Réglementation : 4 zones d’ombre autour des états des lieux
Pour Thibault Le Treut, cofondateur de Check & Visit, il est nécessaire de clarifier les incohérences et zones d’ombre en matière d’état des lieux.
Rédigé à l’entrée et à la sortie, l’état des lieux dispose d’un contenu complet avec des mentions obligatoires et des indications aux potentielles conséquences juridiques et financières. Depuis 2014 et la promulgation de la loi ALUR n° 2014-366 et son décret n°2016-382 du 30 mars 2016, de nombreuses incohérences et zones de flou subsistent, alimentant les possibles litiges. Les récentes évolutions proposées par le rapport Nogal sont un bon début mais il faut aller plus loin… L’analyse de Thibault Le Treut, cofondateur de Check & Visit.
Pas de grille de vétusté de référence à l’horizon
La grille de vétusté est censée être introduite dès la signature d’un bail immobilier pour permettre aux deux parties d’évaluer l’usure normale du temps de chaque équipement et revêtement. À la sortie, cette grille aide à détecter distinctement les changements ayant trait à la vétusté et ceux causés par une détérioration imputable au locataire. Or, la notion de vétusté n’a jamais fait l’objet d’une publication nationale. Une subjectivité plane encore sur cette question essentielle pour les professionnels de l’immobilier et toutes les parties prenantes d’une location. Aujourd’hui ceux-ci s’appuient principalement sur ce qu’ils peuvent trouver sur internet et sur des référentiels issus d’accords passés. De ce fait, de nombreux litiges naissent lors de l’état des lieux de sortie. La loi Nogal, qui a vocation à sécuriser les bailleurs et leur faciliter la vie, émet une proposition forte et très attendue par les professionnels pour simplifier la gestion de la vétusté. Il est urgent d’y apporter une réponse globale.
La non-facturation des états des lieux de sortie
Concernant la tarification, la loi ALUR a introduit le plafonnement des honoraires des agents immobiliers (3 euros par m²), comprenant, à ce titre, la séparation des honoraires de réalisation d’état des lieux. Si l’on prend l’exemple d’un studio de 20m2, un professionnel facturera 60 euros au locataire et la même somme au propriétaire. Si l’état des lieux est réalisé avec minutie, il durera au moins 45 minutes. On peut donc imaginer qu’avec le déplacement, il faut compter minimum une heure de temps au professionnel de l’immobilier à l’entrée et surement autant à la sortie… Et cela, sans prendre en considération l’analyse comparative des deux états des lieux ! Ce temps est bien sûr proportionnel à la taille du bien, et évidemment accentué lorsqu’il s’agit de logement meublé….
Le plafonnement des états des lieux meublés
Lorsqu’un logement est loué en meublé, les honoraires d’établissement d’état des lieux restent identiques. Pour autant, la prestation est, quant à elle, considérablement plus longue. Plus encore, le niveau de responsabilité engagé par le professionnel est plus fort : il s’agit d’effectuer un inventaire complet et de s’assurer du bon fonctionnement de l’ensemble des équipements. Mais malgré ces paramètres, les honoraires ne changent pas. Cela n’encourage pas le professionnel à s’y attarder comme il le devrait et ne participe pas à instaurer un climat de confiance entre les parties prenantes. Il conviendrait donc d’ajouter une notion de forfait d’inventaire ou d’un honoraire indexé sur la taille du logement, permettant d’intégrer cette nuance dans les honoraires d’état des lieux. L’objectif : rétablir un climat sain et propice à la bonne exécution d’état des lieux dans les logements meublés.
La gestion du dépôt de garantie
Lors de la signature d’un contrat de location, le propriétaire est en droit d’exiger un dépôt de garantie de la part du locataire. À moins que celui-ci ne cause des dégradations dans le logement, le bailleur est dans l’obligation de lui en restituer l’intégralité à la fin du bail. Mais ce n’est pourtant pas toujours le cas… En France, il est d’ailleurs d’usage que le propriétaire conserve le dépôt de garantie sur son compte personnel plutôt que de le verser sur un compte séquestre ou bien collecté par un tiers de confiance. Dans ce sens, l’une des propositions de la loi Nogal suggère que le locataire ne verse plus le dépôt de garantie au propriétaire-bailleur. Cette somme serait obligatoirement remise à un organisme privé qui le conservera jusqu’à la fin de la location. Cela vaudrait pour les locations par intermédiaire, mais aussi pour celles qui sont assurées de particulier à particulier. Un scénario dans lequel le locataire choisit le professionnel et la formalité est gratuite. La restitution du dépôt de garantie en fin de location s’établit, de son côté, sur la base d’un commun accord entre le propriétaire et le locataire. Toutefois, cette mesure rencontre une opposition massive du côté des professionnels de l’immobilier qui considèrent cette consignation du dépôt de garantie comme une confiscation. Il y a donc fort à parier que son application sera complexe. Pourtant, les litiges autour de la restitution du dépôt de garantie ne cessent de se multiplier.
Louer en toute confiance demeure une tâche complexe, néanmoins la clarification des zones d’ombres autour de l’état des lieux et du dépôt de garantie permettrait de poser des bases saines et limiter ainsi les litiges.