Immobilier : Les appartements et les métropoles retrouvent la côte avec la flambée des prix de l’énergie
Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt, fait le point sur l’immobilier au 1er trimestre 2022. Et surprise : l’inflation constatée sur les prix de l’énergie entraîne un regain d’intérêt pour les métropoles et les appartements.
Après la frénésie de 2021, année qui a pleinement profité de l’effet de rattrapage de 2020, le marché de l’immobilier ancien semble retrouver un rythme plus habituel au premier trimestre, avec des ventes en retrait de 6 % au national par rapport à la même période l’an dernier. Janvier, notamment, a subi un ralentissement marqué lié aux nombreux cas de Covid qui ont provoqué la suspension de nombreux projets. Depuis février, la reprise est au rendez-vous avec une demande toujours supérieure au volume de biens disponibles sur le marché.
Après un retour en grâce des villes moyennes, les grandes métropoles retrouvent à leur tour leur attractivité en ce début d’année, notamment les appartements familiaux qui intéressent de nouveau les acquéreurs. Les maisons continuent toutefois de porter la croissance du marché en zones périurbaines et en régions.
Autre phénomène qui marque ce premier trimestre : la recherche du juste rapport qualité/ prix. Les biens répondant aux critères essentiels, bien orientés et sans gros travaux se vendent au prix, tandis que les négociations reprennent sur ceux qui présentent des défauts.
Le contexte actuel, avec le conflit en Ukraine, renforce encore la pénurie de matériaux de construction et ne facilite pas la rénovation des logements. En parallèle, le volume de biens sortis du statut de « passoire thermique » grâce au dispositif MaPrimeRénov’ reste dérisoire et le sujet de la rénovation énergétique est toujours aussi prégnant. Aujourd’hui, pour les ménages, le reste à charge d’une rénovation performante représente en effet un coût beaucoup trop élevé.
Le crédit immobilier subit lui aussi un effet ciseau avec, d’un côté, des taux qui remontent sensiblement et, de l’autre côté, les recommandations du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) qui imposent depuis janvier aux banques de respecter un taux d’endettement des ménages de 35 % maximum. Les futurs acheteurs doivent donc soigner leurs profils, et l’apport personnel devient le sésame pour accéder à l’emprunt, obligeant les acquéreurs qui pourront le faire à puiser dans leurs économies, et écartant ceux qui ne le peuvent pas. Si ce sujet du financement de l’immobilier semble avoir été identifié par le gouvernement, il faut espérer qu’il sera considéré dans les prochains mois.
Une demande toujours soutenue et une capitale qui retrouve son attractivité
Au national, la demande s’établit à +1 % au premier trimestre, face à des places boursières toujours aussi volatiles, notamment depuis le début du conflit en Ukraine. Légèrement plus haute que l’an dernier à la même période, l’appétence des Français pour l’immobilier ne s’essouffle pas. Avec une augmentation de 3 % de la demande à Paris, la capitale retrouve son attractivité, malgré l’absence de la clientèle internationale et les interrogations des investisseurs sur le plafonnement des loyers ou les conséquences de la loi Climat & Résilience.
Après avoir bénéficié du report sur la première et deuxième couronne des Parisiens, qui souhaitaient de plus grandes surfaces et des espaces extérieurs, la demande en Île-de-France se stabilise (0 %). De la même façon, en régions, elle progresse encore de 1 %. Toutefois, si l’on compare ces chiffres avec le dernier trimestre de l’année 2021, la demande bondit cette fois de 12 % au national, démontrant que les projets d’achat ont été relancés sans attendre, dès le 1er janvier.
Une offre qui se redresse sensiblement, mais qui reste nettement insuffisante
L’offre se redresse légèrement (+1 % au national). La ruée vers l’habitat individuel se poursuit cependant, puisque, au niveau national, l’offre de maisons régresse encore de 3 %, tandis qu’elle augmente de 4 % pour les appartements, tirant mécaniquement le stock à la hausse. Dans les régions et les zones périurbaines, où tous les types de maisons se sont vendus l’an dernier, l’offre régresse d’ailleurs encore de 1 % au premier trimestre. À Paris, en revanche, elle se stabilise (0 %) avec un nombre de biens à la vente toujours très faible, tandis qu’elle remonte franchement en Île-de-France (+5 %). Si l’on compare ces chiffres à ceux du dernier trimestre de l’année 2021, on constate une offre au national stable (0 %), en net recul en régions (-5 %) et qui se reconstitue à Paris (+4 %).
Des transactions à la baisse à nuancer
Affichant une baisse de 6 % par rapport au premier trimestre 2021 au national, le volume de transactions au niveau national recule. Il faut néanmoins nuancer ce constat, après une année de tous les records en 2021. Ce volume reste d’ailleurs conséquent, puisqu’il est similaire à celui du premier trimestre 2019, 2e meilleure année de tous les temps.
Après le rattrapage des projets avortés en 2020, ce recul était prévisible. Il s’explique également par un mois de janvier marqué par un rebond des cas de Covid-19 qui a logiquement empêché les visites et donc les transactions. Par ailleurs, les récentes dispositions prises par le HCSF sur le taux d’endettement des ménages rendent l’accès au crédit plus compliqué, voire impossible, pour de nombreux ménages.
Dans ce contexte, Paris, avec -7 % le volume de transactions, est en retrait par rapport au premier trimestre 2021, même si les dernières semaines montrent un net regain d’intérêt, notamment pour les appartements familiaux. En Île-de-France, les ventes diminuent également, en retrait de 10 %. Une baisse directement imputable à la forte dynamique de 2021 qui a considérablement réduit les stocks de biens disponibles, associée à une hausse des prix qui rend les acquéreurs plus attentifs. En régions, là aussi, le marché retrouve une certaine normalité, avec une baisse de 5 %.
