Immobilier : Pourquoi Valérie Létard est reconduite au ministère du Logement

Après quatre ministres du Logement en 22 mois, les appels des professionnels de l’immobilier réclamant le maintien de Valérie Létard, ministre démissionnaire du Logement et de la Rénovation Urbaine, dans le nouveau gouvernement de François Bayrou ont porté leurs fruits. Valérie Létard vient d’être reconduite au ministère du Logement auprès du nouveau ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation, François Rebsamen.

Valerie Letard, ministre du Logement

© Bertrand Guay-AFP

Valérie Létard

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Comment Valérie Létard, la ministre du Logement, a-t-elle séduit les professionnels du secteur en seulement deux mois et 26 jours au 20 avenue de Ségur ?

« Lorsque l’on a quatre ministres en deux ans, vous ne faites rien », a martelé Cécile Duflot, ancienne ministre du Logement de 2012 à 2014, au dernier congrès de la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) à Paris, en l’absence de Valérie Létard, déjà démissionnaire quelques jours après la censure du gouvernement Barnier, pour rappeler aux professionnels, toujours à la quête de visibilité que « le logement est un secteur tellement lourd qu’il lui faut des orientations dans la durée. » 

Les professionnels du logement unanimes concernant Valérie Létard

Les organisations professionnelles qui appellent avant tout à plus de « stabilité politique » demandent majoritairement à ce que Valérie Létard, ministre du Logement et de la Rénovation urbaine, soit reconduite à l’avenue de Ségur dans le prochain gouvernement « resserré » de François Bayrou.

« Sans dénigrer les cinq autres ministres du Logement que l’on a eu pendant quatre ans, je crois que l’on ne peut pas faire mieux que Valérie Létard, déclare sans complexe Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). « Quand on ne peut pas faire mieux, il faut non seulement la maintenir mais l’encourager, poursuit-il au moment où l’effondrement du secteur du bâtiment constitue selon lui une « réelle menace ». « Ce serait une énorme déception et un autre coup sur la tête si Valérie Létard devait quitter le gouvernement. »

Même son de cloche de la part de Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) :« Je ne pense que du bien de Valérie Létard ! Elle a vraiment fait le maximum pour nous aider et elle a tout de suite compris l’intérêt de construire des logements neufs pour l’État mais aussi pour l’emploi, Je souhaite très sincèrement qu’elle soit maintenue à son poste. »

Un sentiment également partagé par Loïc Cantin, président de la FNAIM qui regrette encore que la ministre n’ait pas pu assister à son dernier congrès à Paris. « Être ministre du logement est très difficile surtout compte tenu l’ampleur de la crise que nous traversons ! Valérie Létard n’est pas une  magicienne mais, en l’espace de trois mois, elle a fait preuve de pragmatisme. Avec son expérience de sénatrice qui s’est toujours intéressé à tous les pans du logement (social, privé, l’accession à la propriété), elle a l’avantage d’être une personnalité de consensus. Et en plus, c’est une technicienne ! », témoigne Loïc Cantin.

De son côté, Danielle Dubrac, présidente de l’UNIS  salue son courage jusqu’au bout au moment où elle est, depuis lundi, pleinement mobilisée pour soutenir les habitants de Mayotte frappés par l’ouragan Chido en lien étroit avec la cellule interministérielle de crise ouverte par le Premier ministre. « En moins de deux mois et demi, il est franchement très difficile de faire un jugement sur son bilan mais nous avons retenu que c’est une battante. Ses qualités sont avant tout l’écoute, l’échange, la compréhension très vite des problèmes. Et contrairement à d’autres prédécesseurs, c’est quelqu’un qui connait parfaitement bien le terrain ! », souligne-t-elle.

Avant de rappeler que : « Dès son premier déplacement à notre congrès à Rennes, le 10 octobre 2024, elle a été très vite appréciée par nos adhérents. Elle a pu parler sans complexe de la fiscalité, du PTZ élargi, du DPE, et même du vif intérêt du statut du bailleur privé. »

« Toutes ces mesures-là, Valérie Létard est allée les chercher avec les dents »

Élargissement du dispositif de Prêt à taux zéro (PTZ) pour l’accession à la propriété des ménages modestes, défiscalisation des donations des parents ou grands-parents à leurs enfants ou petits-enfants afin de les aider à acquérir un logement neuf, plafonnement de la Réduction de loyer de solidarité (RLS) auprès des bailleurs sociaux…, la filière de l’immobilier obtenu de Valérie Létard  de la « compréhension » et du « courage » et plusieurs mesures dans le budget 2025 retoqué.

« Toutes ces mesures-là, Valérie Létard est allée les chercher avec les dents et ce fut difficile lorsque l’on connaît Bercy qui veut toujours raboter à la dernière seconde les ratios, les pourcentages et grignoter sur la dépense », abonde Olivier Salleron.

