Immobilier : Entre le coût des travaux et l’instabilité des aides, les Français boudent la rénovation globale

Imposer des rénovations globales serait une mesure contreproductive pour 2/3 des Français qui jugent plus efficace d’encourager les rénovations par gestes.

Travaux dans une maison

© adobestock

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2023 marque une accélération de la transition des bâtiments avec l’exclusion progressive du marché locatif des biens immobiliers les plus énergivores ou encore le fléchage des aides publiques (MaPrimeRénov’) vers les rénovations performantes et de grande ampleur dites « rénovations globales ».

Dans ce contexte, entre prise de conscience du changement climatique et choc de la crise énergétique, comment les Français appréhendent-ils le sujet ? Eléments de réponse avec les enseignements de l’étude BigMat, enseigne européenne de distribution de matériaux et produits pour la rénovation et la construction du bâtiment.

5,2 millions de logements sont des « passoires énergétiques »

Selon l’étude publiée en juillet 2022 par le service statistique du ministère de la Transition Ecologique, « au total, sur les 30 millions de résidences principales que compte la France au 1er janvier 2022, environ 1,5 million de logements (5% du parc) seraient peu énergivores (étiquettes A et B du diagnostic de performance énergétique). À l’opposé, environ 5,2 millions de logements (17% du parc) seraient des « passoires énergétiques » (étiquettes F et G) ».

 Ainsi, depuis le Grenelle de l’environnement de 2007 et la loi de Transition énergétique de 2015, les efforts à fournir pour rénover l’ensemble du parc immobilier au standard « bâtiment basse consommation » (BBC), et atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, demeurent considérables. Un défi majeur pour les pouvoirs publics qui ont adopté une série de mesures, entre obligations et encouragements, pour massifier les travaux de rénovation énergétique.

Près de 15 millions de Français prévoient de réaliser des travaux de rénovation énergétique dans les deux ans

Depuis des années, les pouvoirs publics multiplient donc les mesures pour inciter les particuliers à réaliser des travaux d’économie d’énergie dans leur logement, avec plus récemment la volonté de rattraper le retard sur le rythme de la rénovation énergétique et sur sa performance.

Ainsi, le 1er janvier 2023 marque le passage de l’incitation à l’obligation, avec une première étape franchie vers l’interdiction à la location des « passoires thermiques », qui concernera dès 2034 les maisons et appartements entrant dans la classe E mais aussi, depuis le 1er avril, l’obligation de réaliser un audit énergétique préalablement à la mise en vente d’un bien classé F ou G et qui s’appliquera ensuite aux habitations D à la même échéance. Et pour favoriser des gains énergétiques plus importants, MaPrimeRénov’ évolue pour privilégier les rénovations globales plutôt que les travaux isolés, alors que sur les 670 000 rénovations énergétiques comptabilisées en 2022, seules 10% d’entre elles concernaient des travaux de rénovation globale.

Seuls 5 % des Français prévoient une rénovation globale dans leur logement d’ici 2 ans

Pas certain que cette initiative remporte l’adhésion des Français qui jugent, à 61% (67% des propriétaires – 53% des locataires), contreproductive l’idée d’imposer des bouquets de travaux, trouvant, quant à eux, plus efficace de s’inscrire dans la durée à travers des rénovations ponctuelles régulières. Ainsi, si 27% (36% des propriétaires – 12% des locataires) prévoient de réaliser des travaux de rénovation énergétique au cours des deux prochaines années, seuls 5% envisagent de se lancer dans des bouquets de travaux, ce qui représente tout de même plus de 2,6 millions de particuliers.

De fait, ils s’orientent majoritairement vers des rénovations par poste, avec au premier rang des intentions de travaux, l’isolation de leur bien pour 2/3 d’entre eux, soit par l’extérieur (6%), la toiture (5%), les murs intérieurs (4%) ou le plancher (3%). Viennent ensuite les prévisions de travaux de chauffage (7%), le changement des menuiseries (6%) et la ventilation (4%).

Conséquence de la flambée des prix de l’énergie, plus de 3 millions de Français* ont également prévu d’investir dans des panneaux photovoltaïques pour produire et consommer leur électricité (6%), principalement en Ile-de-France et dans le sud-est.

Des Français volontaires mais loin d’être sereins : la hausse des prix et les différentes pénuries inquiètent

Concernant les motivations des Français, le souhait de réaliser des travaux se justifie par les différentes crises actuelles. D’une part, ils souhaitent réduire leur facture dans un contexte inflationniste (37%). D’autre part, ils souhaitent améliorer leur confort thermique dans le cadre d’une crise énergétique sans précédent entraînant une hausse spectaculaire du coût de l’énergie (37%).

