Immobilier : Pourquoi les réseaux de mandataires vont se développer même si le marché se retourne

Comment les professionnels de l’immobilier, et notamment les réseaux de mandataires vont-ils faire face au retournement du marché ? C’est l’objet de l’étude Xerfi-Precepta réalisée par Lauric Berthier dont nous vous présentons les grandes lignes ci-dessous.

jeune femme au téléphone

© adobestock

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Le scenario  économique Xerfi- Precepta pour les mois qui viennent

Après de premiers signes d’essoufflement en 2022, le marché de l’immobilier confirmera son retournement en 2023 avec des transactions en baisse de plus de 10%. Cette situation constituera un défi et un test pour de nombreux réseaux de mandataires qui n’ont jamais connu pareille situation depuis leur création (75% ont été créés après 2010). Les fondamentaux ont été durement affectés ces derniers mois et la situation n’est pas vouée à s’améliorer à court terme.

La hausse des taux réduit la capacité d’emprunt des ménages

Les taux d’intérêt des crédits habitat remontent rapidement depuis l’été 2022 et ils pourraient s’approcher des 3% en 2023. Cette situation conduira à une diminution de la capacité d’emprunt des ménages, à mensualité équivalente. En parallèle, les banques durcissent leurs critères d’octroi, au détriment des primo-accédants. La production de crédits est contrainte par l’application des mesures prudentielles préconisées par le Haut conseil à la stabilité financière (HCSF), qui impose un taux d’effort maximal (35% à partir de janvier 2023) et plafonne les maturités à 25 ans.

Le pouvoir d’achat et la confiance des ménages se dégradent

La hausse généralisée des prix des biens à la consommation et de l’énergie pèsera sur la capacité des Français à épargner et à emprunter. Leur confiance est en outre altérée par un contexte macroéconomique et géopolitique délétère qui renforce les craintes autour du chômage et du niveau de vie.

L’offre immobilière manque, la pénurie s’autoalimente

La forte tension qui pèse sur l’offre depuis plusieurs années mettra du temps à se résorber. D’après Aviv Group (MeilleursAgents), le nombre de logements en vente en octobre 2022 était inférieur de 40% à celui d’octobre 2018. De fait, beaucoup de propriétaires vendeurs ne trouvent pas de bien à acheter et ne mettent donc pas le leur sur le marché.

En ce qui concerne les prix, la croissance ralentira fortement après des années d’euphorie

De manière générale, la diminution du vivier d’acquéreurs potentiels et la baisse de leur pouvoir d’achat immobilier entraîneront un rééquilibrage entre des vendeurs dont les biens mettront plus de temps à trouver preneur et des acheteurs qui ont gagné en pouvoir de marché. Face à la recrudescence des refus de prêts, les offres les plus solides (sans condition suspensive de financement ou avec un gros apport) profiteront en outre d’un pouvoir de persuasion important. Il convient toutefois de dissocier deux dynamiques bien distinctes :

  • d’un côté, de grandes villes comme Paris, Lyon, Nantes ou Bordeaux seront en retrait. Ces territoires sont déjà caractérisés par une suroffre et la mise sur le marché de nombreuses passoires thermiques, auxquelles une décote est souvent appliquée ;
  • de l’autre, les villes moyennes et zones rurales résisteront mieux compte tenu d’une offre toujours tendue (inférieure à la demande), maintenant une certaine pression sur les prix.

Notre scénario principal est que le cycle démarré fin 2022 se poursuive au moins sur une partie de l’année 2024. Les volumes de ventes diminueraient encore (-1%), mais à un rythme moindre.

Le contexte macroéconomique devrait être marqué par la fin du pic inflationniste, ce qui permettra un relâchement des tensions sur le pouvoir d’achat et l’enraiement de la hausse des taux des crédits habitat. Le recul des prix s’étendrait davantage, dans la lignée d’un assagissement du marché au profit des acquéreurs.

Ce scénario repose sur l’hypothèse d’une absence de récession forte en 2023 et de fondamentaux de l’économie française relativement épargnés. Dans le cas d’un choc négatif de grande ampleur en 2023, les tendances baissières seraient nettement plus accentuées.

Intermédiation immobilière : les réseaux de mandataires immobilier vont consolider leur place

Malgré le retournement du marché immobilier, les réseaux mandataires continueront de renforcer leurs positions. Leur part de marché sur l’ensemble des transactions (y compris entre particuliers) s’élèvera à 20% en 2024 (soit environ 30% du marché intermédié), contre seulement 6% en 2012.

