« Nous avons la responsabilité du bien-logement pour tous », Delphine Herman (Homelyoo)
Pour Delphine Herman, fondatrice d’Homelyoo, être un acteur économique de l’immobilier donne une responsabilité : celle du bien-logement pour tous.
Très souvent, des responsables de la communauté immobilière louent la santé économique de leur entreprise ou du secteur dans son ensemble. Très souvent, nous lisons que nous avons vécu 2 ou 3 années exceptionnelles en nombre de transactions et avec elles de chiffres d’affaires ou de résultats. C’est une réalité économique. Mais ce n’est pas la vérité du logement.
La vérité, c’est que le logement constitue le poste budgétaire le plus important dans un foyer, et qu’il devient de plus en plus difficile d’y faire face pour une grande partie des ménages. En tant que professionnels de l’immobilier, nous avons une mission noble : celle de loger les gens. Une mission qui implique aussi des responsabilités, dont celle d’œuvrer pour un logement (durable) pour tous.
Regarder la vérité du logement en face
Écrire que le secteur immobilier est en pleine forme et écrire uniquement cela, c’est ignorer les signaux qui ont émergé au fur et à mesure des mois, depuis au moins 2 ans.
Résumer l’immobilier à la bonne santé du nombre de mandats ou de ventes signés, c’est laisser sur le bord de la route toutes celles et ceux qui se serrent la ceinture pour absorber le coût de plus en plus important de leur habitation dans le budget de leur foyer. Toutes celles et ceux qui ont du mal à régler leur loyer en début de mois. Toutes celles et ceux qui ne peuvent pas devenir propriétaires parce que leur situation professionnelle ou financière est trop instable ou trop incertaine aux yeux des organismes prêteurs. Toutes celles et ceux qui sont en attente, depuis des mois voire des années, d’un logement social. Toutes celles et ceux sur qui plane la menace d’une expulsion de leur logement. Et toutes celles et ceux qui sont déjà contraints de vivre sans toit sur la tête.
Nous sommes obligés par ce que nous voyons
Je ne suis pas meilleure professionnelle ni meilleure personne que mes confrères ou consœurs. Je n’ai pas non plus de solution miracle pour résoudre la crise du logement face à laquelle nous nous trouvons désormais. Quelle prétention faudrait-il ! Je ne suis qu’une fourmi dans ce grand et noble secteur. « On » se fiche bien de mon avis, et « on » a raison. En réalité, je suis choquée par l’absence de prise de conscience de certains acteurs, pourtant d’une grande influence, eux.
Nous sommes face à une bombe sociale à retardement, comme qualifiée par les observateurs les plus chevronnés. La faute à des décisions politiques qui n’ont pas été prises, ou mal prises, la faute à un contexte économique et international désormais fébrile.
En revanche, tout comme mes confrères et consœurs, j’ai une responsabilité. Au moins celle de regarder, d’écouter, de partager et d’alerter. Nos clients ne sont pas en difficulté. Quand on exerce une activité de chasse immobilière comme c’est mon cas, les clients sont très généralement des ménages aisés. Au pire leur mettra-t-on quelques bâtons dans les roues pour obtenir le taux d’intérêt minime qui leur avait été promis il y a quelques mois. Mais ils resteront bien logés. Pour autant je n’en oublie pas de regarder autour de moi et d’écouter les difficultés de la majeure partie de nos concitoyens.
Le logement pèse de plus en plus lourd dans le budget des ménages
La vérité c’est que les ménages français souffrent d’un immobilier trop coûteux et devenu trop rare. Les prix d’achat ? Ils étaient les plus élevés dans les grandes métropoles du pays, et voilà que 2 ans de pandémie avec télétravail et envies de verdure ont eu raison des prix dans les villes moyennes ! Au point que les habitants de ces territoires peinent désormais à financer leur résidence principale, à l’achat comme à la location. À cela, il faut à présent ajouter des conditions d’emprunt qui se destinent à des accords de plus en plus contraints, avec à la fois des taux de crédits immobiliers qui remontent plus rapidement que prévu, et des critères d’octroi plus drastiques (taux d’endettement maximum à 35% ; durée limitée à 25 ans).
Les besoins en logement ? Ils n’ont jamais été aussi nombreux alors qu’on n’a quasiment jamais eu autant de mal à construire : faute de délivrance de permis, et maintenant de pénurie de main d’œuvre et de matériaux ! Le coût de l’entretien? La loi Climat et Résilience, bien que vertueuse, oblige à la rénovation énergétique des habitations, et à grande vitesse. Toutefois les budgets à y allouer ne sont pas accessibles pour chaque porte-monnaie. Et il semblerait bien que les aides publiques ne soient pas suffisantes ou pour certaines, pas adaptées. Sans compter les biens qui ne pourront plus être proposés à la location… et qui vont laisser sur le carreau bon nombre de candidats locataires.
Le logement doit devenir une priorité politique
D’aucuns espéraient que la campagne pour les élections présidentielles, un temps marquée par le pouvoir d’achat, permette de placer le logement au cœur des politiques à dessiner. Force est de constater qu’il n’en fut pas le cas, malgré les alertes successives portées par les plus grandes voix de notre secteur.
Il est plus que temps de prendre le sujet pour ce qu’il est : essentiel à la vie en communauté d’un pays dont une trop forte partie des ménages est en difficulté quasi-permanente pour maintenir ce toit sur sa tête, besoin des plus élémentaires s’il en est.
Le bien logement est le socle de notre société : de tout temps, l’homme a eu besoin de ce refuge pour survivre et mettre sa famille à l’abri. Le 21e siècle n’y fait pas exception. Il est grand temps de se saisir du logement en tant que priorité absolue. Il en va de notre responsabilité citoyenne à toutes et tous.