Immobilier et motion de censure : « Une catastrophe pour le secteur du logement », Valérie Létard 

Au lendemain de l’activation du 49.3 et des deux motions de censure déposées par le NFP et le RN, Valérie Létard défend bec et ongles un secteur du logement qu’elle juge grand perdant, avec notamment l’abandon annoncé de l’élargissement du PTZ à tout le territoire et de l’exonération sur les donations pour l’achat d’un logement neuf. Décryptage.

Valérie Létard

© Sébastien Chabas

Valérie Létard, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, le 28 novembre 2024, lors d’un déplacement au Village Olympique et Paralympique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)

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Le 49.3, un séisme pour le secteur de l’immobilier

La menace tant redoutée par les professionnels du logement qui planait depuis plusieurs semaines sur le Palais-Bourbon ne sera pas sans conséquence sur le secteur de l’immobilier. Le lundi 2 décembre, pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sans vote à l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Michel Barnier, a déclenché, après le compromis trouvé entre sénateurs et députes au sein de la commission mixte paritaire, l’article 49.3 de la Constitution, appelant les députés à privilégier « l’avenir de la nation » face aux « intérêts particuliers ».

La très probable chute du Gouvernement Barnier cette semaine, moins de trois mois après sa nomination, va replonger la France dans une période d’incertitude politique et le secteur du logement avec… En l’absence de budget, les mesures pour relancer le marché immobilier grippé vont rester dans le bureau du ministre pour quelque temps. « La censure du gouvernement serait une catastrophe », avait confié Valérie Létard, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, le 28 novembre, lors de l’un de ses derniers déplacements au Village Olympique et Paralympique à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Immobilier : des mesures cruciales abandonnées

Primo-accédants : le PTZ élargi sur tout le territoire

L’élargissement du Prêt à taux zéro (PTZ) à tout le territoire visait à créer une fenêtre de tir pour les primo-accédants. En 2024, ce dispositif a bénéficié à 39 000 foyers, mais faute de budget adopté, il sera abandonné. « L’élargissement du prêt à taux zéro pour l’achat dans le neuf, individuel ou collectif, visait à accompagner la baisse des taux d’intérêt et à créer une fenêtre de tir pour les primo-accédants », a rappelé la ministre.

Donations exonérées pour l’achat d’un logement neuf

La suppression de l’exonération sur les donations pour l’achat d’un logement neuf pénalisera les familles souhaitant aider leurs proches à accéder à la propriété ou investir dans la location longue durée. Cette mesure aurait permis une donation jusqu’à 100 000 € par donateur (parents et grands-parents).

Logement social : la baisse de la RLS compromise

Le plafonnement de la Réduction de loyer de solidarité (RLS) devait alléger la charge des bailleurs sociaux de 200 millions d’euros. Cette mesure, cruciale pour la rénovation et la construction de logements sociaux, restera bloquée.

« Pour les bailleurs sociaux, cela a représenté une perte de 1,3 milliard d’euros par an depuis 2020, ce qui signifie moins d’investissement pour construire ou rénover le parc du logement social », a souligné la ministre.

Au moment où les taux de crédits immobiliers passent selon le courtier Cafpi sous les 3,50 % pour toutes les durées de crédits, une « première » depuis près d’un an et demi, l’abandon de l’amendement gouvernemental porté par la ministre d’un élargissement du périmètre du PTZ (prêt à taux zéro) pendant trois ans à l’ensemble du territoire français sera mal vécu par les professionnels du secteur. 

Face à un contexte économique qui a profondément évolué – notamment avec l’augmentation des taux d’intérêt et les obligations de rénovation énergétique issues de la loi Climat et Résilience, le gouvernement alors décidé de plafonner la RLS à 1,1 milliard d’euros, réduisant de plus de 200 millions d’euros la charge pesant sur les bailleurs sociaux.

Incertitude politique : des impacts majeurs sur l’immobilier

Un budget pour la rénovation énergétique en suspens

Au moment où les taux de crédits immobiliers passent selon le courtier Cafpi sous les 3,50 % pour toutes les durées de crédits — une première depuis près d’un an et demi — l’abandon de l’élargissement du PTZ est particulièrement mal perçu par les professionnels.

En parallèle, le maintien à l’identique des fonds alloués à la rénovation énergétique, comme le dispositif MaPrimeRénov’, inquiète un secteur déjà sous pression avec la loi Climat et Résilience. Cette enveloppe devait être augmentée en 2025, mais les débats parlementaires sont désormais paralysés.

La loi DPE dans l’impasse

« Durant le mois de décembre, d’autres discussions parlementaires seront perturbées en cas d’un vote d’une motion de censure, notamment la proposition de loi Marchive Echaniz sur l’assouplissement du calendrier du Diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les copropriétés », avait prévenu Valérie Létard. Sans l’examen de cette proposition de loi de manière « très rapide, pour donner de la visibilité aux Français », les règles actuelles s’appliqueront à partir du 1er janvier 2025.

« Un temps perdu qui pourrait coûter cher à un secteur immobilier encore malade »

Enfin, Enfin, le secteur de l’immobilier s’inquiète également des conséquences d’un éventuel changement de ministre du Logement. Avec quatre ministres successifs en moins de deux ans, l’instabilité politique pèse sur la confiance des professionnels. « L’instant est grave. C’est un temps perdu qui pourrait coûter cher à un secteur immobilier encore malade », confie Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers (IMSI).

Le cri d’alarme de ministre du Logement Valérie Létard

Dans un message publié sur LinkedIn, Valérie Létard a exprimé sa vive inquiétude quant aux conséquences d’un éventuel vote de la motion de censure sur le secteur du logement. Elle a rappelé les mesures clés qui risquent de disparaître faute d’un budget adopté :

  • Élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) à tout le territoire pour permettre aux ménages modestes de devenir propriétaires d’un appartement ou d’une maison.
  • Exonération fiscale sur les donations pour l’achat d’un logement neuf, soit pour y résider, soit pour le louer en longue durée.
  • Réduction de la Réduction de loyer de solidarité (RLS), offrant une bouffée d’air aux bailleurs sociaux pour relancer la construction et rénover le parc immobilier.

💬 « Nos concitoyens ont besoin de stabilité, de confiance et de visibilité sur leur avenir. Une motion de censure produira l’effet inverse. »

Pour la ministre, ces dispositifs constituent des leviers essentiels pour répondre à la crise du logement. Si le processus parlementaire est interrompu, les acteurs du secteur immobilier devront faire face à un « immobilisme dangereux ».

Par Sébastien Chabas