Immobilier : Que peut-on attendre de la nouvelle ministre du Logement, Valérie Létard ?
Valérie Létard, ancienne vice-présidente du Sénat, vient d’être nommée ministre du Logement. Avec un secteur en crise, la nouvelle ministre est attendue de pied ferme. Alors, que peut-on espérer de cette nomination ? Le point avec Corinne Jolly, Présidente de PAP.
Nommée le 21 septembre 2024 en remplacement de Guillaume Kasbarian, Valérie Létard arrive à la tête du ministère du Logement dans un contexte particulièrement tendu. Le ralentissement brutal de la construction s’ajoute aux difficultés provoquées par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, qui ont rendu l’accès à la propriété plus difficile. Dans ce contexte, Valérie Létard est attendue sur plusieurs fronts pour redonner espoir à un secteur en souffrance et répondre à l’urgence sociale.
« Les choix que fera la ministre pour répondre aux défis d’un marché en difficulté, notamment sur les questions de construction, de rénovation et d’équilibre territorial sont d’une importance capitale », précise Corinne Jolly, Présidente de PAP.
Relancer la construction : une priorité absolue
Le faible niveau de construction est actuellement l’un des problèmes majeurs du secteur du logement. En 2023, les mises en chantier ont chuté de 22 % par rapport à l’année précédente et les permis de construire ont baissé de 24 %, selon les données provisoires du ministère de la Transition écologique. Cette baisse dramatique entraîne une accumulation des besoins en logements, notamment dans les zones tendues où la demande reste forte. Le secteur appelle donc à des mesures immédiates pour inverser la tendance.
« La relance de la construction doit être globale, incluant non seulement le neuf, mais aussi le logement social. Aujourd’hui, 2,7 millions de ménages sont en attente d’un HLM, un record historique. Pour aider les primo-accédants, la ministre pourrait envisager d’étendre le PTZ afin de les (re)solvabiliser. Quant aux investisseurs, il faudrait envisager de revoir ou prolonger des dispositifs comme la loi Pinel, pour relancer la production de logements locatifs dans l’Hexagone à destination des ménages modestes« , réagit Corinne Jolly.
Faire preuve de pragmatisme pour la rénovation énergétique
Le deuxième défi concerne la rénovation énergétique des bâtiments, un dossier incontournable, mais particulièrement complexe. La loi impose des objectifs ambitieux mais le calendrier actuel est irréaliste.
Les logements classés G sont censés être interdits à la location dans quatre mois. Il est aujourd’hui clair que la majorité d’entre eux n’ont pas été rénovés, que de nombreux freins à la rénovation existent et qu’il n’est pas envisageable de retirer ces biens du parc locatif, qui manque déjà d’offres.
« Valérie Létard devra sans doute revoir les mécanismes en place et ajuster les échéances pour permettre une transition plus progressive et réaliste« , insiste Corinne Jolly.
Encadrer la location touristique pour préserver l’équilibre local
La location touristique est devenue un enjeu majeur pour certaines communes. Si ces biens jouent un rôle crucial dans l’économie touristique de certaines zones, dans d’autres, ils peuvent réduire l’offre de logements disponibles pour les habitants à l’année. Cela pose des défis pour l’accès au logement, notamment pour les travailleurs essentiels et les familles locales.
« Il est donc important de donner aux municipalités les moyens de réguler leur parc immobilier en fonction des spécificités locales. Certaines communes, où le tourisme est central, ne rencontrent pas de difficultés à accueillir de nombreuses résidences secondaires, tandis que d’autres, moins dépendantes du tourisme, voient leur marché locatif se tendre« , poursuit Corinne Jolly.
Au printemps dernier, une proposition de loi transpartisane visant à mieux encadrer la location touristique avait presque abouti : la reprendre serait un gain de temps.
De plus, la création d’un nouvel usage « résidence secondaire », semblable à celui utilisé pour la gestion des commerces, permettrait à chaque commune d’ajuster le volume de résidences secondaires à ses capacités, sans recourir à de nouvelles taxes. Cela favoriserait un équilibre entre l’attractivité touristique et le besoin de logements pour les résidents permanents.
Définir une politique d’aménagement du territoire
« Avec les prix de l’immobilier qui ont explosé dans les grandes métropoles, l’une des solutions pour réduire la pression pourrait être de développer l’attractivité des villes moyennes. Ces villes, souvent bien connectées, offrent un cadre de vie plus abordable, tout en répondant aux besoins des familles et des actifs« , commente Corinne Jolly .
En parallèle, ces villes peuvent jouer un rôle clé dans le rééquilibrage territorial, en désengorgeant les grandes agglomérations. Cependant, une politique forte et cohérente est nécessaire pour que ce plan aboutisse. Aménager des infrastructures, développer les services publics et favoriser l’installation d’entreprises seront des leviers essentiels pour rendre ces territoires plus attractifs sur le long terme.
Stabiliser le ministère pour une action durable
« Au-delà des enjeux immédiats, il est crucial que Valérie Létard reste en poste suffisamment longtemps pour impulser une dynamique réelle. Les trois derniers ministres du Logement n’ont pas tenu plus de six mois à un an, laissant le secteur dans l’incertitude et sans cap clair. Or le logement est un secteur qui demande de la visibilité et de la continuité pour fonctionner », conclut Corinne Jolly.
Valérie Létard doit donc rester en poste et s’inscrire dans une démarche de long terme pour restaurer la confiance des acteurs du secteur. Si elle parvient à s’inscrire dans la durée, en impulsant des réformes pragmatiques et en redonnant un souffle à la construction, elle pourrait jouer un rôle clé dans la résolution de cette crise. Le secteur attend avec impatience ses premières décisions.