Baromètre immobilier LPI : Des prix en hausse dans un marché en récession

Progression des prix de l’immobilier ancien, contraction de près de 10% de l’achat de logement anciens par les particuliers… Voici ce qu’il faut retenir du baromètre LPI Bilan 2022-perspectives 2023.

Vue aérienne du Havre avec la mer au fond

© adobestock

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Progression soutenue des prix de l’ancien en 2022 : +4,9%

L’année 2022 a amplifié les évolutions du marché constatées depuis 2019 : une partie de la demande pénalisée par les exigences d’un apport personnel plus élevé se déplace vers les zones où les prix sont
plus accessibles, y renforçant les tendances haussières préexistantes ; alors que la concurrence entre les acquéreurs les mieux dotés en apport personnel s’accentue sur les zones les plus convoitées, dans le contexte d’une raréfaction de l’offre.
Certes, les niveaux auxquels les prix sont parvenus dans quelques très grandes villes contribuent à un ralentissement localisé des évolutions : mais ailleurs, les hausses restent très soutenues. Aussi, au-delà du ralentissement saisonnier de l’automne, l’augmentation des prix des appartements et des maisons s’est poursuivie.

Sur l’ensemble du marché, le rythme de la hausse s’est donc établi à 4,9% en 2022. La hausse atteint 4.6% pour les appartements et 5.3% pour les maisons. Le niveau des prix signés est donc maintenant de 6.7% plus élevé qu’en 2021: 9.5% de plus pour les maisons et 4.9% de plus pour les appartements.

La hausse des prix pourrait s’établir à 3% en 2023

En 2023, le marché restera marqué par l’affaiblissement de l’activité, face à une demande pénalisée par le resserrement de l’offre bancaire et le renchérisse ment du coût du crédit.

L’augmentation des prix devrait néanmoins se poursuivre en 2023 : même si dans les quelques grandes villes qui en 2022 ont enregistré un net ralentissement des évolutions, la courbe des prix s’orientera plus franchement à la baisse. Car l’insuffisance de l’offre et le déplacement de la demande vont entretenir la hausse dans la plupart des villes, petites et moyennes.

Sur un marché à deux vitesses, le rythme de la hausse devrait donc ralentir dans l’ensemble, pour tout de même s’établir autour de 3 % (voire peut-être un peu plus) : le ralentissement étant plus marqué pour les appartements que pour les maisons.

Accélération de la hausse des prix du neuf en 2022 : +5%

L’activité des marchés de la promotion immobilière et de la maison individuelle s’est nettement dégradée en 2022. Pourtant, la hausse des prix des logements neufs n’a pas ralenti. Car au-delà du
ralentissement saisonnier de l’automne, les tensions sur les prix se sont renforcées : elles ont été alimentées par la progression des prix des matériaux de construction, la montée des tensions salariales et des nouvelles exigences de la RE2020 ; alors que le prix des terrains à bâtir s’élève dans un contexte de pénurie alimentée par des décisions publiques (révision des SCoT, contrainte du ZAN,…).
La hausse des prix des logements neufs a donc accéléré, pour s’établir à 5.0 % en 2022 : les prix sont donc de 7.4 % supérieurs à ceux de 2021. Elle est restée rapide sur le marché des appartements, avec une progression de 5.0 % : et des prix de 5.3 % au-dessus de leur niveau de 2021. Et elle se renforce sur le marché des maisons, avec des prix en hausse de 4.9 % et s’établissant maintenant à 15.3 % au-dessus de leur niveau de 2021.

La hausse devrait rester soutenue en 2023

Et même si elle ralentit lentement dans les prochains mois, la hausse des prix des logements neufs devrait rester soutenue en 2023.