Lauric Berthier, Xerfi

Parce qu’ils affichent des objectifs de développement ambitieux

Les capacités et les objectifs de développement affichés par les réseaux restent ambitieux et stimuleront les gains de mandats. L’attrait pour la profession (goût de l’entrepreneuriat, quête d’indépendance, passion pour l’immobilier, etc.) et les efforts consentis pour attirer des conseillers (novices et expérimentés) constitueront des moteurs de la croissance des réseaux mandataires. Rezoximo (Groupe Oryx) entend par exemple passer d’environ 120 agents fin 2022 à 1 800 en 2027. Il a pour cela fait évoluer sa politique de recrutement pour intégrer des personnes en reconversion et plus seulement des profils expérimentés de l’immobilier.

Parce qu’ils bénéficient du soutien d’investisseurs

Les grands réseaux bénéficient du soutien d’investisseurs qui apportent les moyens nécessaires au développement (recrutement de forces commerciales, campagnes de communication, marketing, etc.). De nombreuses levées de fonds ont marqué l’actualité du secteur ces derniers mois après le tour de table de 300 M€ réalisé par IAD au printemps 2021. Des acteurs de poids lui ont emboîté le pas comme le Groupe Oryx (Propriétés- Privées.com, Immo Réseau, Rezoximo) qui a mobilisé 100 M€ auprès de Tikehau Capital et Abénex en janvier 2022. Le groupe vise ainsi un chiffre d’affaires de 300 M€ d’ici 5 ans (contre 75 M€ en 2021). BSK Immobilier a de son côté cédé une part minoritaire de son capital à Activa Capital afin d’accélérer son développement et tripler ses revenus à moyen terme. Expertimo, New Immo Group (Safti, MegAgence) et Sextant ont également levé des fonds récemment.

Parce qu’ils disposent d’un potentiel de croissance inexploité

Alors que les réseaux mandataires gagnent chaque année du terrain sur les agences immobilières vitrées, ils restent très en retard sur le volet de la notoriété auprès du grand public. Pour y remédier, ils s’appuieront principalement sur les réseaux sociaux et les campagnes publicitaires en télévision. Safti est l’un des rares réseaux ayant historiquement investi massivement en communication. Le réseau cumule au total plus de 20 000 spots télévisuels depuis 2015 qui lui ont permis de se placer, de loin, comme l’enseigne de mandataires la plus connue des particuliers.

Une ombre pourrait toutefois venir noircir le tableau et ralentir la progression des réseaux mandataires face aux autres formes d’intermédiation, sans l’enrayer pour autant. Dans un contexte de baisse marquée des transactions immobilières, de nombreux mandataires pourraient être fragilisés, en particulier les débutants. Le taux d’échec, déjà structurellement élevé, augmentera donc potentiellement en 2023-2024 et freinera l’expansion des enseignes. Par ailleurs, les commerciaux en poste dans des agences traditionnelles envisageant de s’adosser à un réseau de mandataires auront probablement tendance à reporter ce projet, préférant temporairement la sécurité du salariat.

De nouvelles marques continuent d’affluer au sein de la profession

Le paysage concurrentiel des réseaux mandataires semble relativement verrouillé avec un leader incontestable (IAD), une poignée de très gros acteurs comptant plus de 500 agents, des structures de taille intermédiaire (150 à 500 mandataires) et une myriade de petites enseignes. Pourtant, les nouveaux entrants continuent d’affluer et contribuent aux gains de parts de marché du modèle. Depuis 2012, plus d’une dizaine de réseaux ont été créés chaque année en moyenne.

Attirés par un marché immobilier particulièrement porteur et un modèle basé sur les volumes ayant fait ses preuves, les nouveaux entrants ont bénéficié :

  • De barrières à l’entrée peu dissuasives. Sur le plan réglementaire, il suffit d’une carte professionnelle pour lancer un réseau. Les besoins en capitaux sont relativement limités et portent principalement sur des dépenses de communication pour faire connaître l’enseigne auprès des négociateurs et des clients. La mise en place d’une structure de soutien, fournissant divers services aux agents (formation, marketing, logiciels professionnels, etc.), est également à prévoir. Mais les solutions en la matière sont nombreuses et de moins en moins coûteuses grâce au digital
  • De l’engouement pour la profession qui a permis à bon nombre de réseaux d’atteindre rapidement une taille suffisante pour subsister. Le métier d’agent immobilier a en effet bénéficié d’une mise en lumière, grâce à diverses émissions télévisées notamment, qui a pu éveiller des vocations. Les aspirants négociateurs sont également attirés par l’indépendance, la liberté et la rémunération «au mérite» qu’offre la profession. Surtout, devenir mandataire ne requiert aucun diplôme ni expérience, ce qui en fait un débouché plébiscité pour une reconversion.

