Immobilier : Les promoteurs au défi de convaincre les élus à signer plus de permis de construire
Concertation, écologie, spectre du mal-logement… Les promoteurs immobiliers qui viennent de se réunir en congrès à Strasbourg, expliquent qu’ils doivent déployer des trésors de diplomatie pour convaincre des élus plus réticents à signer des permis de construire.
Les promoteurs redoutent une chute de la construction dans les prochains mois
« Il faut réhabiliter l’acte de construire !« , répète inlassablement Pascal Boulanger, le président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).
Certes, le nombre de permis signés au niveau national n’avait pas atteint un tel niveau depuis 10 ans, avec plus de 500.000 nouveaux logements autorisés entre juin 2021 et mai 2022.
Mais ce chiffre est un trompe-l’oeil. Les demandes ont afflué en masse en décembre 2021, pour échapper à une règlementation environnementale plus stricte sur la construction neuve qui entrait en vigueur le 1er janvier 2022, soulignent les professionnels, qui craignent donc une chute dans les prochains mois.
« Les PLU (plans locaux d’urbanisme, NDLR) ne sont utilisés en moyenne qu’à 65% de leurs capacités« , assène Pascal Boulanger. « Un promoteur va acheter un terrain, et après seulement s’engage une négociation avec la ville (…) qui tend, dès le départ, à une diminution, souvent en termes d’étages« , s’insurge-t-il.
A chacun sa stratégie pour convaincre le maire de construire plus
« Le consensus qui existait pour dire +on peut transformer et développer la ville, (…) ce qui suppose de construire des logements+, nous semble sérieusement amoché« , juge Jacques Ehrmann, directeur général du promoteur Altarea.
Nécessité de financer des services (écoles, crèches, parkings, etc.) avec des budgets contraints, parfois réticence à accueillir et intégrer de nouveaux habitants: les causes de la frilosité sont nombreuses, estime-t-il.
« Ce qui, en général, convainc les maires, c’est leur prise de conscience du fait qu’il y a des mal logés, ou des pas logés, dans leur commune« , explique Jacques Ehrmann. Alors, « on lui explique que le personnel de l’hôpital le plus proche de sa ville, ou de la police, ou des pompiers, ne trouve pas à loger dans sa ville parce qu’il n’y a pas d’offre ou qu’elle n’est pas appropriée à la vie de famille.«
« Mais c’est un processus très long« , ajoute-t-il.
Sylvère Hamel, directeur général Ile-de-France du promoteur Kaufman & Broad, abonde: « pour savoir parler aux élus, il faut connaître le territoire, et c’est un travail à long terme ».
« La première des choses, c’est de connaître le mandat sur lequel ils ont été élus. Si vous allez voir un élu écologiste, pour l’inciter à construire, il faudra lui parler développement durable, éco-construction… de choses qui peuvent avoir un lien avec son programme politique.«
Assumer le besoin de construire et attaquer les recours abusifs
Et l’envie de vert et de tranquillité accentuée par le confinement du printemps 2020 a fait naître chez des citoyens de nouvelles préoccupations, que les promoteurs doivent prendre en compte.
« Aujourd’hui, la préoccupation souvent rencontrée, c’est la question de l’acceptabilité ; celle de savoir si le projet en lui-même peut être accepté, notamment par les riverains« , témoigne Virginia Bernoux, présidente du promoteur OGIC.
« Ca peut être une question, par exemple, de hauteur de bâtiment, de +qu’est-ce qu’on peut installer au rez-de-chaussée+ (commerce, services, ndlr), et puis évidemment la question autour de la végétalisation« , dit-elle.
Dans ce cas, la réponse à apporter est celle de la concertation, le plus tôt possible.
« A une certaine époque, on avait l’habitude de concerter une fois que le projet était pratiquement bouclé, et on voit bien qu’aujourd’hui, la concertation se fait de plus en plus en amont« , témoigne-t-elle. « Et plus on est en amont, plus on va discuter du sens, de la programmation, de la présence d’espaces verts…«
Mais, prévient Pierre Aoun, directeur général de LP Promotion, « si on met un, deux, trois ans à concerter et qu’il ne se passe rien, c’est improductif pour tout le monde. On doit dire +il faut faire, et maintenant concertons sur comment on fait pour le faire du mieux qu’on peut+.«
Et si le blocage persiste, « à nous d’être assez fermes et d’assumer ce besoin de construire. Donc d’attaquer les recours, les refus abusifs. Parfois, c’est la seule façon d’y arriver.«