Immobilier : « Faire de la copropriété un acteur économique à part entière », Jean-Marc Torrollion

Pour l’ancien président de la FNAIM Jean-Marc Torrollion, les copropriétés doivent être considérées comme des acteurs économiques à part entière. Démonstration.

Jean-Marc Torrollion, Ancien président de la Fédération Nationale de l'Immobilier (FNAIM)

© adobestock

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Dix millions de logements en France sont rassemblés au sein de 600 000 copropriétés. La copropriété est une organisation juridique originale qui relève d’une réglementation spécifique.

Les flux financiers correspondants aux charges et aux travaux se chiffrent chaque année en dizaines de milliards d’euros, et font vivre d’importants secteurs économiques du bâtiment.

Dotée d’une personnalité morale, pouvant détenir un patrimoine, la copropriété bénéficie de ressources stables et de possibilités de recouvrement privilégiées de ses dettes auprès des copropriétaires.

Par ailleurs, elle doit obligatoirement constituer un fond travaux, donc une épargne, pour financer des investissements qui seront ceux prévus dans les futurs plans pluriannuels de travaux et qui auront comme objectif la rénovation énergétique de l’immeuble, la sécurité, ou répondre à des travaux obligatoires.

Les fonds travaux, l’épargne des copropriétés

En 2018, année de la préparation de la dernière réforme de la copropriété, le montant de cette épargne était évalué à 800 millions d’euros. Ce montant est relativement faible (80€ par logement).

Toutefois ces fonds travaux, compte tenu des dérogations liées au budget et à la taille des immeubles, étaient plutôt concentrés dans les copropriétés importantes. Ces fonds étaient très peu thésaurisés car utilisables sans restriction.

Mais depuis la dernière réforme de la copropriété, le montant de ces fonds devrait considérablement croître, compte tenu de règles d’utilisation de ces fonds plus restrictives et d’une assiette de cotisation correspondant au cumul des travaux envisagés et non sur le budget, à condition toutefois qu’un plan pluriannuel ait été adopté (en principe obligatoire d’ici 2025) .

L’argent public est une goutte d’eau par rapport aux enjeux financiers. Rien que pour les copropriétés construites dans les quarante années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, les besoins de financements représenteraient 40 à 70 milliards d’euros (jusqu’à 15 k€ par logement).

Il faut bien comprendre que ces immeubles doivent faire face à des enjeux de rénovation énergétique mais aussi plus globalement à des besoins d’entretien et de modernisation technique, afin d’éviter une forme d’obsolescence.

Permettre aux copropriétés d’emprunter

Dans son projet de loi relatif à l’accélération de la rénovation des copropriétés et de la lutte contre l’habitat dégradé, le gouvernement projette de permettre à la copropriété d’être l’emprunteur, c’est-à-dire le débiteur du remboursement d’un prêt dont les mensualités seraient des charges de copropriétés.

A l’inverse des mécanismes complexes actuels qui reviennent à endetter directement le copropriétaire, il s’agit de créer une autonomie de la copropriété par rapport aux copropriétaires.

Dans la loi de finance pour 2024, a été adopté un dispositif permettant à la copropriété de  souscrire un eco prêt à taux zéro sur ce principe. C’est un premier pas.

Cette solution avait été proposée, en 2021, lors des travaux de la commission SICHEL par la FNAIM et certaines associations de consommateurs.

Elle présente l’avantage de ne pas obérer la capacité d’emprunt individuelle des copropriétaires, ni dans l’immédiat de mobiliser leur bien en garantie. Un copropriétaire qui toutefois ne souhaite pas assumer ce prêt sur la durée aurait  la possibilité de s’en libérer en payant l’intégralité de sa quote-part.

Vers un scoring des copropriétés

Par ailleurs, cette solution permettrait de développer une nouvelle forme d’accompagnement.

La mutualisation des fonds travaux par exemple auprès de la caisse des dépôts et consignations pourrait permettre une politique de bonification des taux d’intérêts ou des fonds travaux utilisés pour une rénovation ambitieuse. Cette mutualisation pourrait permettre de mettre en place un système de garantie de type caution.

On imagine parfaitement que les copropriétés seraient financièrement scorées. Le financement des travaux obéirait à des critères classiques d’épargne (fonds travaux) et de capacité contributive. Le système serait fortement incitatif à l’adoption de plans pluriannuels.

Certains objecteraient que ce type de financement ne serait pas accessible à toutes les copropriétés. En réalité c’est au contraire une démultiplication de la capacité de financement qui est en jeu avec sans aucun doute, des acteurs spécialisés mais aussi  un secteur bancaire plus pro actif qu’il ne l’est actuellement sur le financement de la copropriété.

Nul doute qu’au moment où l’industrie  du bâtiment doit faire face à un effondrement du neuf un relai de croissance puissant peut prendre le relai, à condition de concevoir un système sécurisé, global, cohérent et innovant.

Par Jean-Marc Torrollion, ancien président de la FNAIM