La BCE, déterminée, relève de nouveau ses taux et anticipe d’autres hausses… les crédits immobiliers devraient suivre
La Banque centrale européenne a maintenu la pression jeudi face à l’inflation et relevé ses taux d’intérêt d’un demi-point de pourcentage, affichant sa fermeté en annonçant à l’avance qu’elle procèderait à la même hausse au mois de mars. On peut donc s’attendre à de nouveaux effets sur les crédits immobiliers car c’est directement auprès de la BCE que les banques destinées au grand public s’approvisionnent en liquidités.
La présidente de la BCE Christine Lagarde avait tué le suspense dès décembre, promettant pour février une deuxième hausse de 0,50 point d’affilée. Mais les gardiens de l’euro ont surpris en prévenant jeudi qu’ils relèveraient à nouveau les taux de la même ampleur lors de leur prochaine réunion de mars.
Même si cette annonce n’est « pas irrévocable », les « scénarios actuels », sur l’inflation notamment, laissent penser que le temps n’est pas venu de ralentir le cycle de hausses, a précisé Mme Lagarde devant la presse. Reste qu’avec cette augmentation, si les liquidités vont coûter plus cher aux banques commerciales, celles-ci vont nécessairement le répercuter sur leurs clients, en proposant elles-mêmes des prêts immobiliers à des taux plus importants.
« Nous avons encore du chemin à parcourir, nous savons que ce n’est pas fini« , a insisté Mme Lagarde, après avoir plusieurs fois martelé la volonté de la BCE de « maintenir le cap » du resserrement monétaire.
La BCE affronte une envolée massive des prix déclenchée par la guerre russe en Ukraine, ce qui l’a amenée à lancer un cycle de hausses de taux en juillet, inédit par son ampleur et mettant fin à près d’une décennie d’argent pas cher.
Trompe-l’oeil
Alors qu’aux USA, l’inflation a culminé, dès juin 2022, le phénomène est bien plus lent en zone euro: la hausse des prix y a atteint un pic seulement en octobre, à 10,6%.
En janvier, l’inflation de la zone euro a reculé pour le troisième mois consécutif, à 8,5%, davantage qu’anticipé par les économistes grâce au recul des prix de l’énergie. Mais elle reste bien au-dessus de la cible que s’est fixée la banque centrale, soit 2% à moyen terme.
Il s’agit par ailleurs d’une amélioration en trompe-l’oeil car l’inflation « sous-jacente » – hors énergie et alimentation – s’est maintenue à 5,2%, a rappelé Mme Lagarde.
Cette inflation structurelle « est là et bien vivante« , a-t-elle insisté.
Contrairement à la Fed américaine, l’institution de Francfort estime donc qu’il est encore trop tôt pour modérer son resserrement monétaire.
Outre-Atlantique, la Réserve fédérale des Etats-Unis a en effet relevé mercredi son principal taux directeur pour la huitième fois d’affilée, mais a ralenti le rythme par rapport aux précédentes hausses.
Les trois taux de la BCE ont été portés jeudi dans une fourchette comprise entre 2,5% et 3,25%, au plus haut depuis novembre 2008.
La BCE a d’autant moins de scrupule à serrer davantage la vis monétaire que la zone euro devrait échapper à une récession cet hiver, grâce à une légère croissance du PIB (+0,1%) au quatrième trimestre de 2022.
L’économie de la zone euro se montre « plus résiliente » que prévu face aux vents contraires de la crise énergétique et de la guerre en Ukraine, a reconnu jeudi Mme Lagarde.
Et après ?
Jusqu’où iront la BCE relèvera-t-elle ses taux ?
Pour Carsten Brzeski, économiste chez ING, la BCE a « ouvert jeudi la porte à une pause ou à un ralentissement du rythme des hausses de taux après mars« .
Au contraire, Andrew Kenningham, économiste en chef pour l’Europe chez Capital Economics, estime que rien n’indique « un changement clair de l’orientation de la politique » monétaire.
Christine Lagarde n’a privilégié aucun option, indiquant que les futures hausses « resteront dépendantes des données » de conjoncture. « Cela pourrait être 0,50 point, cela pourrait être 0,25 point, cela pourrait être ce qui est nécessaire (…) afin d’atteindre notre objectif d’inflation de 2% à moyen terme« , a-t-elle souligné.
Définir le curseur risque raviver le débat parmi les banquiers centraux.
Les « faucons », partisans de la fermeté, qui dominent désormais à Francfort, devraient plaider pour garder les taux d’intérêt à un haut niveau, au moins jusqu’en 2024, alors que les colombes sont favorables à une conduite monétaire plus souple.
Avant la décision de BCE, la Banque d’Angleterre a relevé son taux directeur de 0,50 point de pourcentage à 4%, niveau le plus haut depuis 2008, pour contrer une inflation qui dépasse encore 10% au Royaume-Uni.