Blockchain : ayons confiance !

Pour Philippe Boyer, Directeur Innovation de Covivio, l’enjeu premier de la Blockchain est de générer de la confiance.

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La blockchain souffre d’un handicap de naissance

Mettons tout de suite les pieds dans le plat. La blockchain souffre d’un handicap de naissance. Rien de rédhibitoire à ses prometteuses perspectives de développement mais, disons-le, assez invalidant pour qui veut comprendre cette technologie complexe. On parle ici de son appellation. En paraphrasant Albert Camus qui écrivait que  » Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », la dénomination Blockchain pose problème. Encore largement inconnue et incomprise du grand public, cette technologie a d’abord été pensée par des anglo-saxons avec des mots anglais qui constituent autant de « faux amis ». Ainsi, les expressions «blockchain » (chaîne de blocs), « smart contracts » (contrats intelligents), « distributed ledgers » (registres distribués), « miners » (mineurs) et autres « oracles »… ne plaident pas en faveur de la diffusion de cette technologie qui, à en croire certains, pourrait avoir un potentiel de rupture largement supérieur à celui d’internet.

Un processus de validation collectif, consensuel, transparent et infalsifiable

Une chose est certaine, la blockchain a dépassé le stade de simple mot à la mode. Depuis son apparition, il y a près de dix ans, ses développeurs, d’abord attirés par la volonté de s’extraire d’un carcan étatique en faisant l’expérience d’une monnaie virtuelle sans banque centrale, sans tiers de confiance et dont la masse monétaire serait fixée par un mécanisme informatique conçu par des acteurs privés, ont avant tout cherché à abolir la nécessité d’intermédiaires vérifiant les informations préalablement à leur enregistrement. Comment ? Grâce à un processus de validation collectif, consensuel, transparent et infalsifiable, qui stocke des données (cryptographiées) de manière immuable et sécurisée. La blockchain contient donc ce pouvoir théorique de supprimer les intermédiaires et les tiers de confiance en garantissant la véracité des données stockées dans un registre numérique. Ces dernières, horodatées, validées et certifiées par des participants, dénommés « mineurs », garantissant l’exactitude et le caractère infalsifiable des données accumulées. Voilà pour la théorie. Qu’en est-il de la pratique ?

Banques, immobilier, santé, agroalimentaire… les applicatifs sont nombreux

Le champ d’application de la blockchain est potentiellement immense1. Il recouvre presque toutes les formes de transactions existantes : transferts d’actifs (monnaie, titres de propriété, valeurs mobilières…), tenue de registre qui, aujourd’hui, requièrent l’intermédiation de professionnels assermentés tels que les notaires, gestion de l’identité numérique de citoyens… Bref, d’innombrables domaines qui, grâce à cette technologie, gagneraient en fiabilité. Certains secteurs se sont déjà emparés de la blockchain en imaginant des solutions ad-hoc. Le secteur bancaire au premier chef2 ainsi que l’immobilier. Pour ce dernier, quoi de mieux que la blockchain pour enregistrer sur un registre
numérique, opposable à des tiers, l’ensemble des pièces rattachées à un achat ou une cession d’un immeuble, voire d’un marché de travaux qui nécessite toujours la signature d’innombrables documents.

Dès lors que ces derniers ont été numérisés, il ne reste plus qu’à les encrypter sur la « chaine de blocs »en les horodatant et ainsi faire en sorte que leurs contenus soient enregistrés une fois pour toute. Dans d’autres secteurs, la blockchain est déjà utilisée pour garantir la traçabilité des aliments3 protéger les données des patients, innover dans la fabrication des médicaments(4). La liste est longue des autres secteurs (assurances, tourisme, administrations publiques et vie citoyenne, propriété artistique….) quipourraient bénéficier de cette « machine à confiance appelée à changer le monde », comme le titrait The Economist (5), fin 2015.

L’enjeu premier de la blockchain est de générer de la confiance

A l’instar de toutes les grandes innovations technologiques, la blockchain ne percera que si elle répond à une véritable utilité. Que celle-ci permettre à l’homme de faire la même chose avec moins d’effort ou de s’affranchir de certaines contraintes, c’est l’apport de ses futurs usages qui décidera s’il était raisonnable ou non de fonder tant d’espoirs dans cette technologie encore très jeune. A minima, on s’accordera à dire, au moins sur le papier, que la blockchain permet de générer ce supplément de confiance dont notre monde numérique a tant besoin. Souhaitons que cet espoir ne relève pas d’une chimère sans quoi ce rêve libertarien d’individus s’affranchissant des Etats pour s’organiser et créer les
conditions d’une nouvelle confiance numérique pourrait vite tourner au cauchemar. Tout l’inverse d’une  innovation censée être au service du mieux-être du monde et de la liberté.

Sources :

  1. http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/dossiers/chaines_blocs_mic
  2. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/blockchain-pourquoi-jp-morgan-cree-sa-propre-crypto-monnaie-jpm-coin-807577.html
  3. https://www.lsa-conso.fr/tracabilite-carrefour-lance-sa-blockchain-du-poulet,282551
  4. https://www.usinenouvelle.com/editorial/la-blockchain-une-technologie-a-fort-potentiel-dans-la-sante.N673619
  5. https://www.economist.com/leaders/2015/10/31/the-trust-machine
Par MySweet Newsroom