Ces crises associées à la sensibilisation du public aux enjeux environnementaux et aux nouvelles contraintes imposées aux propriétaires sont autant de facteurs cumulatifs qui ont participé à faire de la valeur verte une réalité dans l’immobilier : 19% des interviewés désirent valoriser leur logement d’un point de vue financier (10%) et répondre aux exigences gouvernementales pour les mises en location (9%). Point non négligeable qui témoigne de l’évolution des mentalités et de la prise de conscience des enjeux environnementaux : plus d’1 million de Français* déclarent vouloir rénover leur logement pour être en phase avec leur conscience écologique (7%).

67 % des Français s’inquiètent de l’absence de garantie sur l’efficacité des travaux réalisés

Toutefois, les Français prévoyant de réaliser des travaux de rénovation énergétique affichent peu de sérénité sur ce sujet. L’aspect financier est pour eux un facteur d’inquiétude : 76% craignent de rencontrer des difficultés dans la maîtrise des coûts durant cette période d’inflation et de pénurie. Nombreux sont ceux qui regrettent également la complexité des aides financières (68%) et appréhendent de manquer de financement pour réaliser leurs travaux (64%).

Sur ce point, ils se méfient du manque de stabilité des politiques d’incitation et de financement (62%) et sont critiques face au manque d’incitations (57%), alors que le reste à charge reste très élevé. Les catégories populaires se montrent ainsi particulièrement inquiètes quant à la complexité des aides financières (81%) et au manque de financement pour réaliser de tels travaux (82%). Cette anxiété globale liée à la dimension financière des travaux explique par ailleurs que 67% de ces particuliers s’inquiètent de l’absence de garantie sur l’efficacité des travaux entrepris.

L’autre grand sujet de préoccupation a trait aux difficultés pour trouver des artisans (67%) et aux retards liés au manque de main-d’œuvre (66%). Les effets de la guerre en Ukraine sur le secteur du bâtiment ont aussi un impact significatif puisque 2/3 des répondants redoutent également les retards liés aux pénuries et aux délais d’approvisionnement (64%).

« Le chemin à parcourir pour atteindre la neutralité carbone dans le secteur du bâtiment reste encore long et le calendrier pour y parvenir de plus en plus serré, sachant que d’ici à 2030, il nous faudra avoir réduit nos émissions de gaz à effet de serre d’au moins 50%. Après des années de sensibilisation sur la nécessité de rénover les logements énergivores, les pouvoirs publics accélèrent le mouvement en passant désormais de l’incitation à l’obligation pour accompagner les particuliers, bon gré mal gré, de la prise de conscience des enjeux environnement à la réalisation de travaux d’économie d’énergie, commente Fabio Rinaldi, Président du Directoire de BigMat FranceCependant, si les intentions semblent se confirmer, les sources d’inquiétude restent importantes, à commencer par l’investissement financier que représente une rénovation énergétique surtout pour les ménages modestes et a fortiori si l’on se projette sur une approche globale. Dans un contexte où le pouvoir d’achat est au cœur de toutes les préoccupations, il va être essentiel de proposer de vraies solutions de financement aux Français pour que la nécessaire transition énergétique des bâtiments ne soit pas une étincelle qui mette le feu aux poudres. Et pour les accompagner, les acteurs du secteur sont en première ligne : pour 2/3 des Français, les grandes enseignes de bricolage et du bâtiment sont de bon conseil pour aider leurs clients à optimiser leur budget travaux ?»

Les principaux enseignements de l’étude

  • Amélioration du confort thermique, baisse de la facture d’énergie, émergence de la valeur verte dans l’immobilier pour les vendeurs/acheteurs ou prise de conscience environnementale : par conviction ou contrainte, 1/3 des Français envisagent de réaliser des travaux dans les 2 ans.
  • Alors que le gouvernement pousse pour les orienter vers des rénovations globales, jugées plus performantes, 2/3 des Français jugent contre-productive l’idée d’imposer des bouquets de travaux, préférant s’inscrire dans la durée avec des rénovations ponctuelles régulières.
  • Une préférence pour les mono-gestes portée par le contexte économique et les tensions sur le pouvoir d’achat. La question financière est une source d’inquiétude importante : difficultés à maîtriser les coûts (76% des Français), complexité des aides financières (68%), manque de financement (64%), manque de stabilité des politiques d’incitation et de financement (62%).
  • Au-delà, le manque de main-d’œuvre peut donner un sérieux de coup de frein aux ambitions en matière de rénovation : la difficulté à trouver un artisan est un sujet de préoccupation pour 67% des Français.

Par MySweetImmo
Les chiffres sont issues de l’étude OpinionWay-BigMat réalisée en ligne du 8 au 9 mars 2023 auprès d’un échantillon de 1 019 personnes.