16,9% des accédants à la propriété sont des ménages pauvres et modestes

Michel Mouillart, Professeur d’économie et Conseiller scientifique de l’Institut CSA, et Véronique Vaillant, Directrice d’études et Data Scientist à l’Institut CSA font le point sur l’accession à la propriété des ménages pauvres et modestes dans la dernière édition de L’observateur de l’immobilier du crédit foncier.

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Plus de ménages pauvres et modestes accédants à la propriété que dans le parc locatif social

Même si les conditions de la réalisation de leurs projets d’accession sont moins évidentes que pour les ménages aux revenus plus élevés, les ménages pauvres et modestes représentent, en moyenne, de l’ordre de 16,3% des flux de l’accession. Et ces ménages pauvres et modestes sont plus nombreux que ceux qu’accueille le parc locatif social.  Il est pourtant habituel de considérer que la propriété occupante ne concerne que les ménages aux revenus moyens et élevés. Le vieillissement d’une partie des ménages concernés, tels par exemple les agriculteurs et les artisans en milieu rural, ou le déclassement social des plus jeunes sont alors évoqués pour expliquer une telle situation. La hausse des prix des logements constatée jusqu’au déclenchement de la crise économique et financière internationale des années 2008-2009 avait certes contribué à une déformation des flux de l’accession à la propriété, partout et notamment dans les villes les plus convoitées par les ménages moyens supérieurs et aisés. Cette hausse, constatée principalement jusqu’en 2008, a en effet restreint l’accès aux marchés immobiliers en milieu urbain des candidats à l’accession pauvres et modestes, faiblement dotés en épargne préalable et/ou qui ne bénéficiaient pas de la revente préalable d’un autre bien immobilier. Mais sans pour autant que la pérennité des flux de l’accession de ces ménages en soit vraiment affectée, et là est bien le paradoxe.

(…) D’après l’OFL, en 2015 les ménages pauvres qui accédaient à la propriété disposaient d’un revenu disponible annuel moyen de 23 300 euros (respectivement 26 000 euros pour les ménages modestes) contre 41 600 euros pour l’ensemble des accédants. Ces ménages disposaient alors d’un revenu mensuel par UC de 807 euros en moyenne (8) (respectivement 1 170 euros) contre 2 362 euros pour l’ensemble des accédants.

Les dispositifs publics tels le PTZ  soutiennent cette accession à la propriété

Mais ce paradoxe n’est en fait qu’apparent si on prend en compte les dispositifs publics développés durant ces années pour encourager cette accession à la propriété. Le renforcement des dispositifs de soutien à la réalisation des projets des ménages pauvres et modestes (ouverture du PTZ à l’ancien sans travaux dès 2005, puis crédit d’impôt au titre des intérêts d’emprunt en 2007 (12), renforcement du PTZ en 2009…) a en effet permis de rétablir leur place au sein des flux de l’accession. Alors que l’amélioration des conditions de crédit et l’assouplissement de leurs conditions d’octroi ont largement contribué au maintien, puis à l’élargissement (à partir de 2016), des effectifs de ménages modestes. L’importance des flux de l’accession des ménages pauvres et modestes, et même leur accroissement (en réponse, notamment, à l’amélioration des soutiens publics), ne se sont cependant pas soldés par une augmentation des sinistres : en dépit d’une crise économique majeure, la France n’a pas eu à connaître les situations que nombre de ses partenaires de l’Union européenne ont traversées.

La remise en cause des aides à l’accession

Les aides personnelles à l’accession à la propriété ont à cet égard parfaitement joué leur rôle d’amortisseur de crise (13). À l’avenir, la remise en cause des aides à l’accession survenue à compter du début de l’année 2018 devrait cependant nettement fragiliser la demande des ménages pauvres et modestes qui envisageaient de réaliser leur projet de vie ou, simplement, sur de nombreux territoires faiblement dotés en locatif social, qui cherchaient à se loger. Et il n’est pas certain que le calcul économique qui a présidé à la prise de décision ait été le plus pertinent: le coût en aides et en subventions d’un logement locatif social supplémentaire(14) qui serait nécessaire pour compenser la perte d’un logement en accession aidée étant largement supérieur au coût de ce dernier. Comme, d’ailleurs, il n’est pas évident que le recentrage des PTZ sur les zones B1 et A où les prix/coûts d’achat des logements (neufs et anciens) destinés à l’accession à la propriété sont plus élevés qu’ailleurs, permette d’optimiser l’usage de ressources publiques rares. On peut, en effet, remarquer que la part des ménages pauvres et modestes au sein des flux de l’accession est (presque toujours) la plus élevée dans les régions où les zones C et B2 sont les plus fortement représentées : en Auvergne, en Bourgogne, en Champagne-Ardenne, en Franche-Comté, dans le Limousin, en Lorraine et en Picardie. En outre, dans ces régions, les ménages en primo-accession sont surreprésentés parmi les accédants pauvres et modestes. Alors que la part de ces ménages est la plus faible en Île-de-France ou en Paca.

Retrouvez  l’intégralité de l’analyse de Michel Mouillart et Véronique Vaillant dans L’Observateur de Immobilier du Crédit Foncier.

(8) D’après l’Insee (opus cité), le niveau de vie médian des personnes pauvres (pour un seuil de pauvreté monétaire à 60%) s’établissait à 815 euros par mois en 2015

(12) Pour une analyse de l’efficacité de ce dispositif qui, dans les faits, profitait surtout aux accédants à bas revenus : Michel Mouillart, « À propos du crédit d’impôt en faveur de l’accession à la propriété»,  La Lettre de l’Acmil,n°85, juillet 2007.

(13) Une des spécificités du système français d’aide au logement, trop souvent négligée : Michel Mouillart, « Faut-il encore aider le logement en France ? », Les Entretiens d’Inxauseta, 31 août 2018.

(14) Mis à part les aides personnelles dont bénéficient les locataires, et en faisant l’hypothèse qu’un bailleur social ne détermine pas le niveau du loyer de sortie en fonction de ces dernières (dans la limite des plafonds de loyer en vigueur), la réalisation d’un ogement locatif social mobilise plusieurs types d’aides:

– Des aides directes : des subventions de l’État, des subventions des collectivités locales ou des cessions de terrains à un prix inférieur à leur valeur marchande, des subventions d’Action Logement au titre de la PEEC, des subventions accordées par d’autres institutions (les fournisseurs d’énergie, par exemple).

– Et des aides indirectes : les avantages fiscaux accordés par l’État ou les collectivités locales (TVA à taux réduit et exonération de la TFPB), la prise en charge du coût de la garantie des emprunts par les collectivités locales ou par Action Logement, les aides dites «de circuit » (avantage par rapport aux taux du marché des taux des prêts accordés par la CDC ou par Action Logement).

Ainsi, en 2016, d’après la DHUP (« Bilan 2016 des logements aidés », DGALN, août 2017), un PLAI totalisait 57 900 euros d’aides et de subventions (43,3 % du prix de revient hors taxes) et un PLUS, 47 300 euros (respectivement 36,2 %).

Michel Mouillart, Professeur d’Economie, FRICS
À l’avenir, la remise en cause des aides à l’accession survenue à compter du début de l’année 2018 devrait cependant nettement fragiliser la demande des ménages pauvres et modestes qui envisageaient de réaliser leur projet de vie ou, simplement, sur de nombreux territoires faiblement dotés en locatif social, qui cherchaient à se loger.