Taux d’usure en hausse : Une bonne nouvelle… de courte durée !

Le nouveau taux d’usure pour le 1er trimestre 2023 vient d’être communiqué. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle pour les emprunteurs ? Empruntis analyse cette évolution et donne les grandes lignes de ce que sera 2023.

Homme pensif

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Hausse du taux d'usure : quel impact sur l’emprunt pour les particuliers ?

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Le nouveau taux d’usure pour le 1er trimestre 2023 vient d’être communiqué. Sa hausse de 52 points de base pour les prêts de 20 ans et plus est bien sûr une bonne nouvelle mais pour combien de temps ? Quel impact sur l’emprunt pour les particuliers ? Empruntis, vous explique ce que vous devez savoir pour décrocher un crédit.

Le taux d’usure, un point de blocage du marché depuis plusieurs mois

En 2022, le taux d’usure, ligne rouge censée protéger le particulier et que les banques n’ont pas le droit de franchir en matière de coût global du financement (crédit, assurance et tous les frais annexes au financement obligatoires), est devenu un empêcheur d’emprunter.

Depuis le mois d’avril, sa méthode de calcul qui prend en compte les taux pratiqués par les banques le trimestre précédent, est trop en décalage. En effet, la remontée rapide des taux, due à l’augmentation du coût de l’argent pour les banques, le rend caduque dans le mois qui suit son entrée en vigueur. Les banques sont alors contraintes de pratiquer des taux de crédit trop bas qui ne leur permettent pas d’appliquer le véritable coût de l’argent pour elles. Obligées de vendre à perte (selon les établissements de 5 000 à 25 000 € perdus par dossier), elles préfèrent distribuer moins de crédit.

Ainsi le nombre d’emprunteurs se voyant refuser leur financement ne cessent de progresser. Une situation inédite sur le marché qui provoque une baisse des transactions qui si elle n’a pas été visible sur le 1er semestre 2022, est constatée par tous les acteurs depuis cet été. Toutes les catégories d’emprunteurs sont concernées.

Une bonne nouvelle… de courte durée !

La réévaluation du taux d’usure pour ce 1er trimestre 2023 est significative : + 52 points de base pour les prêts de 20 ans et plus, +50 points de base pour les prêts compris entre 10 et 19 ans.

Catégorie de prêt immobilier Seuil de l’usure au 1er janvier 2023

  • Prêt à taux fixe moins de 10 ans : 3,41%
  • Prêt à taux fixe de 10 à moins de 20 ans : 3,53%
  • Prêt à taux fixe de 20 ans et + : 3,57%
  • Prêt à taux variable : 3, 35%
  • Prêt relais : 3, 76%

Cela devrait libérer quelques marges de manœuvre pour les banques qui vont pouvoir procéder à de nouvelles hausses de taux, indispensables si l’on souhaite que le robinet du crédit soit un peu plus ouvert. Ainsi, on devrait voir la poursuite de la hausse des taux mais contrairement à ce que l’on pourrait penser c’est une bonne nouvelle. En effet, si les banques peuvent tarifer le crédit à un plus juste prix, certes cela aura un impact sur la capacité d’emprunt des futurs acquéreurs mais cela permettra à plus de dossiers d’être acceptés.

Un taux d’usure encore trop bas

Malgré tout, cette accalmie sera de courte durée. Pour qu’aujourd’hui les banques puissent ne plus perdre d’argent en prêtant, il faudrait que le taux moyen sur 20 ans augmente encore de 100 points. Cette 3ème augmentation du taux d’usure ne pourra donc être qu’une étape vers le retour à une situation plus normalisée, attendue pour le 1er avril, la prochaine révision du taux d’usure. Si nous regardons dans le rétroviseur, au 1er trimestre 2016, les taux étaient équivalents à ceux pratiqués actuellement, le taux d’usure était alors proche de 4%. On avait ainsi un écart de 156 points de base entre le taux nominal du crédit sur 20 ans et le taux d’usure, alors qu’aujourd’hui l’écart n’est que 117 points de base avant les augmentations attendues pour le début de mois.

« Nos partenaires bancaires nous avaient prévenus avant la trêve de fin d’année. Ils capitaliseront sur l’augmentation du taux d’usure pour poursuivre le rattrapage. Et malheureusement la remonté du coût de l’argent (2.916% à date, en forte hausse depuis début décembre) devrait amplifier ce phénomène », indique Cécile Roquelaure, Directrice des Etudes d’Empruntis.

