Assurance emprunteur : Les banques prêtes à tout pour défendre leur « énorme » part du gâteau

Risques aggravés de santé, démutualisation des tarifs … A chaque nouveau projet de loi, les banques dégainent les mêmes arguments pour esquiver le droit de tous les emprunteurs de choisir leur assurance… Et défendre leur monopole. Les explications de SECURIMUT.

Assurance emprunteur

© adobestock

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L’assurance emprunteur immobilier est un secteur verrouillé par les banques qui détiennent 88% d’un marché de 7 millions de foyers assurés, représentant 7 milliards d’euros de primes par an.

À chaque nouveau projet de loi pour ouvrir le marché à la concurrence, les banques tentent de dissuader le gouvernement en s’appuyant sur des arguments erronés de démutualisation des risques et de déséquilibre du marché. Entre autres stratégies pour maintenir leur monopole sur l’assurance de prêt, les banques instrumentalisent régulièrement les emprunteurs présentant un risque aggravé de santé en mettant en avant un risque d’exclusion de ces personnes en cas d’ouverture de ce marché à la concurrence. D’autres reprochent aux assureurs alternatifs de proposer des tarifs trop « dispersés ». 

Pourtant, les offres alternatives répondent à une vraie demande du marché et permettent à des emprunteurs aux profils très variés de trouver une assurance économique tout en profitant de meilleures garanties. L’ouverture de ce marché via la résiliation à tout moment permettrait à des millions de foyers emprunteurs un gain important de pouvoir d’achat, de l’ordre de plusieurs milliers d’euros sur la durée de leur crédit. 

Le coup de com’ de trop du Crédit Mutuel 

Alors que le groupe Crédit Mutuel / CIC vient d’annoncer la fin du questionnaire de santé pour ses clients fidèles, peut-on réellement parler d’un virage du marché ? Loin de concerner tous les emprunteurs, le dispositif s’adresse seulement aux clients ayant plus de 7 ans d’ancienneté dans la banque avec domiciliation principale de leurs comptes et de leurs revenus, s’ils ont moins de 62 ans et empruntent moins de 500 000 €. 

Le Crédit Mutuel n’a donc pas annoncé la fin de la sélection des emprunteurs pour l’accès à son assurance mais plutôt la suppression du questionnaire médical pour certains clients « fidèles », sous conditions. Mais la banque n’a pas besoin de questionnaires de santé puisqu’elle sait déjà tout de ses clients fidèles et a toute latitude pour leur accorder ou non un crédit… C’est peut-être ici le début d’un autre type de discrimination sur le crédit et ce n’est pas rassurant du tout. 

Dans son communiqué du 9 novembre dernier, le Crédit Mutuel / CIC profitait de cette annonce pour prétendre que l’ouverture du marché conduirait les supposés « bons risques » (les jeunes en bonne santé) à partir chez les assureurs alternatifs pour obtenir les meilleurs tarifs. Ce qui provoquerait une « démutualisation » du marché et exclurait les emprunteurs les plus âgés ou malades. 

Comment une telle supposition pourrait-elle conduire une banque à supprimer des questionnaires de santé ? D’autant que le marché montre que c’est l’inverse qui se produit. Dans son « Bilan de l’assurance emprunteur » de novembre 2020, le CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) montre que le recours aux assureurs alternatifs a plutôt tendance à augmenter avec l’âge des assurés. Pour preuve, 18% des emprunteurs de plus de 60 ans ont un contrat alternatif externe contre 9% des moins de 30 ans et 12,4% tous âges confondus. 

En revanche, selon le même rapport, les banques déploient des trésors d’énergie pour empêcher les jeunes de changer d’assurance, notamment en leur proposant des dérogations tarifaires ou des contrats « défensifs », créant ainsi elles-mêmes la démutualisation qu’elles déplorent.

Par ailleurs, dans le cadre de la convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), plus de 40% des risques aggravés de niveau 3 sont traités par des assureurs alternatifs, qui n’ont pourtant que 12% de part de marché : les alternatifs captent donc les emprunteurs à risques aggravés de santé entre 3 et 4 fois leur part de marché globale. Le taux d’acceptation des dossiers qu’ils portent au niveau 3 AERAS ne font pas l’objet de plus de réponses positives qu’au global, ce qui exclut toute mise en cause de la performance de leur sélection initiale.

