À Moscou, les Russes ont du mal à vendre leurs biens immobiliers

Amputé de milliers de riches Moscovites partis vivre à l’étranger, le marché de l’immobilier à Moscou est au ralenti depuis un an. Cette situation illustre l’adaptation de la Russie aux « nouvelles réalités », comme les qualifient les dirigeants russes alors que la Covid-19 avait déjà fortement affecté le marché immobilier local.

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« Une baisse de plus de 20% »: face à l’absence d’acheteur potentiel, Vladimir Stetsenko a dû se résoudre à une forte remise pour vendre son appartement à Moscou, exemple des « nouvelles réalités » de l’économie russe sous sanctions.

Sans emploi, cet ancien ingénieur mécanique de 61 ans habite en République tchèque depuis deux ans, avec sa femme et ses enfants, tout en gardant un pied-à-terre en Russie.

« On n’avait pas prévu de le vendre« , raconte-t-il à l’AFP. L’appartement en question, un 64 m2 dans le sud de Moscou, avait été récemment rénové.

Mais le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine, il y a un an, a tout chamboulé.

Le temps de s’organiser, Vladimir a mis son deux-pièces sur le marché en octobre. Problème: personne n’est venu toquer à la porte, le prix étant trop élevé sur un marché amputé de milliers de Moscovites disposant d’un fort pouvoir d’achat, partis vivre à l’étranger.

« On a donc décidé de baisser le prix, d’un peu plus de 20%« , commente-t-il, pour un montant total de « 200.000 euros ».

« Du jamais-vu »

Le marché de l’immobilier à Moscou est « complexe » depuis un an, euphémise auprès de l’AFP Vadim Orekhov, 35 ans, co-fondateur de l’agence immobilière moscovite Rio Luxe.

« Il y a beaucoup de biens » sur le marché, « donc cela crée une forte concurrence entre les vendeurs« , explique-t-il. « C’est du jamais-vu depuis deux ans« , affirme-t-il, soulignant que la pandémie de Covid-19 avait déjà fortement affecté le marché immobilier local.

Le prix du mètre carré s’établit aujourd’hui autour « de 3.200 euros », en baisse par rapport au pic entraîné par la vague de « panique » de mars-avril dernier lorsque les Russes se sont précipités pour investir dans la pierre en plein effondrement du rouble, qui s’est depuis redressé, précise Anastasia Tchitchikina, qui travaille sur le marché depuis début 2022.

Le directeur du centre d’analyse « Indicateur du marché immobilier », Oleg Reptchenko, fait, lui, le parallèle entre le marché actuel et « la situation en 2014-2015, lorsque les premières sanctions ont été imposées » contre Moscou, après l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée.

Dans les deux cas, « après une hausse des prix à court terme, le coût du logement a progressivement baissé« , résume-t-il.

Phénomène nouveau en 2022 toutefois, le nombre de transactions effectuées par procuration a explosé.

Selon l’agence INCOM-Immobilier, la part des appartements vendus à Moscou via un mandataire « était d’au moins 17% cet automne », contre « moins de 5% » avant l’assaut russe en Ukraine.

« Perestroïka » version 2022

Les évolutions sur le marché de l’immobilier illustrent l’adaptation de la Russie aux « nouvelles réalités », comme les qualifient les dirigeants russes, avides de montrer que le pays a « surmonté » les premières vagues de sanctions internationales, sans être totalement isolé.

Une enseigne locale a ainsi remplacé le géant américain de la restauration rapide McDonald’s, et les principales marques de sodas étrangères ont fait place à des équivalents locaux.

A l’international, les échanges commerciaux avec la Chine ont battu un record l’an passé, atteignant 190 milliards de dollars, selon les douanes chinoises.

Et la prévision de croissance de l’économie russe pour 2023 a même été largement réévaluée par le FMI fin janvier, passant d’une anticipation de -2,3% à une légère hausse de 0,3% sur l’année. Une annonce qui n’est pas passée inaperçue au Kremlin, qui rappelle à qui veut l’entendre que « l’Occident collectif » a lancé une « guerre hybride » – dont économique – contre la Russie, destinée selon lui à l’affaiblir.

Des signes non négligeables de résilience qui ne peuvent toutefois pas occulter des difficultés persistantes, après un an de campagne militaire en Ukraine.

Les rideaux des grandes marques dans les centres commerciaux du centre de Moscou restent baissés; l’inflation, autour de 12%, a entamé le pouvoir d’achat des Russes; les touristes ont pratiquement disparu; et les problèmes d’approvisionnement dans certaines industries sont toujours là, comme dans le secteur automobile où le manque de semi-conducteurs entraînent des tensions sur les chaînes de montage.

L’UE a par ailleurs prévu la mise en place d’un dixième paquet de sanctions dans les prochains jours. Le but espéré: limiter encore davantage les revenus de Moscou dans la perspective d’un conflit long.

Par MySweetImmo avec AFP