Le bail commercial et le droit de préemption du preneur

Quid du droit de préemption en cas de vente d’un local commercial ou artisanal ? Les juristes de Modelo rappellent les règles du jeu. Utile pour professionnels de l’immobilier et les propriétaires.

Vitrine d'une boulangerie a l'ancienne a Paris

© adobestock

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Le régime des baux commerciaux confère au profit du preneur un droit de préemption en cas de vente des murs par le propriétaire.

Ainsi lorsque le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il doit en informer le locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée et elle vaut offre de vente au profit du preneur.

L’article L145-46-1 du Code de commerce dispose que ce droit de préemption n’est pas applicable dans le cas de certaines cessions :

– en cas de cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial,

– en cas de cession unique de locaux commerciaux distincts,

– en cas de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial,

– en cas de cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux,

– en cas de cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint,

– en cas d’exercice de l’un des droits de préemption urbains.

Les textes ne font aucune autre exclusion du champ d’application de ce droit.

Tout preneur d’un bail commercial ne bénéficie pas d’un droit de préemption

Dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la cour de cassation en date du 29 juin 2023 (Civ. 3e, 29 juin 2023, FS-B, n° 22-16.034), la jurisprudence répond à la négative et exclut du champ d’application du droit de préemption les locaux à usage industriel.

En l’espèce, une société a pris à bail commercial un local devant « servir exclusivement à l’usage d’entreprise générale de bâtiment et travaux publics et fabrication d’agglomérés ».

Or aux termes des statuts de cette société, il est stipulé qu’elle a notamment pour objet « la fabrication, l’achat, la vente, l’importation, l’exportation de tous produits et matériaux de construction pour le bâtiment, ou les travaux publics, notamment en béton précontraint ou non. ».

Les locaux loués étant surtout destinés à un usage de fabrication d’agglomérés, tandis que l’extrait du RCS de la société locataire mentionne les activités de « préfabrication de tous éléments de construction à base de terre cuite plancher murs et autres » ainsi que de « fabrication de hourdis, blocs et pavés béton ».

Le propriétaire-bailleur a vendu le local sans notifier le droit de préemption à la société preneuse, qui a alors assigné le bailleur en annulation de la vente et en indemnisation.

La jurisprudence rejette la demande de la société preneuse au motif que le droit de préférence du locataire ne vaut que pour les locaux loués à usage commercial ou artisanal et non industriel.

Selon la jurisprudence doit être considéré comme à usage industriel tout local principalement affecté à l’exercice d’une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en œuvre est prépondérant.

Si le régime des baux commerciaux est applicable aux locaux à usage commercial, artisanal et industriel (article L145-41 du Code de commerce), le bénéfice du droit de préemption n’est lui applicable qu’aux locaux à usage commercial ou artisanal tel qu’en dispose expressément l’article L145-46-1 alinéa 1 du Code de commerce.

En conclusion

Même si un bail commercial est signé, que la cession du local n’entre pas dans les cas d’exception d’exclusion du droit de préemption du preneur, le preneur à bail commercial est prioritaire sur la vente des murs. Il faut en plus et nécessairement que les locaux soient utilisés à un usage commercial ou artisanal.

Lorsqu’un mandat de vente porte sur un bien loué à bail commercial, le professionnel de l’immobilier doit s’assurer de la destination des locaux stipulée aux termes du bail et apprécier si la vente du local doit être notifiée au preneur, et ce afin d’assurer sa mission d’information et de conseil envers ses clients.

Par Les juristes de Modelo