Covid-19 et marché immobilier: « Ni hausse des taux, ni baisse des prix », Michel Mouillart, professeur d’Economie, FRICS

Michel Mouillart, professeur d’économie, FRICS est l’invité d’Ariane Artinian au micro de Mon Podcast Immo.

Le Fil d'Ariane · Mon Podcast Immo / Spécial Coronavirus - Michel Mouillart - Professeur d'économie
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Mon Podcast Immo s’intéresse aujourd’hui à l’évolution des marchés immobiliers dans cette période inédite. Michel Mouillart, universitaire et professeur d’économie, nous délivre son analyse et répond aux questions d’Ariane Artinian. Extraits choisis.

Pas de hausse des taux d’intérêts

Depuis quelques semaines, on voit des communications annoncer une baisse des prix et une remontée des taux. Or, du coté des taux d’intérêt, l’Observatoire Crédit Logement CSA publié ce matin nous rappelle que sur le mois d’avril, les taux se sont établis à 1.17% en moyenne. Ils ont donc progressé de l’ordre de 1 à 2 points de base au maximum chaque mois depuis la fin de l’année dernière. Ce n’est donc pas véritable remontée, c’est un ajustement technique. En réalité, les taux ne remontent pas.

Pas de baisse des prix

Sur le baromètre LPI-SeLoger, nous observons que les prix continuent de monter en mars, la hausse s’accélère même sur les marchés des grandes agglomérations. Sur le mois d’avril, les premiers relevés qui ont été faits nous indiquent que les couts des opérations continuent à monter encore plus vite que par le passé. En résumé : ni hausse des taux, ni baisse des prix.

Les marchés se transforment

Souvenons-nous : la Banque de France a demandé aux établissements de crédit de modifier leurs pratiques de distribution, notamment en relevant les taux d’apport personnel. La conséquence c’est que les ménages les plus modestes ne peuvent plus rentrer sur les marchés. Autre conséquence : sur le marché, on ne trouve plus ces petites opérations. En revanche, les opérations les plus couteuses voient leur poids sur le marché s’élever. Mécaniquement les prix sont tirés vers le haut et les taux se stabilisent. Rappelons-le : ce sont les primo-accédant qui ne rentrent plus dans le marché aujourd’hui (ce sont eux qui s’endettaient sur les durées les plus longues et avec les taux les plus élevés). Le marché est nourri par des ménages aisés qui entretiennent encore l’évolution des prix à la hausse.

Des prêts plus difficiles à obtenir

Sur le premier trimestre de l’année, l’Observatoire Crédit Logement CSA nous dit que nous avons eu une diminution du nombre de prêts accordés de plus de 14% (sur un an). Plus précisément : en avril, le nombre de prêt a reculé de 40%. C’est bien un effondrement qui ne laisse pas le marché dans la structure qui étaient la sienne avant le début de la crise.

Maintenant, soyons très prudents, parce que la crise est là, mais ce n’est pas que la crise qui est en cause. Il y a aussi l’impact et les recommandations que la banques de France a pu formuler à la fin de l’année 2019. On peut estimer que 40% de la baisse que l’on constate est imputable aux décisions de la banque de France. Pour le moment, et c’est bien là la surprise, la Banque de France n’a pas revu ses positions. Du coup, tout ce qui pourra être fait pour essayer de relancer les marchés de la transaction se heurteront aux exigence qui ont été formulées par la Banque de France fin 2019.

Un plan de relance ?

Pour l’instant, il n’y a pas l’ombre du commencement d’un plan de relance. Il est probable qu’il n’y en ait pas avant la rentrée de septembre. Il est probable que la BCE prenne des dispositions mais ce n’est pas elle seule qui pourra relancer les marchés immobiliers français. Ce sont les décisions du gouvernement français. Or il se trouve que la position de Bercy à l’égard du financement de l’immobilier résidentiel n’est pas plus favorable qu’elle ne pouvait l’être au début des années 1950, lorsqu’on attendait encore que la construction vienne gommer les conséquences du conflit qui s’était achevé quelques années auparavant et qui avait plongé la France dans une crise du logement épouvantable. Aujourd’hui, l’administration des finances n’est pas favorable à des mesures qui soient dérogatoires en faveur de l’immobilier résidentiel. Cela changera peut-être dans les semaines à venir mais nous n’en sommes pas encore là.

La banque de France a-t-elle les clés de la relance de l’immobilier résidentiel ?

Une des clés. Imaginons, comme cela avait pu être le cas lors de la crise des subprimes, que l’on ait une formidable amélioration du prêt à taux zéro. Cette décision serait en partie inopérante, tant que les exigence d’apport personnel n’ont pas relâchées. Que se passerait-il si l’on doublait ou triplait le niveau du prêt à taux zéro aujourd’hui ? Cela diminuerait d’autant le taux d’apport personnel pour les ménages qui en bénéficient. Or ces ménages-là ont déjà de faibles apports personnels, cela signifie donc qu’ils ne pourraient pas rentrer sur le marché compte tenu des exigences de la Banque de France. Donc un plan de relance qui serait purement « logement » serait inopérant tant que les décisions des autorités de contrôle des banques ne sont pas revues. Et d’ailleurs, souvenons-nous que le plan de relance décidé par Nicolas Sarkozy en 2008 et par sa ministre du Logement Christine Boutin avait conjointement traité le volet logement et le volet financement de l’économie. On ne peut pas traiter le secteur du logement sans traiter en même temps le financement de ce secteur. Les enseignements du passé sont fondamentaux. D’ailleurs, un des articles que j’ai publié sur MySweetImmo rappelait bien les enseignements que l’on pouvait tirer des anciennes crises du logement.

Si on ne modifie pas les décisions qui ont été prises fin 2019, nous allons nous trouver dans une situation économique épouvantable pour le secteur de l’immobilier. Début 2020, dans une interview pour MySweetImmo, j’avais déjà attiré l’attention sur ce problème, sans qu’on parle alors de crise sanitaire et de confinement.

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Par MySweet Newsroom