« L’immobilier de luxe ne connaît pas la crise », Charles Marie Jottras et Nicolas Pettex (Féau)
Ariane Artinian reçoit, pour Mon Podcast Immo, Charles-Marie Jottras et Nicolas Pettex, respectivement président et directeur général du groupe Daniel Féau.
« L’immobilier de prestige est un segment de marché qui se porte bien« , expliquent Charles Maries Jottras (président) et Nicolas Pettex (directeur général ), dirigeants du groupe Féau au micro de Mon Podcast Immo. Extraits choisis.
Mon Podcast Immo : Tout va donc bien dans l’immobilier de prestige aujourd’hui ?
Nicolas Pettex : Oui, nous avons le sentiment depuis quelques trimestres que le secteur du luxe est de plus en plus décorrélé du marché pris dans sa globalité, avec des acquéreurs qui ne réagissent pas aux mêmes signaux. Ils regardent le différentiel entre le taux d’emprunt et le taux d’inflation qu’ils envisagent à long terme. Ils font attention aussi à l’évolution de la parité des monnaies entre elles.
Charles-Marie Jottras : Nous observons depuis toujours que le marché du luxe est plutôt protégé des impacts qui pouvaient affecter les autres segments du marché (hausse des taux, évènements géopolitique, crise sur les marché…). Il se comporte de façon beaucoup plus résiliente.
Mon Podcast Immo : Vous constatez carrément une explosion des ventes au-delà des 3 millions d’euros au 3e trimestre 2022…
Nicolas Pettex: C’est un segment extrêmement dynamique, même avec un petit coup de mou, il reste au-delà du niveau de 2019 qui était la meilleure année de toute l’histoire de Féau. Au 4e trimestre, nous enregistrons une légère érosion pour les tranches inférieures, entre 750 000 et 1,5 million, et 1,5 et 3 millions.
Je rappellerai que pour nous l’après-crise des subprimes en 2008 a duré 4 mois. Le 1er janvier 2009, le téléphone s’est remis à sonner avec un petit accent suisse… Le franc suisse avait en effet explosé et c’était les « soldes » pour les Suisses à Paris. Le contexte était également très favorable aux Américains qui connaissaient un taux historiquement fort du dollar par rapport à l’euro et des conditions d’emprunt en France (à Monaco et au Luxembourg) nettement plus intéressantes.
Mon Podcast Immo : Combien cela représente-t-il de transactions à Paris ?
Nicolas Pettex : Quelques centaines de transactions. C’est donc un « petit » marché, ce qui explique qu’il est décorrélé du marché global. Nous nous reconnaissons davantage dans l’index Artprice 100 plutôt que dans les courbes qu’on observe sur l’immobilier pris dans son ensemble en France.
Charles-Marie Jottras : Pour des biens au-delà de 2 millions d’euros à Paris, les ventes ces dernières années totalisent environ 2,8 milliards d’euros pour un marché global de 20 milliards. Pour nous, cela représente 1 vente sur 4 de ce marché et, au-delà de 4 millions, 4 ventes sur 10,
Mon Podcast Immo : Pour revenir à l’index Artprice, un appartement de prestige peut vraiment se comparer à une œuvre d’art ?
Charles-Marie Jottras : En termes d’évolution des prix, il est vrai que les œuvres d’art et les beaux appartements parisiens sont deux catégories d’actifs qui présentent énormément de similitudes. Ce sont des actifs rares, non reproductibles, tangibles. Ils sont susceptibles d’intéresser une clientèle mondiale fortunée qui a intérêt à diversifier sa part d’euros dans son allocation globale d’actifs. Ils paraissent moins risqués et, peut-être l’élément le plus subjectif est leur caractère statutaire et le plaisir de posséder un bel appartement comme une belle toile.
Mon Podcast Immo : Qu’est-ce qu’une belle adresse ?
Nicolas Pettex : À Paris, il y a de très belles avenues qui ne sont pas de belles adresses. En revanche, l’avenue Marceau, l’avenue Émile-Acollas en résidentiel, par exemple, sont de très belles adresses pour lesquelles on est en plein dans le caractère statutaire du bel appartement parisien.
Charles-Marie Jottras : En effet, c’est assez subjectif. Par exemple, l’avenue Foch, qui n’est pas très prisée par une clientèle française traditionnelle, est une belle adresse pour une partie de notre clientèle internationale (Moyen-Orient, Asie, Afrique). De même que le Triangle d’or, très prisé par les Américains, qui s’intéressent en priorité à Saint-Germain-des-Prés. Pour la clientèle française, une belle adresse c’est une avenue dans laquelle on côtoie des gens de la même « société ».
Mon Podcast Immo : Y a-t-il un nouveau territoire du luxe qui se dessine ?
Charles-Marie Jottras : Il y a le phénomène de la « boboïsation » des quartiers où s’installent des jeunes issus de quartiers bourgeois plus traditionnels. Par contre, lorsqu’ils ont fondé une famille, ils retournent dans leurs quartiers d’origine à proximité de grandes écoles.
Mon Podcast Immo : Y a-t-il un parallèle à faire entre le métier d’agent immobilier et celui de marchand d’art ?
Charles-Marie Jottras : Pas vraiment, car les modes de commercialisation sont radicalement différents. Depuis plus de vingt ans, nous avons un partenariat avec Christie’s, nous avons les mêmes clients. Souvent, les experts de Christie’s sont appelés pour estimer une collection dans un hôtel particulier qui est à vendre.
Mon Podcast Immo : Revenons sur l’estimation d’un bien qui sous-tendrait que plus c’est grand, moins c’est cher…
Nicolas Pettex : Nos chiffres démontrent le contraire. À Paris, les appartements de plus de 200 m2 se vendent nettement plus chers que ceux de moins de 100 m2. L’écart est croissant voire exponentiel. C’est précisément toutes ces caractéristiques immobilières qui font qu’un bien est un produit de luxe pour lequel la surcote s’ajoute et que nous sommes complètement décorrélés du marché moyen parisien. En moyenne, il faut compter 24 000 euros du mètre carré pour un appartement avec terrasse.
Charles-Marie Jottras : Il y a aussi un biais statistique. Il est clair qu’un bien de grand luxe va être un bien important en taille, il y a aussi une population d’appartements qui peuvent être très grands et ne pas pouvoir rentrer dans la catégorie luxe (pas de vue, pas de surface extérieure, pas de hauteur sous plafond).
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