, la Côte d’Azur, les Alpes … Depuis les années 90, ils avaient acheté beaucoup de biens très haut de gamme. Toutes les transactions à des prix records s’étaient souvent conclues avec des Russes. Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et les 1ères sanctions, les acheteurs russes étaient beaucoup moins présents sur le marché immobilier. Depuis le début de la pandémie, ils ont complètement disparu.

MySweet’immo : Le marché du luxe risque-t-il d’être impacté par les sanctions contre les Russes ?

Alexander Kraft : Le marché du luxe peut vivre sans les acheteurs russes. Ces deux dernières années, les étrangers, n’ayant pas vu venir, avaient déserté le marché de prestige en France. Les Français ont pris le relais. Certes, ils n’ont pas dépensé autant. Si les Français ont de l’argent, ils ont acheté avec des budgets moins importants, de 1 à 10 millions €, quand les étrangers, très fortunés, achetaient des biens à des prix compris entre 20 et 100 millions d’euros.

Depuis l’été 2021, les Européens (Allemandes, Suisses, Scandinaves) sont revenus sur le marché. Depuis début 2022, les Américains, qui peuvent de nouveau voyager, reviennent mais toujours pas de Russes. En 2020 et 2021, nous avons eu 0% d’acheteurs russes.

Il faut noter également que le marché de l’immobilier de prestige est un marché à part. Il est toujours plus protégé et moins impacté en cas de crise. Si l’effet psychologique peut freiner les envies des acheteurs sur le marché et résidentiel et le desservir, sur le segment du luxe, c’est l’inverse. Les acheteurs se tournent vers les biens de prestige pour placer leur argent. Ils désertent les marchés boursiers et privilégient une valeur refuge telle que l’immobilier de luxe. Evidemment, en cas de crise mondiale, l’immobilier de prestige ne sera pas à l’abri mais nous non plus …

MySweet’immo : Avec les sanctions annoncées par Bercy, les propriétaires russes ont-ils intérêt à revendre leurs biens immobiliers ?

Alexander Kraft : Je ne le leur conseille pas. Tous leurs faits et gestes sont scrutés. En revendant, à défaut du gel de leurs avoirs qui leur permet de continuer à profiter de leurs biens, ils risquent potentiellement une saisie et/ou d’autres conséquences.

Par Olivia Delage
Alexander Kraft est Président – Directeur Général de Sotheby’s International Realty France – Monaco.