Crédit immobilier : « Il est indispensable de réviser les critères d’octroi imposés par le HCSF », Caroline Arnould

Le HCSF a décidé de maintenir les règles du jeu en matière d’octroi de prêts. Pour Caroline Arnould, directrice générale de CAFPI, la (non) réponse apportée par le Gouvernement ne permettra pas une relance du marché du logement, qui s’enlise petit à petit dans une crise.

Portrait de Caroline Arnould, directrice generale de CAFPI

© Cafpi

Caroline Arnould, directrice générale de CAFPI

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Ce mardi, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), sous la présidence du ministre des Finances, s’est réuni, pour décider des mesures à prendre pour faire face à la chute du nombre de crédits immobiliers accordés. Résultat… rien ne change.

Pour rappel, selon la Banque de France, 10,1 milliards d’euros de crédits immobiliers, hors renégociation, ont été accordés en juillet, un plus bas depuis avril 2016 et près de deux fois moins qu’en juillet 2022.

« Une nouvelle fois, la (non) réponse apportée par le Gouvernement ne permettra pas une relance du marché du logement, qui s’enlise petit à petit dans une crise », explique Caroline Arnould, directrice générale de CAFPI.

Il y a urgence à revoir les normes HCSF

« Il est urgent de revoir les normes HCSF, qui nous sont régulièrement présentées comme visant à lutter contre le surendettement des Français. Sauf que le surendettement lié aux crédits immobiliers est infime si nous le comparons avec le surendettement lié aux crédits à la consommation, ajoute Caroline Arnould.

En 2022, sur les dossiers de surendettement, 76 % concernaient des locataires et seulement 2,9 % des propriétaires. Autre chiffre, le crédit renouvelable représente 20 % des crédits à la consommation mais 85 % des cas de surendettement.

« Il n’est pas dans la politique d’une banque de prendre des risques démesurés en prêtant sans avoir l’assurance d’être remboursée. Pour preuve, avant la mise en place des normes du HCSF, il n’y avait pas pour autant plus de défauts de paiement de la part des emprunteurs, précise-t-elle. Chez CAFPI, nous préconisons 3 aménagements afin de rendre l’accès au financement plus simple, sans pour autant prendre le risque de surendetter les emprunteurs ».

Le calcul différentiel pour les investisseurs

Pour les investisseurs, les revenus locatifs doivent pouvoir être considérés comme affectés au remboursement du crédit (calcul différentiel) plutôt qu’intégrés aux revenus comme exigé par le Haut Conseil. Cette mesure est nécessaire pour que les Français puissent, de nouveau, s’appuyer sur l’investissement locatif comme support de préparation de leur retraite.

Cas pratique 1 

  • Un couple d’une trentaine d’années, ils sont locataires et habitent à Paris mais ne peuvent pas acheter, ils souhaitent donc investir dans une ville étudiante à Lille.
  • Revenus : 4 200€
  • Emprunt : 200 000€
  • Durée : 20 ans
  • Apport : 60 000€
  • Paiement mensuel : 1 100€
  • Loyer : 980€
  • Loyer à percevoir : 850€
  • Loyer pondéré à 70% –> 595€

Calcul version différentiel

((980 + 505) / 4 200) x 100 = 35% d’endettement

Calcul version HCSF

((980 + 1 100) / (4 200 + 595)) x100 = 43% d’endettement

Cas pratique 2 

  • Un couple d’une cinquantaine d’années, ils sont propriétaires de leur résidence principale et souhaitent investir avant leur retraite dans une ville près de la mer.
  • Revenus : 9 800€
  • Emprunt : 400 000€
  • Durée : 20 ans
  • Apport : 100 000€
  • Paiement mensuel : 2 200€
  • Crédit actuel : 2 500€
  • Loyer à percevoir : 1 800€
  • Loyer pondéré à 70% –> 1 260€

Calcul version différentiel

((2500 + 940) / 9800) x 100 = 35% d’endettement

Calcul version HCSF

((2500 + 2200) (9800 + 1260)) x 100 = 42% d’endettement

Prise en compte du « reste à vivre »

La limite de taux d’endettement doit être associée à la notion de reste à vivre. Face à un emprunteur qui, après remboursement de sa mensualité de crédit, peut facilement couvrir ses besoins élémentaires, les banques doivent être libres de monter au-delà de 35 % de taux d’endettement sans que cela soit dérogatoire à la norme.

Cas pratique 3 

  • Un jeune couple sans enfant.
  • Revenus : 5 550€
  • Montant emprunté : 300 000€
  • Durée : 25 ans
  • Mensualités : 1 583€/mois

Taux d’endettement : 37%

Reste à vivre : 3 500€

L’allongement de la durée du prêt

L’allongement de la durée du crédit, afin de retrouver du pouvoir d’achat et faire baisser le taux d’endettement, tout en contrôlant les mensualités. Avec la réforme des retraites, les Français vont travailler 2 années de plus, il est donc logique qu’ils puissent emprunter durant cette période d’activité supplémentaire.

Ce même couple sans enfant (cas pratique 3), si on lui permettait d’allonger son crédit de 2 ans, soit passer de 25 à 27 ans. Leurs mensualités passeraient alors de 1 583€ à 1 517€, leur permettant ainsi de passer à un taux d’endettement de 34%.

« Alors que nous avons tous les indicateurs économiques* qui pourraient nous permettre d’entrevoir l’année 2024 de façon très optimiste pour l’ensemble du secteur du logement, le gouvernement campe sur ses positions et maintient une politique stricte pour l’accès à la propriété », conclut Caroline Arnould. 

*Christine Lagarde a annoncé une dernière hausse des taux directeurs de la BCE et a indiqué que maintenus suffisamment longtemps, ces taux pourront permettre de faire revenir l’inflation à sa « target » initiale c’est-à-dire 2%. Les prix commencent à baisser, la dernière note de conjoncture de l’Insee fait état d’une baisse depuis janvier 2023 de -1% en moyenne sur l’ensemble des logements. Les salaires augmentent de +4,7% dans le privé selon le ministère du Travail. En plus de cela, la fin de la hausse systémique des taux permet aux banques de desserrer leurs politiques d’octroi aux crédits. Elles retrouvent enfin des marges convenables et elles reviennent progressivement sur le marché pour distribuer largement du crédit.

Par MySweetImmo