Vente immobilière et obligation d’information : Tout ce que vous devez savoir
Lors d’une vente immobilière, toutes les parties impliquées ont une obligation d’information envers leur partenaire. Ce qu’il faut savoir en fonction des caractéristiques du bien vendu et de la qualité du vendeur (professionnel ou non).
Consacrée légalement par la réforme du droit des contrats de 2016[1], l’obligation d’information est une obligation fondamentale en matière contractuelle. Cette dernière est définie à l’article 1112-1 du Code civil qui dispose que « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant »[2].
En d’autres termes, il découle de cette obligation que les parties à une opération contractuelle doivent fournir à leur partenaire toutes les informations nécessaires relatives au contrat en voie de conclusion. Cela participe de la protection préventive du cocontractant. Le contrat de vente immobilière n’échappe donc pas à cette règle.
Dans le cadre des ventes immobilières, il y a plusieurs parties prenantes à la transaction. Le vendeur qui souhaite récupérer la valeur d’échange de son bien, l’acheteur qui souhaite acquérir la propriété dudit bien et le notaire qui instrumente l’acte de vente et effectue les formalités de publication au service de la publicité foncière. L’opération est in fine tripartite et chacun des acteurs se révèle être débiteur d’une obligation d’information. Il convient ainsi d’envisager successivement les manifestations de l’obligation d’information pour l’ensemble de ces acteurs.
Une obligation d’information du vendeur très étendue
L’existence d’une obligation d’information sur le bien immobilier vendu, à la charge de tout vendeur, est aujourd’hui incontestée. Elle trouve siège au sein de l’article 1602 alinéa 1er du Code civil, aux termes duquel : « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige »[3].
En vertu de cet article, le vendeur doit donc informer l’acquéreur sur tous les éléments essentiels du contrat et qui sont déterminants du consentement à l’acte de vente.
Le contenu de l’obligation d’information du vendeur est variable. Il dépendra des fonctions caractéristiques du bien objet de la vente mais aussi de la qualité de professionnel ou non du vendeur.
Le contenu de l’obligation d’information conditionnée par les caractéristiques de la vente
Généralement, la clause de désignation de l’immeuble figurant dans l’acte de vente fournit déjà diverses indications à l’acheteur, relatives à la contenance de l’immeuble, à sa composition, aux charges qui le grèvent, éventuellement aux matériaux de construction utilisés.
Le vendeur doit aussi fournir les différents diagnostics immobiliers (performance énergétique du bien, présence d’amiante, de substances dangereuses en général, risques naturels et sismiques….).
Il doit informer l’acquéreur sur la conformité de l’installation électrique, et doit réaliser des diagnostics gaz et assainissement.
Si le bien se trouve en copropriété, le vendeur doit communiquer la surface exacte du logement ainsi que les montants des différentes charges.
En outre, les informations doivent également porter sur ce qui demeure occulte pour l’acheteur : servitudes administratives ou privées restreignant l’usage de l’immeuble, décision de révision du plan d’occupation des sols, procédures en cours ou bien encore les risques d’utilisation et d’éboulement.
Le contenu de l’obligation d’information conditionné par la qualité de professionnel du vendeur
Lorsque le vendeur est un professionnel de l’immobilier (personnes soumises à la réglementation spéciale des activités d’entremise et de gestion des immeubles ou des fonds de commerce, prévues par la loi « Hoguet » du 2 janvier 1970)[4], l’obligation d’information s’étend jusqu’à une obligation de conseil[5].
L’obligation d’information et l’obligation de conseil sont nettement distinctes. En effet, l’information se borne « à énoncer des faits », tandis que le conseil suppose une appréciation qui « oriente la décision de l’autre partie ».
Autrement dit, alors que l’information porte davantage sur des qualités descriptives du bien, ses caractéristiques techniques, sa situation juridique, le conseil porte sur la recherche de l’adéquation de la chose au besoin de l’acheteur.
Le vendeur professionnel est donc en sus de l’obligation d’information, tenu de cette obligation de conseil. Par conséquent, il doit s’assurer que les acquéreurs achètent un bien immobilier conforme à la destination qu’ils souhaitent lui conférer.
En définitive, le vendeur doit scrupuleusement s’assurer d’avoir délivré toutes les informations nécessaires à l’acquéreur. En cas de manquement à son obligation d’information ou de conseil, le vendeur peut engager sa responsabilité et être condamné à verser une indemnisation voire cela peut conduire à la nullité de la vente si la violation de l’obligation d’information a eu pour effet de vicier le consentement de l’acheteur (exemple : Dissimuler volontairement une information que l’on sait déterminante pour l’acheteur en vue de le tromper et ainsi le forcer indirectement à contracter).
Enfin, il convient de rappeler qu’en cas de litige, c’est au vendeur de prouver qu’il a bien fourni l’ensemble des informations et prodiguer les conseils. Partant, il peut s’avérer utile d’établir une « décharge d’information » qui consisterait à faire signer à l’acquéreur un document énonçant expressément qu’il a bien reçu toutes les informations et conseils nécessaires en vue de la conclusion de la vente.
