Les Promesses : Quand Isabelle Huppert et Reda Kateb donnent envie d’y croire
Dans « Les Promesses » de Thomas Kruithof actuellement sur les écrans, Isabelle Huppert et Reda Kateb se démènent au chevet de copropriétaires en difficultés. Et composent avec la réalité et les marchandages inhérents à la vie publique pour tenir leurs promesses.
Un magnifique plaidoyer pour la politique au sens noble du terme
S’il y a bien quelque chose que j’abhorre au cinéma, cela vaut au théâtre, ou à l’opéra aussi, c’est d’arriver dans la salle en ayant une idée même vague de ce que je vais voir. J’aime laisser la magie opérer – ou pas. L’autre jour, pour l’avant-première des Promesses, les choses étaient bien mal parties. Tout le gratin du logement et des territoires – de la Ministre du logement Emmanuelle Wargon bien sûr, au président de l’Anah Thierry Repentin, en passant par Johanna Rolland, résidente de France Urbaine, et de nombreux élus locaux, avait répondu présent à la projection du film de Thomas Kruithof sur les copropriétés en difficulté – oui, vous avez bien lu, un film sur les copropriétés dégradées !
Bien sûr, l’affiche réunissait un duo de choc: Isabelle Huppert et son brin de folie indispensable aussi en politique; Reda Kateb, apprécié récemment dans la formidable série En Thérapie sur Arte. Mais je dois concéder que c’est avec une certaine perplexité que j’ai regardé défiler les premières images. Des paliers inondés, des colonnes d’eaux qui fuient, des petits propriétaires mis à mal, des marchands de sommeil vilipendés… Non, cela n’allait quand même pas durer 1h38 ! Il a pourtant suffi de quelques mesures de la merveilleuse musique de Grégoire Augier pour que mes résistances glissent, et que je me retrouve embarquée dans la cité des Bernardins, accrochée bien malgré moi comme dans un film d’action au coeur de la Seine-Saint-Denis… Une fiction inspirée d’une réalité peu montrée au cinéma et qui vous tient en haleine de bout en bout. Madame le maire et son directeur de cabinet arriveront-ils à convaincre l’Etat de réhabiliter une cité insalubre ?
Comme je n’ai pas l’intention de spoiler le film, je peux seulement vous dire qu’il mérite le déplacement. Ce n’est pour rien qu’il bénéficie d’ailleurs d’un excellent bouche à oreille -plus de 104 000 entrées la première semaine. Pourquoi ? Parce qu’il donne à voir un magnifique portrait de femme en fin de carrière. Parce qu’il braque les projecteurs sur des élus locaux qui s’arrangent comme ils peuvent avec leurs ambitions personnelles et la réalité de la politique locale où tout se monnaye, mais qui mouillent la chemise pour leurs administrés, et font la liaison avec l’Etat. Parce que le film est mené comme un thriller. Mais aussi et surtout parce qu’il redonne foi en la politique et à ceux qui oeuvrent pour la cité. Et par les temps qui courent, il faut bien admettre que ce n’est pas du luxe…
Les promesses, le pitch
Clémence, maire dévouée et pugnace d’une ville pauvre du 93, vit les derniers mois de sa carrière politique. Aidée de son brillant et fidèle bras droit, Yazid, elle se bat avec passion pour sauver un quartier de la ville, miné par l’insalubrité et les “marchands de sommeil”. Mais quand Clémence est pressentie pour devenir Ministre, une ambition jusqu’ici refoulée se fait jour, mettant à l’épreuve son rapport à l’engagement politique ainsi que son amitié avec Yazid…
Un film d’action politique
Le regard du réalisateur Thomas Kruithof. « La plupart des films et des séries politiques ne s’intéressent qu’à la conquête du pouvoir. Je voulais qu’il y ait un objet concret d’action politique, qui donne un poids aux décisions à prendre, et qui puisse être mis en balance avec l’ambition, le courage, la volonté, les peurs des personnages.
Ce qui est très difficile, dans les films sur la politique, c’est la représentation du peuple. Là je voulais que l’on voie des habitants engagés, actifs, au service de la défense de leurs intérêts. Les villes de banlieue sont les plus jeunes de France et la plupart des films qui s’y tournent parlent de cette jeunesse. Nous, on savait qu’on parlerait moins des jeunes que de leurs parents ou grands-parents. Contrairement aux idées reçues, ces cités ne sont pas toutes des HLM, il y a des copropriétés : au début des années 60, elles semblaient représenter une bonne solution pour qu’une nouvelle classe moyenne accède à la propriété. Par exemple Grigny 2, qui est aujourd’hui la copropriété dégradée la plus grande d’Europe, avait été bâti pour loger le personnel travaillant à Orly. Mais ces ensembles d’immeubles sont trop grands, souvent construits avec des matériaux de qualité médiocre, et puis l’ascenseur social est tombé en panne, la paupérisation s’est installée, et les copropriétés ont commencé à faire faillite.
Aujourd’hui y prospèrent les marchands de sommeil, qui rançonnent les populations en difficulté, notamment les demandeurs d’asile, pour qui ces pièces insalubres sont la seule solution de logement. Mais il y a aussi des « historiques » : on leur a permis de devenir propriétaires, ils y ont souvent mis toutes leurs économies et aujourd’hui que leur retraite approche leur appartement ne vaut plus rien, tandis que les charges ont augmenté vertigineusement. Ils se battent pour leur logement et le logement, c’est le sujet viscéral de la politique locale. »