Rénovation énergétique : Le nombre de chantiers financés via les primes énergie est en chute libre

Baisse des financements, baisse du volume de travaux réalisés dont ceux entrepris par les ménages modestes… La politique de rénovation énergétique de la France passe-t-elle à côté de ses objectifs ?

Isolation des murs

© adobestock

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Afin d’accélérer la rénovation des 5,2 millions de résidences principales considérées comme des passoires thermiques en France, le Gouvernement a mis en place une série de mesures allant d’un fléchage massif des aides financières vers les rénovations globales, jusqu’à l’interdiction progressive de location des logements les plus énergivores. Quels résultats pour cette politique ? Sommes-nous réellement sur le chemin d’une massification de la rénovation énergétique des logements ?

PrimesEnergie.fr (groupe Vos Travaux Eco) qui compte parmi les principaux financeurs du secteur (+ d’un milliard d’€ d’aides reversées depuis 2010), a analysé et comparé plus de 150 000 chantiers de rénovation accompagnés sur les premiers trimestres 2021, 2022 et 2023.

Chute du nombre de chantiers de rénovation énergétique

Une chute de 80 057 chantiers accompagnés au T1 2021 à 27 269 chantiers au T1 2023. Tel est le constat observé par PrimesEnergie.fr concernant l’évolution du nombre de travaux de rénovation énergétique effectués ces trois dernières années. Cette forte baisse de 66% témoigne de la faible dynamique actuelle : les Français réalisent de moins en moins de travaux. Conséquence, le montant total des aides reversées baisse lui-aussi passant de 109 693 383€ au T1 2021 à 46 282 945€ au premier trimestre 2023.

Alors que le gouvernement a décidé de privilégier les « rénovations globales » générant un maximum d’économies d’énergie, ces-dernières ne représentent que 2,6% des chantiers de rénovation énergétique réalisés au T1 2023. Pourtant, ils captent 39% de l’ensemble des primes reversées aux Français. Ce choix politique, au détriment des « mono-gestes » (isolation d’une toiture, isolation des murs, installation d’une chaudière à condensation à haute performance), a deux conséquences majeures.

Les aides bénéficient désormais majoritairement aux ménages les plus aisés

Alors qu’au premier trimestre 2021, 63% du montant total de primes versées avait bénéficié aux ménages dit « précaires ou très précaires », la dynamique s’est totalement inversée. Au T1 2023, seuls 35% des montants ont été reversés aux ménages ayant les plus faibles revenus.

Une explication à cette dynamique : les rénovations globales des logements coûtent cher avec un reste à charge atteignant plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’euros. Un investissement rédhibitoire pour les ménages aux plus faibles revenus, d’autant plus dans le contexte économique actuel.

La hausse de la prime moyenne cache de grandes disparités

Si le montant de la prime moyenne reversée aux ménages augmente (1697€ au T1 2023 contre 1331€ au T1 2021), c’est essentiellement lié à la montée en charge des rénovations globales. Certains des travaux jusqu’ici privilégiés par les Français voient leur prime s’effondrer.

C’est le cas des travaux qui concernent l’isolation d’une toiture, responsable à elle seule de 30% des déperditions thermiques d’un logement : la prime baisse de 49% depuis le T1 2021. Ou de la prime pour l’isolation des murs (20% des déperditions thermiques) qui baisse en moyenne de 66%. La palme revient aux chaudières à haute performance énergétique, dont la prime est désormais de 263€ en moyenne contre 916€ en 2021 (-71%). Parallèlement, la prime pour une rénovation globale augmente de 117% pour atteindre 23 679€. 

« La transition énergétique ne doit pas se transformer en injustice sociale…, précise Nicolas Moulin, fondateur de PrimesEnergie.fr. Accélérer la rénovation de passoires thermiques grâce à l’interdiction de location progressive des logements plus énergivores, massifier les rénovations globales plus performantes énergétiquement… Sur le papier, ces choix politiques sont louables. Mais, dans les faits, le rythme des rénovations énergétiques financées via les primes énergie est en chute libre, et la transition énergétique des logements se fait au détriment des ménages aux plus faibles revenus, qui sont précisément ceux qui ont le plus besoin d’accompagnement. Certes, un mono-geste est à court terme moins performant qu’une rénovation globale, mais il permet malgré tout de réaliser des économies d’énergie immédiates. Pour les ménages n’ayant pas les moyens d’engager une rénovation globale, il doit être possible de réaliser un projet sur le long terme, par exemple via un enchainement de mono-gestes successifs qui donnerait droit à des aides bonifiées. La transition énergétique ne doit pas devenir un sujet d’injustice sociale. Donnons-nous les moyens de ne laisser personne au bord du chemin, et de structurer l’ensemble de la filière à la hauteur de l’enjeu qui est devant nous. D’autant que concrètement, le manque de main d’œuvre constaté dans le secteur du bâtiment rend l’hypothèse d’une massification de rénovations globales peu probable… »

Par MySweetImmo