Une pugnacité que reconnaît Yannick Borde, président du réseau Procivis, acteur de l’habitat investi dans l’accession sociale, la production de logements libres et la rénovation du parc privé : « C’est vrai qu’elle s’est décarcassée pour faire passer ces mesures et s’est beaucoup bagarré sur l’élargissement du PTZEt elle fait l’unanimité dans le monde HLM car elle a su faire renverser de manière assez forte la tendance sur la RLS auprès des bailleurs sociaux. Elle a senti tout de suite qu’elle avait tout le monde derrière elle dès sa présence, fin septembre, au congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH), à Montpellier. »

L’UNPI reste sur plus nuancée sur les débuts de Valérie Létard

Les acteurs de l’immobilier ancien, eux, espèrent que sera oubliée l’idée défendue par Michel Barnier d’augmenter les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ou « frais de notaires », payés lors de l’achat d’un appartement ou d’une maison.

Mais ils attendent aussi des éclaircissements très rapides concernant l’interdiction à venir dès le 1er janvier 2025  de louer une partie des passoires thermiques. Justement, Sylvain Grataloup, président de l’Union nationale propriétaires immobiliers (UNPI) reste plus nuancé : « Certes, il y a eu des annonces mais rien est a été vraiment engagé par Valérie Létard  à cause du PLF retoqué. Au 31 décembre 2024, les appartements en étiquette G, par exemple, ne seront pas loués. Le logement  et surtout l’ancien n’est pas un secteur prioritaire pour le gouvernement car il y a des économies à faire et il considère  qu’il peut se relancer que par lui-même ! » Avant de rappeler que  « la politique du logement doit tenir compte des intérêts des propriétaires car cela représente 35 millions de propriétaires et 70 % des locataires sont logés dans le parc privé. »

Christophe Demerson, actuel président du Think Tank des 35 millions de Petits Propriétaires partage le même avis que son successeur : «  Je suis circonspect des premiers mois de Valérie Létard au gouvernement. Elle n’a pas commencé par des mesures prioritaires pour relancer la machine du logement. » « Le vrai enjeu ? Ce n’est pas le logement neuf mais le diagnostic de performance énergétique (DPE). C’est le départ de tout dans la chaîne immobilière », pointe l’ancien président de l’UNPI, l’un des premiers à avoir interpellé Emmanuelle Wargon sur le sujet en 2020.

« On a dû mal à croire que le Premier ministre irait chercher ailleurs l’expérience, le professionnalisme et l’énergie qu’il trouve chez Valérie Létard une figure de sa famille politique déjà titulaire du poste et qui a déjà fait ses preuves dans un contexte difficile, confie enfin Henry Buzy-Cazeaux, président fondateur de l’Institut du management des services immobiliers (IMSI). Ce ne serait que pour des équations politiques qu’elle ne serait pas reconduite et ça serait préjudiciable au secteur et qui en outre a besoin de stabilité. »

Ce qui pourrait jouer en sa faveur ?« Valérie Létard est soutenue par le président du Sénat, Gérard Larcher, et le sénateur des Hauts-de-Seine, Hervé Marseille. Elle a été sénatrice et députée du Nord UDI (Union des démocrates indépendants) et elle a la particularité d’avoir la même sensibilité démocrate chrétienne que François Bayrou. Ce n’est pas à négliger », explique l’ancien plus proche collaborateur de ce dernier.

Enfin, l’ancien ministre du Logement de 2002 à 2004, Gilles de Robien, très proche de sa famille politique reste convaincu que la ministre du Logement démissionnaire Valérie Létard s’impose pour poursuivre la mission. 

Un avenir placé sous le signe de la continuité et de la collaboration

Les spéculations sur un éventuel changement à la tête du ministère du Logement avaient suscité de nombreuses interrogations ces dernières semaines, notamment avec la montée en puissance du nom de François Rebsamen. Ancien maire de Dijon et auteur d’un rapport en 2021 sur la relance durable de la construction, sa nomination au poste de ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation marque un choix stratégique du gouvernement Bayrou.

Les efforts de François Bayrou pour bâtir une équipe cohérente et expérimentée ont finalement porté leurs fruits. Valérie Létard est reconduite au ministère du Logement, mais cette fois, elle exercera aux côtés de François Rebsamen. Cette collaboration offre une opportunité inédite de conjuguer la continuité de l’action ministérielle de Létard avec l’expérience et la vision stratégique de Rebsamen.

Valérie Létard, saluée pour son pragmatisme et sa capacité d’écoute, pourra s’appuyer sur cette alliance pour concrétiser les mesures annoncées et relever les défis majeurs du logement. Les attentes restent cependant immenses : relancer la construction neuve, accompagner les propriétaires dans la rénovation énergétique, et apaiser une crise du logement qui n’a jamais été aussi pressante.

Par Sébastien Chabas