Immobilier : « La CDI FNAIM propose une décote des loyers pour faire face à la crise du logement », Yannick Ainouche

Pour Yannick Ainouche, président de la Chambre des Diagnostiqueurs Immobiliers de la FNAIM, la crise du logement peut être évitée. Il interpelle le Président Emmanuel Macron avec une nouvelle proposition.

Yannick Ainouche

© CDI FNAIM

Yannick Ainouche, président de la Chambre des Diagnostiqueurs Immobiliers de la FNAIM

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Le logement est devenu « une bombe sociale ». L’expression fait recette sans que l’on sache si cette bombe est à retardement ou si elle n’est pas déjà amorcée. Les ingrédients de cette situation explosive sont identifiés : la construction neuve est en berne, un réservoir de logements vacants qui ne se dégonfle pas, des loyers devenus inaccessibles dans le privé pour une bonne frange de la population, un marché de la transaction en train de se retourner, et depuis le 1er janvier, l’entrée en vigueur progressive de l’interdiction de location sur les passoires énergétiques qui promet d’ajouter encore de l’huile sur le feu.

Ce que nous pouvons d’ores et déjà dire c’est que plusieurs centaines de milliers de logements risquent d’être sortis du parc dans moins de deux ans (autant dire demain). Il est illusoire de croire que tous les logements en G puissent être rénovés avant 2025. Là aussi, les raisons ne manquent pas : pénurie de main d’œuvre pour absorber l’afflux des chantiers, manque d’entreprises RGE, la facture des matériaux qui ne cesse de s’alourdir, un maquis d’aides où les Français restent souvent perdus, un accompagnement insuffisant…

Des outils encore en évolution

Le gouvernement a démultiplié les outils avec : le Plan pluri-annuel de travaux (PPT), l’audit énergétique, la France Rénov’, MonaccompagnateurRénov’ etc. Mais ceux-ci sont loin d’être arrivés à maturité. Un simple exemple : le PPT, outil indispensable pour apporter de la visibilité aux copropriétés, prend son envol en 2023, mais uniquement dans les grosses copropriétés (+ de 200 lots). Dans les petites copros (moins de 50 lots), largement majoritaires, ce PPT n’arrivera qu’en 2025… lorsque l’interdiction des passoires en G sera devenue réalité.

« Certains observateurs et professionnels du secteur – de moins en moins nombreux, il est vrai – caressent encore le doux rêve de voir ce calendrier assoupli. Parce que le gouvernement n’aurait pas d’autre choix. Je n’y crois pas. Le ministre en charge du Logement, a déjà dit et répété que l’on ne toucherait pas au calendrier. Nous ne reviendrons pas en arrière. Nous avons perdu trop de temps avec la rénovation (le Grenelle de l’environnement fête cette année ses 15 ans !), procrastiner serait bien trop hasardeux. Si un report du calendrier voulu par Climat et résilience semble chimérique, des aménagements restent cependant possibles », explique Yannick Ainouche, Président de la CDI Fnaim.

Et il poursuit : « Pour répondre à l’urgence climatique sans aggraver la crise du logement, nous devons trouver des solutions. Elles devront être simples et compréhensibles de tous. Plutôt que d’interdire purement et simplement des logements à la location, en courant le risque de voir des familles entières privées d’un toit, ne serait-il pas préférable d’envisager une étape transitoire ? Dans le prolongement direct du gel des loyers des logements F et G aussi voulu par Climat et résilience et entré en vigueur en août, nous pourrions imaginer une décote des pires passoires énergétiques. Par exemple, à partir de 2025, un logement classé G pourrait demeurer sur le marché locatif mais avec un loyer diminué de moitié. Idem pour les logements F encore plus nombreux à partir de 2028. »

Vers une décote des loyers des logements classés G et F

Cet aménagement présenterait plusieurs avantages. Le premier, qui est aussi le plus évident, sera d’éviter un retrait massif de passoires énergétiques du marché : à l’heure où la Fondation Abbé Pierre déplore plus de 300.000 personnes sans domicile – le double par rapport à 2012 -, il est difficile de se priver des passoires thermiques. Sans amputer le parc locatif de ces logements, cette décote sur les loyers semble suffisamment incitative et contraignante pour pousser le propriétaire bailleur à rénover son bien. Un tel dispositif permettrait aussi aux propriétaires de ne pas être privés du jour au lendemain de leurs revenus locatifs à un moment, justement, où ils auront besoin de capitaux pour financer la rénovation.

Un autre avantage est d’accorder du temps aux outils indispensables à la rénovation (PPT, audit…) pour se roder et se démocratiser. « Cela semble d’autant plus nécessaire que les nouveaux dispositifs très judicieux sur le papier se heurtent à la réalité du terrain. Le DPE nous fournit un exemple criant. Lancé un peu trop précipitamment en juillet 2021 malgré les mises en gardes des professionnels, a aussitôt révélé de nombreuses imperfections. On le voit aussi avec l’audit énergétique initialement annoncé en janvier 2022 et qui n’est arrivé finalement qu’en avril 2023. PPT, audit énergétique, ces outils, complexes, ont besoin de temps pour produire tous leurs effets bénéfiques et être acceptés des propriétaires », indique Yannick Ainouche.

Enfin, cette décote supplémentaire offrira aussi du temps aux acteurs de la rénovation, aux banques qui ont un rôle essentiel à jouer dans le financement de la rénovation, aux artisans du bâtiment qui devront massivement embaucher et former, en passant par tous ceux qui doivent intégrer la transition écologique à leur logiciel métier. 

« Je pense notamment aux professionnels de l’immobilier. Bien sûr, symboliquement, une décote des loyers aussi sévère soit-elle, plutôt qu’une interdiction pure et simple, risque d’être interprétée comme un rétropédalage. Mais c’est aussi une décision de bon sens qui permet de mener cette transition plus sereinement, en désamorçant cette « bombe sociale » du logement », conclut Yannick Ainouche.

Rappel des propositions portées par la CDI FNAIM

  • Encadrement des tarifs du DPE avec l’instauration d’un prix plancher en dessous duquel le DPE ne pourrait être vendu afin d’éviter la casse des prix qui entraîne inévitablement une détérioration de la qualité.
  • Un système de certification davantage adapté à la filière pour les petites et les grandes entreprises : que les entrepreneurs du diagnostic aient désormais le choix entre la certification d’entreprise et la certification de personne.
  • Une méthodologie de calcul du DPE adaptée aux petites surfaces (<30 m²) afin de tenir compte des spécificités de ces logements bientôt menacés (plus d’un logement sur 2 interdit à la location d’ici 2034).
  • La création d’une véritable branche professionnelle, avec la création d’une carte « D » délivrée par une autorité indépendante.
Par MySweetImmo