Néanmoins, si la création d’un réseau peut paraître relativement aisée pour un grand nombre d’acteurs, les nouveaux entrants ne constituent pas une menace crédible pour les 15 ou 20 plus grosses enseignes.

Le marché a en effet atteint une certaine maturité et les places dans le haut du classement sont chères. Beaucoup se retrouvent ainsi noyés dans la masse, y compris des réseaux disposant a priori de moyens et d’ambitions importants.

À titre d’illustration, la filiale française de l’Américain eXp Realty, qui cumule près de 50 000 agents à travers le monde, a lancé son activité en France début 2021. Après avoir rapidement passé le cap des 100 mandataires, l’enseigne a mis du temps à prendre son envol et compte encore moins de 300 conseillers. Elle occupe ainsi la 20e place de notre classement des réseaux, encore loin de son objectif initial d’intégrer le Top 5.

Face à un marché saturé d’offres difficilement différenciables, des offres de niche émergent avec la volonté d’adresser un public spécifique et de s’extirper de la concurrence frontale des autres réseaux en s’appuyant sur une identité forte. Créé en 2021, À la bonne porte revendique par exemple son engagement en faveur des droits des femmes. Il recrute ses agents au sein d’associations partenaires et reverse une somme à des causes pour chaque mandat exclusif signé.

Pourquoi les modèles d’intermédiation immobilière convergent-ils ?

Historiquement bien différenciés, les modèles d’affaires des différents profils d’intermédiaires immobiliers convergent peu à peu vers celui des réseaux de mandataires.

Parce les agences immobilières font appel à des agents commerciaux indépendants

Les agences traditionnelles cherchent à étoffer leurs forces commerciales tout en flexibilisant leur masse salariale. Les réseaux d’agences vitrées ont ainsi de plus en plus souvent recours à des agents commerciaux indépendants qu’elles ne rémunèrent qu’à la vente et qui ne constituent donc une charge que s’ils génèrent des revenus. C’est donc un moyen peu coûteux d’étoffer sa force de vente sans alourdir sa structure de coûts.

Parce que les néo agences immobilières font appel à des agents commerciaux indépendants

Les néo-agences complètent leur offre en y apportant l’expertise d’un négociateur qui opère sur le terrain et basculent vers une tarification comparable aux autres acteurs. Historiquement centrées sur des prestations en ligne, les néo-agences sont contraintes de faire évoluer leur modèle vers un accompagnement plus poussé devant la difficulté à imposer leur offre low cost.

Or, cela passe bien souvent par la sollicitation d’un agent indépendant capable de se rendre sur le terrain pour faire une estimation, prendre des photos ou gérer des visites par exemple.

Signe des besoins prégnants de ces acteurs en agents commerciaux, l’agence en ligne Welmo a annoncé vouloir recruter 1 000 mandataires après avoir bouclé une levée de fonds de 2 M€ en septembre 2021.

Parce que le niveau de digitalisation s’est adapté

Historiquement en avance sur les agences vitrées dans le domaine du numérique, les réseaux mandataires n’ont plus d’avantage significatif en la matière. Tous les acteurs disposent aujourd’hui d’outils équivalents que ce soit dans la diffusion des annonces, dans la collecte et l’exploitation de la donnée immobilière ou dans le marketing digital et les logiciels de transaction.

L’offre et le modèle d’affaires de l’ensemble des profils d’intermédiaires immobiliers ont donc tendance à s’harmoniser, au moins sur le pan d’activité des transactions de logements. Le statut d’agent commercial indépendant se démocratise sur l’ensemble des segments et c’est surtout la détention de points de contact physiques qui différencie les enseignes traditionnelles des autres acteurs. Les réseaux mandataires n’ont pas vocation à s’engager sur ce créneau même si des initiatives pointent ici et là. Des acteurs comme Déclic Immo ou Keymex s’organisent par exemple autour de centres régionaux regroupant plusieurs dizaines de mandataires, leur offrant un lieu commun pour échanger et accueillir des clients. Des réseaux émergent par ailleurs avec une ou quelques agences vitrées, assurant leur visibilité et leur position au niveau local.

Par MySweetImmo
Pour vous procurer l’intégralité de l’étude Xerfi Precepta rédigée par Lauric Berthier, rendez-vous ici.