Crise de l’immobilier : « Masteos en redressement judiciaire, les coulisses de la proptech », Thierry Vignal

Thierry Vignal évoque la mise en redressement judiciaire de Masteos pour Mon Podcast Immo. Dans un entretien sans langue de bois avec Ariane Artinian, Thierry Vignal dépeint la réalité d’une start-up en hyper-croissance, confrontée à une crise de l’immobilier sans précédent doublée d’une crise de venture capital. Entretien vérité sans tabou.

 0

Thierry Vignal, fondateur en 2019 de Masteos, spécialiste de l’investissement locatif clé en main évoque la mise en redressement judiciaire de la proptech. Dans ce nouvel épisode de Mon Podcast Immo, l’entrepreneur qui incarnait la réussite – Masteos était valorisée 150 millions en mars 2023, se livre sans retenue.

«On a connu de meilleures nouvelles à annoncer la veille de Noël, explique t-il. Malheureusement l’état du marché ne me laisse pas d’autre choix que de partir en redressement sur la holding du groupe Mastéos . Et on envisage un repreneur dont on dévoilera l’identité le mois prochain ».

« Nous faisons face à la pire crise de l’immobilier des cinquante dernières années », explique t-il. Avec le quadruplement des taux d’intérêt depuis la création de Masteos en 2019, le modèle de la proptech est devenu insoutenable.

Thierry Vignal dévoile sans filtre l’envers du décor de ces jeunes entrepreneurs qui ont levé beaucoup d’argent quand il coulait à flot ( 50 millions d’euros en equity et 12 millions d’euros en dette pour Masteos) et qui se retrouvent lâchés par les fonds d’investissement dans un marché qui s’effondre…

Extraits choisis d’une interview sans tabou où sont évoquées des problématiques qui pourraient concerner d’autres acteurs de la proptech dans les semaines qui viennent.

Sur les ravages de la crise

« L’investissement locatif est au point mort. Les ventes se sont effondrées. On est passé de 250 offres contresignées en juin 2022, à 25 en novembre. Notre business est devenu impossible, c’est comme si vous gériez un restaurant en plein confinement. L’état du marché ne me laisse pas d’autre solution que de partir en redressement judiciaire ».

Sur le jeu à double tranchant de l’hyper croissance

« Masteos n’a pas été calibrée pour résister à un cycle économique aussi défavorable. En 2019, on a choisi de jouer au jeu de la startup avec un focus sur l’hypercroissance pas celui de la PME axée sur la rentabilité. Les levées de fonds, c’était pour croître le plus vite possible, pas pour placer l’argent sur un livret A.

Quand on dépense 50 millions, qu’on a atteint une taille de 400 salariés et que le marché se retourne notre capacité à restructurer les coûts, on n’a pas d’autre choix que de partir en cession avec une restructuration du groupe. D’autant que la crise pousse les fonds de Venture Vapital à se retirer de la tech en général , mais surtout de la proptech »

Sur les levée de fonds

« On a grossi trop vite, trop tôt alors qu’on est une boîte finalement très opérationnelle, et donc pas très compatible avec ce monde de la tech et du venture capital. Lever des fonds c’est aussi parfois un cadeau empoisonné qui fait perdre les bons réflexes financiers. Obsédé par l’hyper croissance du chiffre d’affaires, on se met à recruter trop, sans regarder à la dépense. On est sous perfusion, on se dit que les erreurs seront financées par la prochaine levée de fonds ».

Sur le redressement judiciaire

« La procédure de redressement judiciaire, ‘est l’occasion de se réinventer. Masteos aujourd’hui, c’est 120 personnes. Si on a un bon repreneur qui conserve une majorité de l’équipe ça peut être encore mieux après qu’avant. ».

« On a levé 50 millions en equity et 12 millions en dette. Il nous 10 millions à rembourser aujourd’hui , nous ne sommes pas en mesure de le faire. C’est pour cela que l’entreprise sera placée en redressement judiciaire le 2 janvier 2024. ».

« Quatre filiales vont être cédées pour 1 euro symbolique au tribunal : la filiale transaction, la filiale travaux, la filiale de rénovation énergétique et la une filiale de gestion. Elles devraient être cédées aux aux mêmes repreneurs.« .

Sur le Venture Capital

« Le Venture Capital crée des boîtes zombies pas du tout résistantes aux cycles. C’est un mode de financement incompatible avec la proptech malheureusement… Quand le marché se retourne, les relations avec les fonds Venture Capital se tendent, les équipes dirigeantes se trouvent écartées, les actionnaires prennent les rennes et cela pose de vrais problèmes de responsabilité sur lesquels beaucoup de cabinets d’avocats planchent d’ailleurs aujourd’hui. ».

Par Ariane Artinian