« L’encadrement des loyers à Paris a évité une hausse de 4,2% des loyers », Martin Regnaud
L’APUR dévoile les résultats de la 1ère évaluation de l’encadrement des loyers à Paris. Le point avec Martin Regnaud, Data Scientist de SeLoger, doctorant CIFRE au CESAER et membre de l’équipe de recherche qui a mené l’évaluation.
Depuis bientôt cinq ans, les loyers sont encadrés dans la ville de Paris, selon les modalités de la loi ELAN et dans le cadre d’un dispositif qui demeure expérimental jusqu’en novembre 2026. L’APUR dévoile, grâce aux recherches menées par l’équipe du CESAER (INRAE) en collaboration avec SeLoger, sur les annonces de location publiées sur la plateforme, entre juillet 2019 et juin 2023, les résultats de la première évaluation scientifique des effets directs de l’encadrement des loyers à Paris. Une étape d’évaluation obligatoire qui relève une capacité du dispositif à contenir les hausses de loyers, notamment pour les petites surfaces.
Trois questions à Martin Regnaud, Data Scientist de SeLoger, doctorant CIFRE au CESAER et membre de l’équipe de recherche qui a mené l’évaluation.
MySweetImmo : Quels sont les principaux enseignements que vous tirez de cette phase d’expérimentation ?
Martin Regnaud : Selon l’analyse des données des annonces de biens proposés à la location sur SeLoger entre juillet 2019 et juillet 2023, l’encadrement des loyers a permis d’éviter en moyenne une hausse de 4,2% des loyers parisiens par rapport à ce qu’aurait été la situation sans encadrement des loyers. Une modération de la hausse, imputable à l’encadrement des loyers, qui s’élève même à 6,2% pour les studios. Cette mesure est la réelle innovation de notre évaluation.
C’est la première fois qu’une étude économétrique va plus loin que des analyses descriptives en isolant l’effet de l’encadrement sur les loyers de tous les autres paramètres économiques, comme l’inflation ou la hausse des taux.
Ainsi, pendant cette période d’expérimentation de quatre ans, le loyer mensuel moyen constaté dans les annonces parues à Paris s’élève à 1 469€. Sans le dispositif d’encadrement, le loyer mensuel moyen aurait été de 1 533 €. L’encadrement des loyers a donc permis de réduire le niveau moyen des loyers parisiens de 64€ par mois, soit 768€ par an, tous types de logement et toutes localisations confondues. Ainsi, ces résultats illustrent la capacité du dispositif à contenir la hausse des loyers.
Autre enseignement : nos travaux de recherche menés sur cette politique publique montrent que l’impact du dispositif aurait été deux fois plus important si tous les bailleurs avaient respecté l’encadrement en vigueur. Entre juillet 2022 et juin 2023, la part des annonces avec un loyer supérieur au loyer de référence s’élevait à 38%.
MySweetImmo : Est-ce que le dispositif a le même impact sur tous les types de biens ?
Martin Regnaud : L’autre constat que nous avons réalisé au sein du comité de recherche CESAER est que le caractère meublé ou non meublé des logements a un impact important sur la probabilité d’observer un loyer dépassant le seuil légal. Entre juillet 2022 et juin 2023, 48,2% des annonces de logements meublés dépassent le niveau de loyer de référence majoré, quand il est de 29,3% pour les annonces de logements non meublés.
Également, la surface des logements et leur localisation constituent des facteurs importants sur la probabilité de constater un loyer dépassant le seuil légal. Dans les secteurs nord-est et dans le centre de Paris, les taux de dépassement du loyer de référence majoré sont les plus hauts constatés dans la ville.
MySweetImmo : Comment ce rapport sur l’encadrement des loyers a-t-il été possible ?
Les équipes scientifiques de SeLoger-Meilleurs Agents ont toujours été très proches du monde de la recherche. En effet, notre équipe Data & Science est un véritable laboratoire avec une politique de recherche portant sur la modélisation du marché de l’immobilier afin d’améliorer notre compréhension de ses déterminants et de son fonctionnement. Au-delà de la modélisation des prix de l’immobilier et des tendances, nos travaux se déclinent sur des sujets tels que les mobilités observées suite de la crise sanitaire, les impacts de la loi Climat et Résilience et notamment du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) sur le marché, ou même les conséquences directes de l’application d’une politique publique comme celle que représente l’encadrement des loyers dans une ville.
Dans le cadre de ces travaux, nous nouons des partenariats ponctuels ou de plus long terme avec des chercheurs avec lesquels nous partageons des sujets d’intérêt, ayant notamment pour ambition d’apporter plus de transparence sur le marché de l’immobilier. Ces partenariats peuvent prendre des formes variées allant du simple échange de données à la participation à des projets de recherche commun.
C’est pour cela que nous avons répondu présent, avec les autres membres de l’équipe de recherche du CESAER à savoir Marie Breuillé, Julie le Gallo, Yoann Morin, Camille Grivault et moi-même, à la sollicitation de l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) qui a été mandaté par la mairie de Paris pour mener l’évaluation du dispositif d’encadrement des loyers (une participation qui s’inscrit dans le cadre de ma thèse CIFRE). Les résultats présentés aujourd’hui représentent plus de douze mois de travail et de partage de connaissances et d’analyses. Du côté de SeLoger, ce projet de recherche a également pu bénéficier des ressources du pôle Data-Science et de son équipe composée d’ingénieurs R&D spécialistes de l’extraction et du traitement de l’information, de l’architecture système, du traitement du signal, de la géomatique et du machine learning.
Source : SeLoger.