Sécurisation des professionnels de l’immobilier en matière de TVA sur marge

Le gouvernement vient de rendre une réponse ministérielle apportant des précisions aux professionnels de l’immobilier sur le régime de la TVA sur marge. Décryptage de l’avocat fiscaliste Yan Flauder.

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Dans une réponse ministérielle Grau du 1er février 2022, le Gouvernement apporte des précisions aux professionnels de l’immobilier (marchands de biens et lotisseurs notamment) concernant les conséquences de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) « Icade Promotion » sur les opérations immobilières en cours et sur les reventes postérieures à la publication des futurs commentaires administratifs tirant les conséquences de la jurisprudence communautaire.

Rappel de la position de la CJUE

Le régime de la TVA sur marge en matière immobilière s’applique dans deux situations :

  • En cas de vente d’un terrain à bâtir par un assujetti agissant en tant que tel lorsque le terrain n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA lors de son acquisition par le cédant ;
  • En cas de vente d’un immeuble bâti achevé depuis plus de 5 ans, sur option, lorsque l’immeuble n’a pas ouvert droit à déduction de la TVA lors de l’acquisition par le cédant.

Saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’État (CE, 25 juin 2020, n° 416727, Icade Promotion SAS), la CJUE (CJUE, 30 septembre 2021, aff. C-299/20, Icade Promotion SAS) a notamment répondu que le régime de la TVA sur marge est applicable à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque leur acquisition a été soumise à la TVA sans que l’assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire la TVA.

La CJUE considère également que le régime de la marge ne s’applique pas lorsque l’acquisition initiale n’a pas été soumise à la TVA (opération hors champ ou exonérée) sauf si « le prix auquel l’assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de TVA qui a été acquitté en amont par le vendeur initial » (§46).

Les incertitudes relatives aux divergences exprimées par la CJUE avec les commentaires de l’administration

L’interprétation de la CJUE s’avère plus restrictive que les commentaires de l’administration fiscale qui considèrent de manière générale comme n’ayant pas ouvert droit à déduction, les acquisitions de terrains ou d’immeubles réalisées auprès de personnes non assujetties (particuliers) ou auprès de personnes assujetties qui n’ont pas agi en tant que telles, ou encore dont la livraison était exonérée de TVA (BOI-TVA-IMM-10-20-10 §§ 30 et s.).

Certes, les commentaires administratifs sont opposables à l’administration fiscale (article L. 80 A du Livre des Procédures Fiscales), mais il ne fait guère de doute qu’ils seront probablement modifiés très prochainement.

Ainsi, un marchand de biens qui acquerrait auprès d’un particulier un immeuble ancien en vue de le revendre et qui penserait bénéficier du régime de TVA sur marge lors de cette revente en se fondant de bonne foi sur les commentaires administratifs pourrait déchanter si, au jour de la revente, ces commentaires étaient modifiés.

Or, compte tenu des conséquences financières significatives pour ces professionnels de l’immobilier selon que la revente est soumise au régime de la TVA sur marge ou non et compte tenu des délais nécessaires pour réaliser de telles opérations immobilières, il était impératif que l’administration fiscale apporte une réponse pragmatique.

Réponse ministérielle Grau du 1er février 2022

Le Gouvernement apporte plusieurs éléments de réponse pour sécuriser les opérations en cours.

D’une part, il est indiqué que les commentaires seront mis à jour postérieurement à la décision du Conseil d’Etat qui tirera les enseignements de l’arrêt de la CJUE.

D’autre part, le gouvernement indique qu’ « aussi longtemps que cette mise à jour n’est pas intervenue, les assujettis revendeurs bénéficient pleinement de la garantie prévue par les dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF). Cette garantie permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir de l’interprétation faite par l’administration d’un texte, même contraire au droit de l’Union tel que précisé par la jurisprudence de la CJUE ».

Enfin, « le Gouvernement entend préciser que cette mise à jour de la doctrine fiscale n’aura pas vocation à remettre en cause les équilibres économiques des opérations en cours. Ainsi, dans le cadre de la revente d’un bien immobilier intervenant postérieurement à la date de publication des futures précisions doctrinales tirant les conséquences de la jurisprudence de la CJUE, l’assujetti revendeur pourra continuer à se prévaloir de l’actuelle doctrine fiscale si son acquisition du bien considéré est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente antérieurement à cette publication ».

Cette position apporte une sécurité juridique bienvenue pour les opérations immobilières en cours.

Par Yan Flauder, avocat fiscaliste
Cet article a été rédigé par l’avocat fiscaliste Yann Flauder. Si vous voulez nous proposer une contribution, écrivez-vous à hello@mysweetimmo.com