Des prix toujours orientés à la hausse, surtout sur les maisons
Si les prix restent globalement orientés à la hausse, celle-ci est toutefois moins vigoureuse qu’en 2021 (+3,7 % au national, soit 3 434 €/m² ). L’effet de rareté sur l’ensemble du marché soutient cette augmentation face à une demande qui reste bien présente. Les maisons, là encore, portent l’essentiel de la hausse (+7,8 %, contre « seulement » +1,8 % pour les appartements). Les régions plébiscitées l’an dernier voient leurs prix progresser encore fortement (+7,6 %, soit 2 481 €/m² ). En revanche, la baisse se confirme à Paris (-2 %, soit 10 324 €/m² ), tandis que l’Île-de-France continue de se redresser du fait de l’intérêt marqué pour les maisons individuelles (+5,5 %, soit 4 694 €/m² ). Si l’on compare ces résultats au dernier trimestre 2021, les prix augmentent de façon homogène au national de 0,5 %.
Des délais de vente qui se détendent
Les délais de vente confirment eux aussi que la frénésie de 2021 semble être derrière nous, sauf dans les régions où les villes moyennes restent très dynamiques (85 jours, soit 6 jours de moins qu’au premier trimestre 2021, mais 3 jours de plus qu’en décembre dernier). Ainsi, au national, on franchit la barre des 80 jours, à 84 jours, entre la mise en vente et la signature du compromis de vente, contre 79 jours au quatrième trimestre 2021. À Paris et en Île-de-France, les délais s’allongent également, puisqu’ils remontent respectivement de 8 jours (84 jours) et 11 jours (78 jours) par rapport à la même période l’an dernier. Pour Paris, cela représente 1 mois de plus qu’en 2019. Le marché reste toutefois très fluide, sous la barre des 3 mois au national, mais les cartes sont redistribuées.
Écarts de prix : les négociations reprennent
Les négociations reprennent légèrement, mais restent globalement stables à 4,5 % au national, un pourcentage identique au premier trimestre 2021, tout comme en régions (4,68 %, soit un écart de 0,27 point) et en Île-de-France (3,10 %, soit un recul de 0,45 point). Les acquéreurs qui avaient la pression l’an dernier et se décidaient vite prennent désormais le temps de la négociation. Dès qu’un bien présente un défaut ou un niveau de prix jugé déraisonnable, son prix est négocié. Cette réalité est encore plus visible à Paris, où l’on est passé de 2,90 % entre le prix de vente et le prix d’achat au premier trimestre 2021, à 3,84 %. Un chiffre cohérent avec la baisse des prix enregistrée dans la capitale. Toutefois, par rapport au dernier trimestre 2021, on note une stabilité au global des marges de négociations.
« 2022 revient donc à plus de sagesse et de rationalité, car l’essentiel du rattrapage des projets repoussés en 2020 a été mené l’an dernier, commente Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt. Le marché ne présente cependant aucun signe de faiblesse et reste très dynamique, confirmant que les élections présidentielles ne semblent avoir aucun impact sur les projets d’acquisition ou de mise en vente. L’inflation constatée sur les prix de l’énergie est l’une des explications probables du regain d’intérêt des Français pour les métropoles et les appartements. Une maison à la campagne suppose en effet de disposer d’un à deux véhicules, mais aussi de recourir à des systèmes de chauffage, comme le gaz ou le fioul domestique, sur lesquels risque de peser la menace de fortes hausses dans les prochains mois. Par ailleurs, les contraintes et le coût des rénovations thermiques, aujourd’hui insuffisamment financées par l’État avec des restes à charge conséquents, conduisent certains Français à revenir en centre-ville. Toutefois, des menaces se précisent, avec la remontée des taux d’intérêt et les recommandations du HCSF sur l’acceptation des crédits, ainsi qu’avec les obligations de rénovation énergétique. Au-delà de la loi Climat & Résilience, la question des travaux se pose dans un contexte d’inflation, de pénurie des matières premières et d’allongement des délais. Mais le marché de l’immobilier ancien est aussi une terre d’opportunités. Avec la pénurie de matériaux, la construction neuve est à la peine et l’immobilier ancien apparaît plus que jamais comme le principal marché immobilier. Côté opportunités, on trouve également la généralisation du télétravail, avec la possibilité d’organiser sa vie différemment, en acquérant par exemple une plus grande surface à l’extérieur d’un grand centre urbain, tout en gardant un pied-à-terre dans le centre-ville. Le gouvernement qui sera constitué dans 3 semaines devra, quoi qu’il en soit, prendre des mesures pour favoriser l’accès à la propriété des Français et les accompagner plus fortement dans ses exigences de rénovations, pour lesquelles il faut un vrai plan d’accompagnement et des financements massifs, afin d’éviter une crise sociale majeure en France. Et cela d’autant plus que les finances de l’État bénéficient des nombreux revenus liés à l’immobilier : taxe foncière, droits de mutation, droits de succession, IFI… En résumé, pourquoi attendre puisque l’État est gagnant à tous les coups lorsque les Français accèdent à la propriété ou développent leur patrimoine ? »
2022 revient donc à plus de sagesse et de rationalité, car l’essentiel du rattrapage des projets repoussés en 2020 a été mené l’an dernier. Le marché ne présente cependant aucun signe de faiblesse et reste très dynamique, confirmant que les élections présidentielles ne semblent avoir aucun impact sur les projets d’acquisition ou de mise en vente.