Immobilier : Comment l’agent immobilier estime correctement le prix d’un bien

Le compétence d’un professionnel de l’immobilier pour l’expertise d’un bien tient principalement à sa capacité à composer et reparamétrer les indicateurs macro-économiques et micro-économiques.

Figurine agent immobilier et maison, et des pièces d'euros.

© adobestock

 0

Tenir compte du contexte international et des décisions du HCSF

Dans un contexte international instable, on craint toujours  la bulle immobilière. En France, le risque semble  pour le moment écarté.  Le HCSF, dans sa note du 23 septembre 2019, n’entrevoyait déjà pas de bulle alors que la montée des prix était continue depuis 2015.

Les taux très bas alimentaient le pouvoir d’achat immobilier des ménages, et la sinistralité, stable, contrastait avec un taux d’effort moyen des ménages en augmentation. Comme aujourd’hui, les prix de l’immobilier n’étaient pas, à ce stade, déconnectés de l’économie réelle.

Trois ans plus tard, les indicateurs marquent le pas dans un contexte post-COVID, de conflit international, d’inflation, de resserrement continu des conditions d’octroi des crédits, d’augmentation accélérée des taux, voire de coupure nette des robinets du crédit  (Société Générale et HSBC pour ne pas les nommer). Alors que les français souffrent d’un manque d’espace,  le crédit immobilier n’est plus rentable et les dossiers «qui cochent toutes les cases» sont bloqués jusqu’à meilleure fortune.

Ajuster les indicateurs macro-économiques et micro-économiques

Dans mes précédents articles, j’insiste sur l’influence qu’ont les échelles sur les compétences/métier de l’Agent. Il ne travaille pas hors-sol et doit composer avec une quantité de data de tous ordres[1], plus ou moins exploitable[2]. Ainsi, la compétence centrale de l’Agent tient principalement à sa capacité à composer et reparamétrer les indicateurs macro-économiques et micro-économiques.

Pour peu que l’Agent se serve de toutes les informations collectées lors du rendez-vous/vendeur, avec cette connaissance très fine du marché, il est en mesure d’apporter les solutions adaptées au profil du potentiel mandant.

Il analyse les données du marché au temps T, en combinant, en plus de ses dernières ventes, signaux faibles et tendances lourdes.

Une bonne estimation aboutit à un processus de vente rapide et fluide

Une bonne estimation est le fruit de cette combinatoire macro/micro. Qui a dit que l’activité de l’Agent immobilier n’était pas un métier ? Maîtriser la technique d’estimation suppose que « ça marche », que ce soit opérationnel. Pour ce faire, la vente doit être courte et le processus fluide. Signe que le marché est sain. La rapidité du processus est une garantie de pertinence de prix de marché. A contrario, sa lenteur est le signe d’une surestimation initiale du bien qui a deux conséquences : elle grippe le marché et met le vendeur en difficulté en rallongeant son processus de vente, en plus de donner un mauvais signal au grand public en attente de transparence.

Ce seuil critique de déperdition de qualité dans l’abondance de data disponible ferait presque croire que la technique est facile, si l’enjeu n’était pas de taille : notre devoir de transparence face à des clients quelques fois en souffrance. Comme le dit si justement Claire JUILLARD, « la data, moins elle est big et plus elle est smart [3]». Ainsi, la valeur d’un bien reflète cette subtile symbiose d’indicateurs rapprochant offre et demande.  

Attention à la surestimation initiale du prix d’un bien

Si 50% des personnes interrogées sont « probablement » prêtes à confier leur bien en exclusivité[4], c’est que le métier d’Agent a un sens pour le consommateur. En effet, les contraintes de temps et d’efficacité du processus de commercialisation sont souvent des préoccupations majeures pour les vendeurs. Répondre en allégeant ces contraintes est une attente forte des consommateurs. Ce défi s’avère de taille pour celui ou celle qui débute dans le métier et qui n’a pas d’historique de ventes pour apporter des preuves à l’appui, hormis celui de ces collègues les plus aguerris.

D’autant plus que le consommateur sait se contredire. Ce sont les incohérences de ce dernier qui révèlent par ailleurs ses réelles motivations. En effet, il admet que l’Agent est plutôt expert en matière d’estimation. Dans le même temps, si le marché le permet, il joue la surestimation de son bien..

En tant que professionnel, accepter ce jeu c’est mettre à mal son devoir de moyen. Tout le rôle de l’Agent est d’imprégner de la cohérence tant à son discours qu’à ses actes. Et s’il le faut, refuser le mandat.

Pour conclure, estimer un bien  revient toujours à analyser un marché au temps « T », à typologie de copropriété et de bien comparable, dans un secteur donné, aux caractéristiques  permanentes : services, mobilités, équipements publics….

Et ce métier est d’autant plus passionnant qu’il s’intègre à la chaîne des métiers de l’immobilier et de la ville. Acteur des mobilités résidentielles, l’Agent contribue, à son échelle, à « la vie de la ville [5]», en remodelant sa sociologie.

[1] JUILLIARD Claire, Produire des données de prix et de loyers à l’heure de la PropTech : quel rôle pour l’Etat ?, Working Paper, Chaire Villes et Numérique, Sciences Po, n°01/2020. [2] DVF permet la datavisualisation de ventes avec un décalage dans le temps qui rend la donnée difficilement exploitable. [3] Claire Juillard, op.cit. [4] In http://www.odoxa.fr/sondage/vendre-bien-immobilier-meilleur-prix-mieux-vaut-mettre-valeur/ [5] Jan GEHL in « Main mise sur la ville », document Arte 2016.
Par Sophie SARAGA