La province tire les prix de l’ancien vers le haut

En 2022, les trois villes les plus chères (Levallois-Perret, Neuilly sur Seine et Paris) sont franciliennes et affichent des prix supérieurs à 10 000 €/m². En revanche, les trois villes les moins chères (Carcassonne, Châteauroux et Saint Quentin) sont provinciales : à 1 400 €/m², leurs prix sont huit fois moins élevés que les précédents ! Bien sûr si on se limite à la Province, la fourchette se resserre, de 1 à 4 : avec des prix autour de 5 700 €/m², au maximum (Annecy, Cannes et Lyon).
D’ailleurs en Province, dans 41 % des villes les prix sont inférieurs à 2 500 €/m² : la plupart du temps dans des villes moyennes telles Beauvais, Narbonne ou Saint Quentin ; parfois dans des villes de plus de 100 000 habitants telles Amiens, Besançon ou Brest, lorsque la demande qui plébiscite la maison individuelle leur préfère les communes limitrophes. Mais dans 18 % des villes provinciales, les prix excèdent les 4 000 €/m² : presque toujours dans les grandes métropoles d’équilibre régional (Bordeaux,Nantes ou Rennes, par exemple).
Et globalement, la hausse des prix est de 10 % et plus sur un an dans 19 % des villes de plus de 50 000 habitants : dans la majorité des cas, ce sont des villes provinciales, avec des prix à 2 500 €/m² au plus qui attirent une demande que les restrictions d’accès au crédit écartent des grandes villes. Alors que les augmentations les plus faibles se constatent essentiellement en Ile de France. Enfin, la baisse des prix n’est observée que dans 10 % des villes (une baisse de moins de 1 % dans 6 % des villes) : soit en raison de prix particulièrement élevés (Levallois-Perret ou Neuilly sur Seine) ou au contraire très faibles (Calais ou Tourcoing) et sur des marchés locaux (très) déprimés.

Quand le grand Genève rivalise avec les principales métropoles

Les 117 communes du pôle métropolitain du Genevois français, la partie française du Grand Genève, accueillent plus de 425 000 habitants. Mises à part Annemasse et Thonon-les-Bains qui comptent chacune moins de 40 000 habitants, les autres communes sont plutôt petites (de 10 000 à 15 000 habitants) ou très petites.
Pourtant, compte tenu des déséquilibres d’un marché immobilier frontalier très convoité, les prix des appartements anciens rivalisent avec ceux des principales métropoles françaises. En se situant à 4 053
€/m² en 2022, ils sont comparables à ceux des métropoles de Montpellier, Nantes, Rennes ou Toulouse : donc devant ceux des métropoles d’Aix-Marseille, Lille ou Strasbourg ; et loin devant (de l’ordre de 60 % de plus) ceux des métropoles de Brest, Nancy ou Rouen.
D’ailleurs, le prix moyen du Grand Genève se place dans le tiers supérieur des 178 villes de Métropole de plus de 40 000 habitants (3781 €/m²). En revanche, le rythme d’augmentation de ses prix (+3.8% en 2022) est moins rapide que celui observé dans les grandes métropoles (+ 4.9 % en moyenne) ou dans les villes de plus de 40 000 habitants (+ 5.8 % en moyenne) : il se situe en effet parmi les 40 % de villes dont les augmentations de prix ont été inférieures à 4.0 % en 2022.

Des marges de négociation à un niveau record en 2022 : 6%

Sur un marché de l’ancien qui s’est enfoncé dans la récession, l’augmentation des marges de négociation a été rapide en 2022 : + 46% sur le marché des appartements et + 52% sur celui des
maisons. Elles se sont établies à leur plus haut niveau depuis le début de 2010 : bien au-delà des maximas déjà observés par le passé, en décembre 2014 pour les maisons et en mars 2015 pour les
appartements, lorsque le marché était en panne.
Mais ces évolutions ne bénéficient pas forcément aux acheteurs, en renforçant leurs capacités de négociation. Les marges sont par exemple à leur plus haut niveau en Normandie ou en Picardie, dans des régions où la demande a été malmenée par la crise économique et s’est largement retirée du marché. Alors qu’elles sont les plus faibles en Ile de France été en PACA où les prix hésitent, tout en restant à (très) haut niveau, et entravent l’accès au marché.
Partout, la réalisation des projets immobiliers des ménages sont contrariés par les difficultés d’accès
au crédit et la dégradation du pouvoir d’achat, sans que les évolutions des marges ne les aient vraiment secourus. Si les candidats à un achat doivent négocier les prix, c’est pour boucler un plan de financement acceptable par la banque.
D’ailleurs les révisions de prix ne sont pas synonymes de baisse des prix de l’ancien : les ambitions des nouveaux vendeurs tiennent compte de la situation de pénurie qui caractérise le marché et les prix affichés augmentent toujours rapidement (+ 5.0% en 2022).