L’absence de principe d’obligation d’information de l’acquéreur
La jurisprudence refuse par principe de mettre à la charge de l’acquéreur, dans le cadre d’une vente immobilière, toute obligation d’information à l’égard du vendeur.
L’arrêt « Baldus » de la Cour de cassation en date du 3 mai 2000 est venu fixer le principe concernant une vente de photographies où l’acquéreur, avait payé un prix dérisoire sans informer le vendeur de la véritable valeur des biens (Cour de Cassation, 3 mai 2000, n°98-11.381).
La Cour avait alors considéré que l’acquéreur, n’avait pas manqué à l’obligation de contracter de bonne foi. Elle a confirmé cette jurisprudence concernant un bien immobilier dans une décision en date du 17 janvier 2007 (Cour de cassation, 17 janvier 2007, n°06-10.442). En l’occurrence, un l’acquéreur, marchand de biens de profession, était le bénéficiaire d’une promesse de vente d’un bien, et n’avait pas révélé au vendeur la véritable valeur du pavillon concerné. Ce dernier estimait donc qu’il s’agissait d’un manquement au devoir de loyauté qui s’imposait à tout contractant, ce que la Cour de cassation rejette, rappelant le principe fixé en la matière : « l’acquéreur, même professionnel, n’est pas tenu d’une obligation d’information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ».
Un devoir d’information et de conseil du notaire essentiel
L’obligation d’information s’est considérablement au sein de la vente immobilière, afin de sécuriser l’acte d’achat en éclairant l’acquéreur. Elle pèse cependant lourdement sur le notaire instrumentant l’acte, et toute erreur peut être durement sanctionnée par le juge.
De manière générale, le notaire doit informer et conseiller son client. Cette obligation est issue de l’article 1240 du Code civil et lui impose d’éclairer les parties à l’acte sur la portée de ce dernier, ainsi que sur les risques notamment futurs qu’il peut présenter. Il doit communiquer à l’acquéreur du bien l’ensemble des documents que ce dernier lui réclame mais aussi lui donner toute information sur la portée des engagements souscrits. Cette obligation est particulièrement étendue, et tout manquement peut être durement sanctionné. Le notaire n’est cependant tenu d’aucun devoir d’information vis-à-vis des tiers à la vente (Cour de cassation, 3 mai 2018, FS-P+B, n° 17-12.473).
Il doit tout d’abord vérifier que les documents d’informations liés à l’obligation du vendeur en la matière soient correctement réalisés et intégrés au dossier de vente. Instrumentant l’acte, le notaire est en première ligne concernant cette collecte, la diversité des documents techniques aujourd’hui nécessaires rendant cette obligation particulièrement lourde. Il ne doit cependant pas, en principe, vérifier l’exactitude de leur contenu, son expertise ne le lui permettant pas.
La jurisprudence estime que l’obligation d’information et de conseil du notaire a pour limite « les compétences techniques qui sont les siennes et les informations portées à sa connaissance » (CA Rennes, 13 nov. 2018, n° 17/00092). Le notaire n’est pas non plus tenu d’informer les acquéreurs du risque d’échec d’un programme immobilier, lorsqu’il n’a pas à sa disposition d’éléments d’information particulier « qu’il n’a pas à rechercher » (Cour de cassation, 8 Février 2015, n° 14-11.558). Il n’a pas à porter d’appréciation sur l’opportunité économique de l’opération. De la même manière, si le vendeur transmet de fausses informations au notaire, il ne lui est pas possible de lui imputer ses propres manquements (Cour de cassation, 30 sept. 2021, n° 20-18665). Enfin, le notaire n’est cependant, pas tenu d’informer les parties de circonstances de faits qui lui sont déjà connues (Cour de cassation, 27 avr. 2011, n° 10-16.907).
A l’inverse, un notaire ignorant les textes applicables et donc incapable de conseiller et d’informer correctement ses clients est considéré comme fautif[6], tout comme un notaire omettant d’informer ses clients de la portée des réserves d’un document d’un certificat d’urbanisme positif (Cour de cassation, 26 Octobre 2022, n° 21-21.213), ou un notaire rédigeant un acte de vente sans avoir pu informer le vendeur du caractère litigieux de son droit sur la marque du bien en vente (Cour de cassation 6 mai 2009, n° 07-21.242).
En conclusion, l’obligation d’information est centrale en matière de vente immobilière. Le vendeur, et le notaire instrumentant l’acte doivent être extrêmement vigilants en la matière, afin de sécuriser la transaction, tout oubli, ou omission pouvant entrainer la nullité de la vente, si le juge considère que le consentement de l’acquéreur a été vicié.
[1] Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. [2] Article 1112-1 du Code civil. [3] Article 1602 alinéa 1 du Code civil. L’aliéna 2 précise que « tout pacte obscur ou ambigu s’interprète contre le vendeur », démontrant ainsi l’importance de la bonne exécution de l’obligation d’information pour le vendeur. [4] Loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce. [5] Dont on retrouve le fondement principal à l’article L. 217-4 du Code de la consommation. [6] CA Montpellier, 1re ch., sect. A 2, 31 déc. 2007, n° 06/03381