« Acheter en indivision en étant marié sous le régime de la séparation de biens », Estelle Fragu (université de Paris-Panthéon-Assas)

Acheter en indivision en étant marié sous le régime de la séparation de biens peut révéler des surprises. Estelle Fragu, maître de conférence en droit privé à l’université de Paris-Panthéon-Assas fait le point au micro de Mon Podcast Immo.

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Dans le cadre de la Journée d’étude de l’Espi consacrée à la transmission des biens immobiliers, Estelle Fragu, maître de conférence, est intervenue sur l’achat à deux en indivision en étant marié sous le régime de la séparation de biens. Rencontre au micro d’Ariane Artinian.

Mon Podcast Immo : L’achat en indivision avec séparation de biens tout en étant marié est assez répandu pour le logement familial. Est-ce risqué ?

Estelle Fragu : C’est une situation assez imprévisible qui peut donner quelques mauvaises surprises, notamment sur la question du financement. Lorsqu’un couple achète un bien à 50/50, on s’attend à ce que chacun finance à égalité 50 % du bien. Sauf qu’au départ, les époux ne disposent pas forcément des mêmes ressources, ils peuvent aussi rencontrer un accident de parcours (chômage, etc). Nous nous sommes donc demandés si un époux qui finance davantage que sa part a le droit de demander une forme de remboursement à son conjoint, c’est ce qu’on appelle une créance d’indemnisation.

Mon Podcast Immo : Alors, comment régler cette question ?

Estelle Fragu : La Cour de Cassation a essayé d’atténuer la rigueur d’une séparation de biens concernant le point précis de la contribution aux charges du mariage (alimentation, loyers, loisirs). Elle a rappelé que l’acquisition d’un logement familial fait partie des charges du mariage et qu’un conjoint n’a plus la possibilité de demander une forme de remboursement, surtout en séparation de biens, régime qui contient souvent des clauses qui aménagent la contribution aux charges du mariage et qui empêchent de revenir sur ce qui s’est passé.

La Cour de Cassation a donc estimé qu’un apport en capital de la part d’un époux n’est pas un mode de contribution aux charges du mariage et que ça peut faire partie de la créance d’indemnisation. C’est une question de nature du financement.

Mon Podcast Immo : Comment fait-on alors pour se protéger ?

Estelle Fragu : Dès le départ, il faut être très vigilant sur le contrat de mariage, notamment les clauses spécifiques de la contribution aux charges du mariage, ou « clauses de contribution journalière ». Les époux sont présumés s’être acquittés de cette obligation au jour le jour. Mais ce n’est qu’une présomption simple pour laquelle on peut apporter la preuve contraire, et non une présomption irréfragable.

Deuxième chose, il faut bien regarder ce qu’on met dans les « charges de mariage » : est-ce qu’on y met les investissements ou pas, est-ce qu’on exclut certaines choses ? Avec comme objectif de s’assurer, que dans tous les cas, il y aura une créance d’indemnisation pour l’époux qui a le plus financé. C’est une question d’anticipation.

Mon Podcast Immo : Dans ce cas, qui est compétent, l’avocat ou le notaire ?

Estelle Fragu : C’est le notaire qui, déjà, vérifiera que c’est le bon régime qu’il vous faut. Puis vous soulèverez la problématique de comment acquérir un bien immobilier à deux tout en sécurisant l’aspect financement pour ne pas laisser sans protection celui qui aurait davantage contribué. En tout état de cause, cela reste de l’indivision, ce qui n’est pas le meilleur régime.

Par Ariane Artinian
Cette interview a été réalisée en marge de la journée d’étude de l’Espi consacrée à la transmission des biens immobiliers.