Allemagne : L’immobilier s’enfonce dans la crise

L’immobilier allemand est en pleine crise, avec des arrêts de chantiers et des faillites d’entreprises. La hausse des taux d’intérêt, la chute de la demande et l’augmentation des coûts des matériaux pèsent lourdement sur le secteur.

Chantier a l'arret d'un immeuble neuf a Berlin en Allemagne

© JOHN MACDOUGALL AFP

Dans le quartier de Mitte à Berlin, les promoteurs gélent leurs chantiers.

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Lorsqu’il a signé pour un trois pièces dans un immeuble à construire d’un quartier berlinois prisé, Valeriy Shevchenko pensait avoir fait l’achat d’une vie. Deux ans plus tard, l’arrêt brutal du chantier a brisé ses rêves de propriétaire.

La société Project Immobilien, qui gérait la construction, a fait faillite cet été, frappée par la crise de l’immobilier qui secoue l’Allemagne depuis plusieurs mois, laissant des centaines d’acquéreurs dans l’incertitude.

« Les grues, les équipements pour les ouvriers, tout a été retiré« , raconte à l’AFP ce père de famille de 33 ans, devant une façade en béton et sans fenêtre.

Envolée des taux d’intérêt qui renchérit le coût du crédit, demande en chute libre, explosion du prix des matériaux… Les faillites d’entreprises ont doublé sur un an dans le secteur de la construction en Allemagne, stoppant net nombre de chantiers.

Le chancelier Olaf Scholz invite lundi les professionnels de la branche pour un sommet à Berlin. Objectif : relancer les constructions, alors que le pays manque cruellement de logements.

Au programme : élargissement des prêts publics pour les familles, allègements règlementaires et fiscaux pour les constructeurs, déblocage de fonds pour le logement social ainsi qu’un soutien public pour la conversion d’immeubles de bureaux en habitations.

Baisse des prix de l’immobilier de 6,8% sur un an

« Les investisseurs ne savent plus comment rentabiliser certains projets« , explique à l’AFP Tim-Oliver Müller, président de la HDB, fédération allemande du bâtiment.

Pendant des années, le secteur a bénéficié des taux d’intérêt bas permis par la généreuse politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. La demande était forte, les chantiers dans les grandes villes allemandes se sont multipliés.

Mais la BCE a dû drastiquement relever ses taux pour combattre l’inflation, faisant plonger la demande de crédits, les prix des biens à la vente et la rentabilité des projets.

Le marché ralentit partout en Europe. Mais l’Allemagne est particulièrement touchée, avec une chute des prix de l’immobilier sur un an de 6,8% au premier trimestre 2023, contre une légère hausse de 0,4% pour l’ensemble de la zone euro.

Les promoteurs gèlent la construction de logements

Dans le même temps, les promoteurs souffrent de la hausse du coût des matériaux de construction, consécutive à la pandémie de coronavirus et amplifiée par la guerre en Ukraine.

Le promoteur allemand Vonovia, un poids lourd du secteur, a récemment décidé de geler la construction de 60.000 logements. Une société immobilière sur cinq a déclaré avoir annulé des projets de construction en août, tandis que 11,9 % d’entre elles sont confrontées à des difficultés de financement, selon un récent sondage de l’institut IFO.

A Berlin, les acquéreurs de l’immeuble de Project Immobilien, dans le quartier central de Prenzlauer Berg, avaient tous déjà payé la moitié de leur bien.

« Je ne suis pas riche. Mon argent est le fruit de mon travail, et je paie les intérêts d’un prêt dont je ne profite même pas« , déplore M. Shevchenko, qui déclare avoir déboursé 250.000 euros.

Aucune assurance n’a été souscrite, ni par l’entreprise, ni par les futurs propriétaires. Seul espoir : trouver un repreneur pour finir le chantier, ou…. le terminer eux-même.

« Je n’aurais jamais pu penser que quelque chose comme ça puisse se passer en Allemagne« , explique, les larmes aux yeux, Marina Prakharchuk, 39 ans, qui a déjà déboursé 175.000 euros pour un 45 m2 dans cet immeuble.

« J’ai mis toutes mes économies là-dedans », ajoute cette salariée d’une entreprise de logistique, originaire du Belarus.

L’immobilier, une bombe sociale

Cette crise est un coup dur pour le gouvernement d’Olaf Scholz, qui avait promis, à son arrivée au pouvoir fin 2021, de construire 400.000 logements par an.

On en est loin : le secteur s’attend à atteindre péniblement le chiffre de 250.000 cette année, et même à descendre sous les 200.000 en 2024.

Pourtant, les besoins sont énormes, exacerbés par l’accueil ces dernières années de nombreux réfugiés et travailleurs étrangers, dans un pays en manque de main d’œuvre.

Une situation qui pourrait se transformer en bombe sociale, au moment où le manque d’offre provoque une forte hausse des loyers. En Allemagne, la moitié de la population n’est pas propriétaire de son logement.

De quoi plomber encore le pouvoir d’achat des ménages, déjà secoué par l’inflation, qui dépasse encore les 6% dans le pays.

La ministre du Logement, Klara Geywitz, a annoncé vouloir étendre certains dispositifs d’aide à l’accès à la propriété pour les familles, et investir « un milliard d’euros supplémentaire » dans les résidences pour étudiants et apprentis.

Par MySweetImmo avec AFP