Prix Féminin de l’immobilier : « L’égalité femme homme est encore loin d’être une évidence dans l’immobilier !»
A l’occasion du lancement du Prix Féminin de l’Immobilier by MySweetimmo, Ariane Artinian sa fondatrice répond aux questions de Thibault Guillaume, co-organisateur du Palmarès de l’immobilier.
Thibault Guillaume : Pourquoi avoir voulu créer un Prix féminin de l’immobilier dans ce 7ème Palmarès de l’Immobilier ?
Ariane Artinian : Associée par le truchement du Journal de l’Agence au jury du Palmarès de l’Immobilier depuis sa première édition, j’ai été aux premières loges pour constater le manque cruel de dossiers émanant d’agences immobilières dirigées par des femmes. Cette année, le Palmarès fête ses 7 ans. C’est l’âge de raison. Celui auquel on acquiert une conscience de soi, du bien, des valeurs. Il m’a semblé important d’y associer MySweet’Immo pour décerner un Prix féminin de l’immobilier.
Merci beaucoup Thibault d’avoir instantanément accueilli la proposition avec enthousiasme. Avec ce 1er prix féminin, le Palmarès 2020 de l’immobilier va promouvoir les parcours de femmes agents immobiliers talentueuses et inspirantes pouvant éveiller d’autres vocations.
Thibault Guillaume : Quelle est votre perception de la parité dans le monde de l’immobilier ?
Ariane Artinian : Tout dépend de quoi on parle. Si vous interrogez les représentants des instances professionnelles, ils vous diront que le métier s’est largement féminisé, que les agences immobilières comptent autant de collaboratrices que de collaborateurs. On vous expliquera aussi que l’immobilier est un métier de femme, qu’avec un statut d’agent commercial, elles ont la liberté de choisir leurs horaires et travailler comme elles le souhaitent. Qu’elles sont d’excellentes négociatrices. Les choses avancent c’est sûr, on ne les cantonne au rôle carucatiral de l’assistante.
Les mentalités changent, c’est sûr, mais l’égalité femmes-hommes est loin d’être une évidence. Il suffit de fréquenter un rassemblement de professionnels de l’immobilier pour réaliser à quel point les femmes décisionnaires, créatrices ou repreneuses d’entreprises, sont absentes – et pas seulement parce qu’elles ont des engagements familiaux par ailleurs, comme certains aiment à le laisser entendre. Intéressant aussi de guetter les réactions lorsque vous évoquez la nécessité d’actions visant à valoriser la parité. Emmanuel Macron a beau en avoir fait de l’une des priorités de son quinquennat, vous passez soit pour une #metoo girl et affolez votre interlocuteur, soit pour une douce rêveuse, une intruse que l’on écoute avec un regard condescendant.
Thibault Guillaume : Heureusement, il y a de nombreuses réussites immobilières au féminin ?
Ariane Artinian : Bien entendu, il y a des exceptions et de belles réussites au féminin dans le monde des agences immobilières. On peut citer l’exemple d’Yvette Bedin, fondatrice du cabinet Bedin, qui a ouvert sa première agence il y a plus de quarante ans. On peut aussi parler de la formidable réussite de Christine Fumagalli, présidente du réseau coopératif Orpi. Ou encore de Sophie Richard, à la tête du réseau Viagimmo. Et puis il y a Danielle Dubrac aussi, à la tête du syndicat professionnel l’Unis depuis quelques semaines.
Plus proche de moi, à la lisière du monde de l’immobilier et des médias, Catherine Renner, fondatrice du Journal de l’Agence, illustre parfaitement les ressorts du féminin dans des structures de petites tailles.
En toute immodestie, je pourrais expliquer le succès du magazine leader de l’information pour les agents immobiliers par la pertinence de notre vision stratégique et la solidité du business plan. Mais cela ferait l’impasse sur l’élément moteur d’une vision féminine qui nous a poussé à jongler en permanence chacune avec nos trois enfants, nos occupations parallèles, nos ambitions, et à inventer la suite, une fois au pied du mur. C’est fou ce que la créativité peut être boostée dans ces moments-là !
Thibault Guillaume : La place des femmes dans la société, c’est un sujet qui vous tient à cœur depuis longtemps ?
Ariane Artinian : Oui, c’est un sujet qui m’a toujours travaillé. Avec Laurence Boccara, en 1991, nous avions d’ailleurs cosigné « Femmes au Travail », paru chez Hatier. Jeunes journalistes sortant de Dauphine et Sciences Po, nous avions alors fait un état des lieux de la condition de la femme sur le marché du travail. Si la situation a évidemment beaucoup évolué depuis, les clichés persistent cependant.
En 2000, lorsque Gilles Legendre me recrute pour intégrer la rédaction en chef du magazine économique Challenges, j’y suis la seule femme à occuper un poste d’encadrement ! Lors de l’entretien d’embauche, Claude Perdriel – fondateur de Challenges et du Nouvel Observateur – avait pointé du doigt mon statut de maman de trois enfants en bas âge et me signalait son « admiration » pour les femmes menant de front carrière et maternité.
Ce qui est sûr, c’est que mener de front vie professionnelle et vie privée nécessite une discipline de tous les instants. Beaucoup – les hommes comme les femmes -l’ont d’ailleurs découvert récemment à la faveur du confinement et du télétravail.
J’ai toujours pensé que les mères de famille avaient une prédisposition à l’entreprenariat. Elles savent ce que sait d’être sur tous les fronts toute la journée, de faire face aux imprévus, de se remettre en question, et connaissent aussi la magie des relations humaines, la nécessité de tenir le cap et de trouver des solutions… La famille, c’est une très bonne école pour gérer une TPE !
Il faut juste qu’elles aient confiance en leur projet et qu’elles se lancent sans attendre la validation de pairs ou de conjoint. Chacun est libre de sa vie, et il n’y a aucune raison de se laisser freiner dans son élan ou dans son ambition. Le plus important, c’est de croire en son étoile et de se jeter à l’eau.
Thibault Guillaume : C’est comme ça que vous avez lancé MySweet’Immo ?
Ariane Artinian : Avec un brin d’inconscience et sans aucune étude de marché, oui. En suivant mon intuition : créer un média au service de celles et ceux qui ont un projet immobilier, un média indépendant sensible, porté par des valeurs humanistes. Un média SWEET qui fait du BIEN et donne les clés pour décider, pour avancer, être bien à la maison, bien dans sa vie. Les résultats sont très prometteurs, l’audience a largement dépassé mes espérances. Il faut dire qu’avec la crise du Covid-19, la maison est plus que jamais un refuge. L’immobilier n’a jamais été aussi SWEET.
Aider les femmes à avancer, à croire en leurs projets, à crever les plafonds de verre, c’est l’ambition de ce Prix féminin de l’immobilier qui récompensera une professionnelle au parcours inspirant pouvant éveiller d’autres vocations. Il nous faut promouvoir une vision humaine, sensible et engagée de l’entreprenariat, une vision paritaire et inclusive.