70 M € abandonnés pour éviter que la résiliation annuelle ne devienne infra-annuelle ?

Le Crédit Mutuel / CIC précise que les mesures annoncées vont lui coûter 70 millions de marge par an, dont 30 millions de surprimes par an annulées pour ses stocks de crédits. Si le groupe a la possibilité d’abandonner une telle somme, c’est bien parce que sa marge est considérable…

Pourtant, selon leur communiqué, « sous prétexte de concurrence accrue, la demande de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur va en réalité aboutir à une sélection médicale à outrance et à un renforcement des inégalités face à l’accès au crédit et l’assurance.» 

Une telle anticipation défie l’entendement…  Les emprunteurs ont actuellement un droit de résiliation annuelle de leur assurance emprunteur. En quoi la résiliation infra-annuelle, c’est-à-dire au moment choisi par le client, aurait de tels effets ? N’est-ce pas là le simple aveu que le Crédit Mutuel sait aujourd’hui déployer des mesures dissuasives qu’il ne saura plus appliquer avec un droit de résiliation infra-annuel ? 

L’intention est claire : le Crédit Mutuel / CIC est prêt à renoncer à 70 millions d’euros de primes annuelles, captées sur les seuls emprunteurs en risques aggravés de santé, pour empêcher la libre concurrence pour tous sur un marché qui en a pourtant bien besoin. Le Crédit Mutuel / CIC a-t-il des raisons de penser que ses emprunteurs auraient particulièrement intérêt à faire jouer la concurrence et qu’il pourrait y perdre bien plus de 70 millions d’euros ?

Les emprunteurs présentant un risque aggravé de santé – qui servent ici de prétexte – ont d’ailleurs eux-mêmes le plus grand intérêt à cette ouverture du marché à la fois pour optimiser leurs coûts d’assurance mais également pour améliorer leurs garanties en faisant jouer la concurrence. 

« Ceci montre bien que la concurrence est profitable à tous les emprunteurs et pas seulement aux jeunes en bonne santé. Les chiffres prouvent que les emprunteurs les plus fragiles et les plus âgés ont le plus recours aux contrats alternatifs, preuve que la démutualisation du marché est un faux débat », explique Isabelle Delange, Présidente de SECURIMUT.

Le Crédit Mutuel contre le libre choix de l’assurance emprunteur

Le Crédit Mutuel / CIC présente un taux d’externalisation de l’assurance emprunteur sans doute parmi les plus faibles du marché. Selon notre analyse, le groupe serait l’un des deux acteurs présentant moins de 5% d’externalisation cités par le CCSF dans son bilan de novembre 20205. 

En outre, les pratiques de rétention de l’assurance emprunteur du Crédit Mutuel sont parmi les plus agressives auxquelles SECURIMUT doit faire face. Certaines faiblesses de garanties sont  même masquées dans la Fiche Standardisée d’Information remise au client : 

  • Le Crédit Mutuel prétend au caractère « forfaitaire » et « indemnitaire » de sa garantie Incapacité/Invalidité. Pourtant, la prise en charge est liée à la perte de revenus subie, ce qui en fait un contrat indemnitaire. Le groupe a mis en place un seuil d’indemnisation à hauteur de 50 % de la mensualité assurée, ce qui ne lui confère pas un caractère forfaitaire pour autant. 
  • La franchise en incapacité de travail est indiquée à 90 jours, alors qu’elle est de 180 jours pour les pathologies dorsales et psychologiques. 

Le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) affiché dans les offres de prêt du groupe est fréquemment minimisé, n’incluant qu’une partie de l’assurance pourtant obligatoirement souscrite, afin de le rendre plus attractif.