Ce que nous avons (ré)appris en 2022 et qui sera les fondations de 2023

  • Le crédit n’est pas « open bar » : après des années de distribution effrénée, où les emprunteurs pouvaient signer un compromis sur une simple estimation de leur capacité d’emprunt et chercher ensuite leur financement sans crainte, nous avons redécouvert la sélectivité des banques. Dans un contexte où les banques perdent de l’argent en prêtant, elles ne sont plus prêtes à accepter n’importe quel dossier.
  • Le marché du crédit est réglementé et les banques ne font pas la pluie et le beau temps : le HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) a la capacité à dicter aux banques leur stratégie. Depuis 2015, il porte une attention toute particulière au marché immobilier résidentiel et à son financement. Il impose des règles de prudence aux banques (cf encadré) depuis le 1er janvier 2022, les empêchant de conduire leur propre politique de risque.
  • Le taux fixe n’est pas le seul type de taux existant : depuis la crise de 2008 on avait oublié l’existence des taux variables. Le taux d’usure empêchant les banques de tarifer le crédit à son prix juste a permis le retour des taux variables. S’ils permettent de réaliser des financements grâce à une différence de 20 points de base en moyenne, ils offrent aux banques le partage de risque de la remontée des taux avec l’emprunteur. Ils ont par conséquent un impact certain sur le budget des ménages dans les années à venir.
  • Le taux d’usure : de protecteur des ménages à empêcheur d’emprunter : Nous l’avions oublié, mais cette ligne rouge peut, dans une situation de remontée des taux rapides comme en 2022, devenir une contrainte si forte qu’elle interdit l’accès au financement alors même que les taux restent très bas.
  • Le crédit pas cher, ce n’est pas pour la vie : après des années de taux historiquement bas, arrivant à des planchers en janvier 2022 (1% en moyenne sur 20 ans), nous avons redécouvert le vrai prix de l’argent. Les taux ont plus que doublé en un an, rognant la capacité d’emprunt des acquéreurs de plus de 10%. Et ce n’est pas fini…

2023, l’année de tous les dangers pour le crédit immobilier ?

2023 marchera dans les pas de 2022 mais de façon inversée… En 2022, le premier semestre avait été très dynamique (+64% d’intentions d’achat en avril 2022 par rapport à avril 2021), en raison de la hausse des taux qui avait provoqué une ruée sur le crédit. Le 2ème semestre, sous forte contrainte du taux d’usure avait commencé à inquiéter les futurs acquéreurs qui ont fini en novembre par se dire que ce n’était peut être plus le bon moment (-28% par rapport à novembre 2021).

2023 inversera ces tendances. Le premier semestre devrait rester complexe avec une attente forte côté taux d’usure pour le mois d’avril. Cependant si le coût de l’argent se stabilisait enfin, les banques ne courraient plus après une chimère et poursuivraient le financement mais en restant sélectives. Le HCSF qui engage dans sa dernière communication les banques à mieux accompagner les primo-accédants et les ménages modestes grâce à l’enveloppe dérogatoire semble avoir oublié un concept simple : une banque n’est pas une association à but non lucratif… Prêter à des ménages présentant plus de risque ne peut se faire à perte (absence de marges et risque plus important).

Quelques conseils pour réussir son financement en 2023

  • Rassurer le banquier : démontrer une stabilité de la situation professionnelle et financière, préparer son projet en amont, idéalement avoir de l’épargne pour payer les frais annexes, voire de l’épargne résiduelle après projet (les banques ont besoin d’argent pour prêter de l’argent) ;
  • Pour les primo-accédants : éviter tout saut de charge entre le loyer actuel et le crédit, ou épargner la différence a minima ;
  • Tenir ses comptes de façon irréprochable pour qu’à aucun moment le doute ne s’empare du banquier ;
  • En cas d’achat d’un bien dont le DPE le classe en passoire thermique, prévoir les travaux dans le plan de financement impérativement ;
  • Mettre en concurrence les banques : en effet toutes n’ont pas les mêmes politiques financières et donc certaines ont plus de marge de manœuvre en matière d’acceptation de financement et de conditions de taux ;
  • Faire estimer sa capacité d’emprunt en amont de tout projet et la faire réactualiser régulièrement pour ajuster son projet en fonction de la hausse des taux ;
  • Ne pas attendre la baisse des prix, car elle ne sera pas homogène sur tout le territoire et pourrait ne pas compenser la perte de capacité d’emprunt liée à la hausse des taux.

les règles du HCSF

  • Le taux d’effort des emprunteurs ne doit pas excéder 35%, assurance de prêt incluse.
  • La durée du crédit ne doit pas dépasser 25 ans ou 27 ans dans le cas d’un bien neuf ou d’un bien ancien avec des travaux représentant 25% minimum du coût de l’opération (critère PTZ dans l’ancien).
  • Les banques peuvent déroger à ces principes pour 20% de leur production trimestrielle, avec 80% de l’enveloppe dérogatoire dédiée à l’acquisition de résidence principale et 20% pour les primo-accédants.

Quels sont les emprunteurs touchés ?

  • Les ménages avec problème de santé ou seniors sont pénalisés dans leur capacité d’emprunt à cause du taux d’effort
  • Les ménages modestes ou ceux souhaitant allonger la durée de prêt pour maitriser leur budget ne le peuvent plus au-delà de 25 ans alors même que les prix n’ont cessé de progresser.
  • Les investisseurs perdent l’avantage du calcul dit en compensation (prise en compte dans le taux d’endettement de l’effort financier à réaliser, différence entre loyer et crédit) et se voient appliquer un calcul classique de taux d’endettement moins favorable.
Par MySweetImmo