2022, une année de récession

L’année 2022 a été marquée par une nette détérioration de l’environnement des marchés immobiliers (durcissement des conditions d’octroi des prêts, hausse des taux, pertes de pouvoir d’achat, dégradation du moral des ménages). Alors que la hausse des prix des logements anciens n’a guère fléchi, se renforçant même sur de très nombreux territoires, les achats de logements réalisés par des particuliers ont donc reculé.
En dépit d’une brève éclaircie à la fin du printemps, les ventes avaient diminué de 7.4 % en glissement
annuel (GA) durant le 1er semestre. La dégradation du marché s’est alors renforcée durant l’été, avec des ventes en recul de 19.0 % en GA, sous l’effet d’une forte contraction de la production de crédits
immobiliers. La demande s’est cependant partiellement ressaisie durant le 4ème trimestre et l’activité a légèrement rebondi, comme cela est habituel avant le décrochage des mois d’hiver. Mais ce rebond est reste contenu, avec des ventes en recul de 3.0 % en GA : pourtant le repli de l’activité s’était déjà amorcé durant l’automne 2021.
Sur l’ensemble de l’année 2022, les achats de logements anciens par les particuliers ont donc
reculé de 9.5 %.

L’activité devrait se contracter encore en 2023

L’activité devrait encore se contracter en 2023, mais à un rythme moins rapide (de 2 à 5 %, selon les évolutions économiques et financières). Et peu d’améliorations du marché sont à attendre, tant que les contraintes pesant sur l’offre de crédits ne seront pas desserrées.

Des régions inégales face à la récession

Si France entière, les achats de logements anciens réalisés par des particuliers ont reculé de 9.5 % en 2022, les évolutions de l’activité diffèrent largement selon les régions. Mais bien qu’aucune région n’ait été épargnée par la baisse des ventes, dans certaines l’activité a mieux résisté à la vague descendante.
Dans les deux régions qui jusqu’en septembre dernier bénéficiaient encore d’une lente expansion de l’activité (Ile de France et Midi-Pyrénées), la baisse des ventes a été modérée (de l’ordre de 2 %). Et les ventes n’ont reculé que de 6 % dans des régions très différentes par les niveaux des prix pratiqués ou les revenus des acheteurs (Alsace, Auvergne, Limousin, Lorraine et Nord-Pas de Calais) : alors qu’en 2021 les ventes s’étaient accrues rapidement en Province, l’activité n’avait que modérément progressé dans ces régions et n’a commencé à se replier que tardivement en 2022, vers la fin du printemps.
Dans quelques régions (Languedoc-Roussillon, PACA, Picardie et Rhône-Alpes), le recul des ventes s’est fait au rythme de l’ensemble du marché, depuis le début de l’année.
En revanche, les achats ont diminué de 15 à 20 % en 2022, dans les autres régions : lorsque les difficultés de mobilisation de l’apport personnel ont été plus prononcées qu’ailleurs, lorsque l’offre bancaire s’est heurtée à une profitabilité des nouveaux prêts particulièrement faible ou lorsque le marché des résidences secondaires s’est nettement grippé.

Michel Mouillart, Professeur d’Economie, FRICS
Les données ci-dessus émanent du baromètre LPI de décembre reposant sur des données arrêtées à fin novembre.