Ralentissement immobilier : Les réseaux de mandataire à l’épreuve de leur première crise de croissance

Le cabinet Xerfi vient de publier une étude intitulée Les réseaux de mandataires immobiliers à l’horizon 2024 – Quelles perspectives et stratégies face au retournement du marché immobilier ? Trois questions à son auteur, Lauric Berthier.

panneau à vendre à la fenêtre d'un immeuble

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Comment se présente l’avenir pour la profession avec le retournement du marché ?

Lauric Bertier : Il est vrai que la partie s’annonce délicate entre la remontée des taux des crédits immobiliers qui pourrait bien frôler les 3% cette année, les pressions sur le pouvoir d’achat des ménages et le manque de biens. Le marché français de l’immobilier est de fait en train de se retourner. Nous anticipons ainsi un recul des transactions de 10% et 2%respectivement en 2023 et 2024.

Malgré cet environnement peu porteur, les réseaux de mandataires devraient continuer à grignoter des parts de marché pour représenter environ 20% des transactions en 2024, soit 14 points de plus qu’en 2012.

Un potentiel de croissance inexploité, le soutien des investisseurs au développement des grands réseaux mais aussi des objectifs de déploiement ambitieux vont en effet stimuler l’activité de la profession.

Sur un marché immobilier en berne, les réseaux mandataires continueront de tirer leur épingle du jeu d’ici 2024 même si la croissance de leur chiffre d’affaires ralentira encore (+15% en 2023 puis +12% en 2024 pour le panel Xerfi).  

Toutefois, les mandataires les plus fragiles pourraient faire les frais du retournement du marché. De quoi ralentir l’expansion des enseignes qui atteint des sommets.

Rappelons que la population de mandataires immobiliers en France a presque quintuplé entre 2015 et 2022 d’après l’analyse d’un échantillon de réseaux représentatifs. Les enseignes se sont montrées très actives en matière de recrutement de nouveaux agents pour étendre au maximum leur maillage territorial et renforcer leurs positions face à la concurrence des réseaux traditionnels et autres formes d’intermédiation (comme les néo-agences).

Ce sont surtout les acteurs du top 10 et les nouveaux entrants qui ont porté cette croissance. IAD a par exemple multiplié ses effectifs par 7,7 sur la période pour atteindre 15 775 mandataires. Efficity est pour sa part passée de 200 conseillers en 2015 à 3 000 fin 2022. 

Les nouveaux entrants continuent pourtant d’affluer. Comment expliquer un tel engouement pour le métier ?

Lauric Bertier : Entre 2011 et 2022, près de 11 nouveaux réseaux de mandataires ont pénétré le marché chaque année en moyenne, sans compter les enseignes qui ont cessé leur activité sur la période.

Cet engouement s’explique à la fois par la montée en puissance du marché immobilier sur la période et par l’essor rapide de l’activité des réseaux mandataires.

Les nouveaux entrants ont ainsi été attirés par le rythme de croissance du modèle des mandataires, désormais prépondérant dans l’intermédiation immobilière et qui présente de plus faibles barrières à l’entrée que le segment des agences traditionnelles. Pourtant, le paysage concurrentiel semble relativement verrouillé avec un leader incontestable (IAD) et une poignée de très gros acteurs comptant plus de 500 agents difficiles à déloger de leurs positions.

Les places sont donc chères, y compris pour des structures avec des moyens et des objectifs ambitieux. Le réseau eXp France, rattaché au groupe américain eXp World, est par exemple entré sur le marché tricolore début 2021 et a rapidement atteint le seuil des 100 agents dans l’Hexagone pour finalement en compter près de 300 fin 2022. Mais il reste néanmoins assez loin de son objectif initial qui est d’atteindre le top 5 du secteur qui compte 174 réseaux de mandataires actifs, selon notre décompte.

Malgré les nouvelles possibilités offertes par les portails ouverts aux particuliers et l’expertise accessible en ligne, le poids de l’intermédiation dans les transactions a peu bougé en vingt ans. Les agences immobilières vitrées restent, de loin, l’interlocuteur de référence devant les plateformes et réseaux sans points de vente.

Les réseaux traditionnels ont même accéléré leur développement grâce à la franchise. Six réseaux dépassent désormais les 500 implantations en France (Orpi, Century 21, Foncia, Laforêt, Stéphane Plaza Immobilier et Guy Hoquet).

Le modèle des mandataires semble faire de plus en plus d’émules. Pourquoi ?

Lauric Bertier : Si l’arrivée des fonds d’investissement sur le marché des réseaux de mandataires immobiliers n’est pas nouvelle, le phénomène s’est accentué ces derniers mois avec une multiplication des levées de fonds. Les principales opérations ont été réalisées par IAD (300 millions d’euros en février 2021) et Groupe Oryx (100 millions en janvier 2022).

D’autres ont porté sur des montants plus modestes comme le tour de table de Sextant (5 millions en janvier 2022). Les trois leaders historiques (IAD, Digit RE Group et New Immo) sont en effet soutenus depuis des années par des gestionnaires d’actifs. IAD a été racheté par  IK Investment Partners et Five Arrows en 2016 tandis que LFPI détient une part majoritaire de Digit RE Group et que Qualium Investissement est au capital de New Immo Group.

L’intérêt des investisseurs s’explique par des niveaux de rentabilité élevés (EBE autour de 7-8% pour le panel Xerfi), la forte croissance du marché et des risques limités (car portés essentiellement par les agents mandataires), une intensité capitalistique plutôt faible et une structuration bien avancée autour d’un nombre limité de réseaux susceptibles de procéder à des opérations de croissance externe.

En contrepartie, les réseaux ont les moyens de mener à bien leurs stratégies de croissance qui s’articulent autour de l’expansion à l’international, l’amélioration des process et outils digitaux, l’élargissement de l’offre de biens et de services associés, le travail sur l’image et la notoriété de la marque, sans négliger de former, fidéliser et recruter de nouveaux agents commerciaux. 

Par MySweetImmo
Pour vous procurer l’intégralité de l’étude Xerfi Precepta rédigée par Lauric Berthier, rendez-vous ici.