SECURIMUT observe régulièrement des pratiques critiquables de la part du Crédit Mutuel pour dissuader les changements d’assurance de ses emprunteurs :

  • Non-respect du mandat de mobilité confié par ses emprunteurs à SECURIMUT pour gérer leur demande de changement d’assurance, 
  • Refus pour non-équivalence de garanties erronés, 
  • Réponses hors délai dans près de 80 % des cas,
  • Émission tardive des avenants liés aux changements d’assurance,
  • Maintien des prélèvements de l’assurance au-delà de la date de changement demandée, conduisant les emprunteurs à un double prélèvement d’assurance.

D’ailleurs, dans un article paru sur le Figaro vendredi 12 Novembre, un porte-parole du Crédit Mutuel le confirme « Nous sommes opposés à la résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur mais aussi à la résiliation annuelle. ». Faute de pouvoir restreindre les droits des emprunteurs, le Crédit Mutuel tenterait-il un coup de bluff pour faire vaciller le projet de loi en cours de discussion ? 

Le Crédit Agricole renchérit mais change de registre ! 

Décidément les leçons de mutualisme s’enchainent de la part des banques françaises ces derniers jours, avec des suggestions toujours plus étonnantes… Loin de faire bloc derrière le Crédit Mutuel / CIC, le Crédit Agricole, 1er prêteur de France, souhaite limiter les écarts de prix de 1 à 4 pour chaque assureur entre ses différentes cibles d’emprunteur. 

Mais la proposition interroge… D’une part en efficacité, puisque les banques comme les distributeurs alternatifs disposent très souvent de plusieurs offres d’assureurs différents, ce qui rend cette mesure inopérante. 

D’autre part, il est assez étonnant de voir cet argument arriver par les banques, qui depuis 2003 ont toutes des tarifs segmentés, que certaines, et surtout le Crédit Agricole, aménagent en outre par des systèmes de dérogations tarifaires discrétionnaires, qui dépassent parfois les 50% de taux de remise. 

Le rapport établi par Actélior pour la FBF fin 2016 faisait état de 70% des propositions tarifaires dérogées dans certaines banques. Depuis des années, le tarif des contrats standards des banques est ainsi devenu totalement opaque. Aussi, avec de telles pratiques, comment gérer cet encadrement des écarts de tarifs ? Qu’il s’applique uniquement à ceux dont le tarif est transparent ?

Par ailleurs, la dispersion des tarifs d’un assureur n’a rien à voir avec le niveau de ses tarifs. Au vu des exemples d’économies que l’on peut trouver dans les comparateurs, il est fort probable que les offres des acteurs alternatifs, même segmentées, amènent des tarifs plus bas pour un grand nombre de cibles d’emprunteurs. On peut donc à la fois avoir des tarifs très dispersés et toujours moins chers.

Au-delà, une autre piste du Crédit Agricole serait que « chacun assure une quote-part à peu près équivalente des clients avec des problèmes de santé »… Sachant que les assureurs alternatifs représentent 40 % des risques aggravés de niveau 3 pour 12% de part de marché, cette proposition a de quoi faire sourire ! 

Il s’agit là encore d’un coup de communication des banques pour tenter de ralentir la mise en place de la résiliation infra annuelle de l’assurance emprunteur. 

« Le crédit Mutuel a brillé une nouvelle fois par un remarquable coup de com’. Il n’a pas supprimé son questionnaire de santé puisque cette exonération est réservée aux clients ayant domicilié leurs revenus principaux depuis au moins 7 ans, c’est-à-dire à ceux dont la banque connaît déjà tout. Le seul objectif est de faire diversion du sujet de la résiliation infra-annuelle pour tous les emprunteurs, qui recouvre des potentiels de pouvoir d’achat bien plus importants » conclut Isabelle Delange.

Par MySweet Newsroom
Le crédit Mutuel a brillé une nouvelle fois par un remarquable coup de com’. Il n’a pas supprimé son questionnaire de santé puisque cette exonération est réservée aux clients ayant domicilié leurs revenus principaux depuis au moins 7 ans, c’est-à-dire à ceux dont la banque connaît déjà tout. Le seul objectif est de faire diversion du sujet de la résiliation infra-annuelle pour tous les emprunteurs, qui recouvre des potentiels de pouvoir d’achat bien plus importants.
Isabelle Delange, Présidente de SECURIMUT