Potager, ruche, jardin… Quel statut juridique pour l’agriculture urbaine ? avec Gaelle Audrain-Demey (ESPI)

Gaëlle Audrain-Demey, enseignante-chercheuse au Laboratoire ESPI2R du groupe Espi parle agriculture urbaine au micro Mon Podcast Immo d’Ariane Artinian.

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Gaëlle Audrain-Demey est docteur en droit, spécialiste de la biodiversité, de la pollution des sols, de l’énergie et de la densification urbaine, et chercheuse au laboratoire ESPI 2R groupe ESPI. Au micro Mon Podcast Immo d’Ariane Artinian, elle aborde la question de l’agriculture urbaine, un phénomène en pleine explosion avec les potagers urbains, les ruches sur le toit, les fermes urbaines comme celle installée sur un pavillon du parc des exposition de la porte de Versailles.

Mon Podcast Immo : Pouvez-vous  dire ce qu’est exactement l’agriculture urbaine ?

Gaëlle Audrain-Demey : Le droit ne définit pas l’agriculture urbaine en tant que telle. Pour l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’agriculture urbaine c’est élever des animaux et cultiver des plantes à l’intérieur ou à proximité des villes.

Mon Podcast Immo : Comment expliquer ce développement de l’agriculture urbaine ?

Gaëlle Audrain-Demey : C’est une envie de reconnecter la ville à plus de nature qui s’inscrit dans un phénomène global de renaturalisation urbaine avec une multiplicité de fonctions : la production, avec le souci de reconnecter la population à des réseaux locaux, la préservation de l’environnement, avec la végétalisation des villes, la dimension sociale et pédagogique en créant du lien.

Mon Podcast Immo : Quel est le statut juridique de l’agriculture urbaine ?

Gaëlle Audrain-Demey : En fait, il y en a plusieurs. L’agriculture urbaine est une forme d’agriculture et, à ce titre, elle peut être soumise au statut du fermage. C’est un corps de règles qui encadre les droits et obligations du bailleur et du preneur à un bail rural. Le bail rural encadre les activités agricoles. Mais le bail rural a été développé pour faire face à des problématiques rurales et pas urbaines. Ce qui est un problème pour certains exploitants. Les municipalités et les collectivités territoriales font parfois des conventions d’occupation précaire pour donner plus de souplesse à l’agriculteur urbain.

Mon Podcast Immo : Quel est l’impact de ces nouvelles formes d’agriculture sur l’immobilier pour un promoteur ou un copropriétaire qui veut installer un potager sur son toit ?

Gaëlle Audrain-Demey : Pour un promoteur, cela permet de donner une identité à un programme particulier, de le valoriser. Mais cela signifie également un surcoût dans la conception et la construction., notamment en cas d’agriculture sur les toits qui représente un poids supplémentaire pour la structure du bâtiment. Le poids va varier en fonction de la nature du terrain : substrats, terre, etc. Il faut également de la technique pour amener l’eau et prévoir du matériel.

Pour un copropriétaire, cela peut être une opportunité de créer du lien social avec ses voisins, bénéficier d’un espace de loisirs supplémentaire, mais, là aussi, avec des frais supplémentaires.

Mon Podcast Immo : Y a-t-il des risques liés à la qualité du sol en milieu urbain ?

Gaëlle Audrain-Demey : Oui, tout comme en milieu rural. En matière de pollution des sols, c’est le droit issu de règlements européens qui s’applique et qui permet de contrôler la qualité des produits pour ne prendre aucun risque.

Mon Podcast Immo : Comment s’articule cette question d’agriculture urbaine avec la densification urbaine ?

Gaëlle Audrain-Demey : C’est la grande question. L’agriculture urbaine peut être hors sol ou plein sol. Il y a donc un conflit d’usage dans la mesure où, d’un côté, on demande aux villes de se recentrer sur elles-mêmes pour préserver les espaces agricoles, et, de l’autre, l’agriculture qui s’urbanise et donc utilise des sols. Ce qui pose la question de l’équilibre entre le rural et l’urbain : l’agriculture urbaine est-elle un modèle durable ? Faut-il la privilégier ?

Mon Podcast Immo : Comment fait-on le distinguo entre espace habité, espace naturel, espace agricole ?

Gaëlle Audrain-Demey : Cette question relève du droit de l’urbanisme qui distingue ces trois fonctions. Je dirais que tout dépend de ce que l’on veut de la ville et comment on le fait. Doit-on privilégier des espaces de terre dédiés à l’agriculture en ville, doit-on privilégier une autre végétalisation pour lutter contre les îlots de chaleurs, doit-on développer les fermes urbaines high-tech hors sol ? Je pense que c’est une question de choix politique qui doit être basé sur des études qui montrent l’efficacité ou pas de telle ou telle solution, et bien sûr en tenant compte du coût financier.

Par Ariane Artinian