Location touristique courte durée : Paris, Amsterdam, Florence, Barcelone… en appellent à la Commission Européenne
Après deux ans d’accalmie dus à la pandémie, les destinations prisées d’Europe telles que Paris, Amsterdam, Florence ou Barcelone espèrent que la Commission européenne les aidera à réguler le marché des locations touristiques de courte durée de type Airbnb afin de contrer une reprise débridée du tourisme.
Reprise du tourisme et des location de type Airbnb post crise sanitaire
Après Barcelone, New York et Buenos Aires, la conférence internationale ReformBnB a élu domicile à Paris le 23 mai dernier. Représentants d’associations hôtelières du monde entier -qui dénoncent la « concurrence déloyale » de ces locations-, experts, juristes et élus locaux ont débattu de la régulation des locations touristiques de courte durée lors de la conférence « ReformBnB« .
« Pendant la crise sanitaire, les locations touristiques de courte durée semblaient ne plus poser problème, mais maintenant que le tourisme redémarre fort nous allons rapidement retrouver la fréquentation de 2019« , a estimé Jacob Wedemeijer, adjoint au maire d’Amsterdam chargé du tourisme.
Or « cette année-là, les citoyens de nos villes exprimaient leur ras-le-bol de la pression du tourisme de masse qui est intimement liée à ces locations« , selon lui.
Signe de cette reprise : au premier trimestre la plateforme de réservation de logements entre particuliers Airbnb, poids lourd du secteur aux côtés de Booking.com notamment, a vu son chiffre d’affaires bondir de 80% comparé aux trois premiers mois de 2019 – avant la pandémie-, à 1,5 milliard de dollars.
Airbnb, hausse des prix de l’immobilier et gentrification
A Amsterdam, où ces locations ont « fait bondir les prix des logements, les rendant inaccessibles pour une part croissante de la population« , « il n’est plus rare de devoir dépenser un million d’euros pour acquérir un appartement ordinaire« , a rapporté M. Wedemeijer.
A Barcelone, qui « accueillait 12 millions de touristes par an avant la pandémie« , rappelle Janet Cid Sanz, maire adjointe en charge du logement, « 80% des habitants exigent un changement de modèle touristique« . Car ces locations « provoquent une gentrification qui expulse les habitants et génèrent beaucoup de conflits« , dit-elle.
Des règlementations anti Airbnb difficiles à mettre en place
Il faut « une stratégie commune » a estimé Cecilia Del Re, adjointe au tourisme de la ville de Florence, pour « protéger les résidents et les étudiants, les travailleurs« .
Ces dernières années, les villes d’Europe ont mis en place des « réglementations d’une diversité extraordinaire » pour limiter la prolifération des locations de courte durée qui assèchent le marché du logement, estime Claire Colomb, professeure d’études urbaines et d’aménagement à la Bartlett School of Planning, à l’University College London.
Si certaines optent pour un « relatif laisser faire comme Rome et Milan, d’autres sont très strictes comme Berlin, mais beaucoup choisissent une voie médiane, en distinguant la location occasionnelle de résidences principales, limitée à 120 jours par an à Paris par exemple, et l’activité spéculative de loueurs professionnels« , a-t-elle observé.
Toutefois « réguler s’avère très difficile« , car cela « implique d’avoir des données » sur le nombre et la localisation de ces locations, « or les plateformes comme Airbnb ne les rendent pas publiques, sauf à Paris et Barcelone -et les informations fournies ne sont pas forcément complètes…« , selon Mme Colomb.
En outre, combattre les fraudes « coûte cher aux villes« : elles emploient des bataillons de contrôleurs -100 à Barcelone, 30 à Paris- et de « juristes qui épluchent le droit communautaire pour définir ce qu’elles peuvent faire ou pas en matière de régulation« , dit-elle.
Paris, qui « poursuit les loueurs devant les tribunaux« , a gagné devant la Cour de justice européenne: celle-ci « a décidé en septembre 2020, que la lutte contre la pénurie de logements était un objectif d’intérêt général suffisant pour imposer (sa réglementation) aux propriétaires« , a rappelé Blanche Guillemot, directrice du logement à la ville.
La capitale française a aussi fait condamner Airbnb à 8 millions d’euros d’amende pour avoir mis en ligne des annonces illégales et Booking.com à 1,23 million d’euros pour ne pas avoir transmis des données sur les nuitées.
Mais « la Commission européenne doit cesser ses atermoiements et soutenir les villes dans leur volonté de réguler« , estime M. Wedemeijer, résumant le sentiment des villes réunies à l’occasion de « ReformBnB », qui doit bientôt se muer en association internationale.
Disant vouloir uniformiser la réglementation en Europe, la Commission a mené une consultation publique fin 2021 pour l’aider à instaurer « une croissance responsable, équitable et fiable des locations à court terme« .