Crise de l’immobilier : On ne peut plus loger les marseillais alerte l’UNIS

Entre difficulté d’accès au crédit, baisse de l’offre locative et de la construction, l’Unis Marseille Provence Corse pointe du doigt la dégradation de l’offre de logements à Marseille et dans la région.

Marseille

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« Ici, à Marseille comme dans toute la Région, nous constatons tous les jours que la machine de l’immobilier se grippe, souligne Nicolas Rastit, Président de l’Unis Marseille Provence Corse. L’accès au crédit est devenu quasi-impossible, il n’y a plus de logements à louer et peu de constructions, avec des permis qui sont accordés au compte-goutte. Au final, tout le monde en pâtit, et c’est intolérable.« 

Encadrement des loyers et permis de louer : où en est-on ?

L’UNIS pointe du doigt la dégradation de l’offre de logements locatifs : une baisse de 15% à 18% dans le Rhône. Un constat aggravé dans les Bouches-du-Rhône avec notamment une d’offre locative à Marseille qui a diminué de 88,8% !

À Marseille, certains propriétaires bailleurs ne renouvellent pas leurs baux car ils envisagent de vendre leurs logements pour se tourner vers d’autres investissements, des locations meublées ou des Airbnb. Parmi les causes, on peut compter les obligations de travaux à venir et l’encadrement des loyers programmé prochainement. Le temps que les transactions éventuelles se réalisent, le nombre de logements vacants augmente. Il faut ajouter à cela l’interdiction de louer les logements dont les DPE sont mauvais (Classe F ou G), mais aussi la hausse des taux d’intérêt. Ce dernier point réduit la capacité d’emprunt des Français et entraîne une hausse de la demande en locatifs. Dans ces conditions, l’UNIS souligne la difficulté de se loger actuellement sur la Métropole Aix-Marseille Provence.

Dans la région Rhône-Alpes, sévit une véritable crise immobilière. Avec un calendrier insoutenable de travaux de rénovation énergétique, des refus d’accord de permis de construire, les investisseurs fuient les villes et les propriétaires bailleurs se retirent du marché de la location classique.

De plus, depuis décembre 2021, les litiges liés à l’encadrement des loyers sont renvoyés vers la Commission Départementale de Conciliation (CDC). À titre indicatif, cette dernière est chargée de régler les conflits qui peuvent survenir entre les locataires et les propriétaires dans le cadre de la location d’un logement. L’UNPI 69, l’UNIS Lyon-Rhône et la FNAIM du Rhône considèrent cela comme une violation du cadre juridique et réglementaire prévu par la loi du 6 juillet 1989. Cette dernière prévoyait que les actes de location prescrivent toujours la saisine de la CDC en cas de litige relatif à un bail d’habitation.

Permis de louer…

L’UNPI 69, l’UNIS Lyon-Rhône et la FNAIM du Rhône évoquent aussi le permis de louer actuellement étudié par la métropole. Ce dernier serait demandé aux bailleurs à chaque changement de locataire, en plus de proposer un logement décent. Ils s’inquiètent alors de la défiance des pouvoirs publics, et particulièrement des élus du Rhône, à l’égard des propriétaires bailleurs. Pour eux, on associe les bailleurs à des « marchands de sommeil sans scrupule », ce qui est faux. Ils dénoncent plus généralement les obligations croissantes et intenables mises à la charge des propriétaires et des bailleurs privés.

La nouvelle réglementation des logements a courte durée

La location meublée saisonnière correspond aux locations meublées de courte durée, conclues essentiellement dans un but de loisirs ou de tourisme. AirBnb en est un exemple.

La résidence principale peut se définir comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf pour des raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure. Elle peut être occupée soit par le locataire ou par la personne avec laquelle il vit, soit par une personne à charge.

La location de cette résidence principale à des touristes par le biais d’une plateforme dématérialisée est totalement possible. Aucune formalité n’est imposée au bailleur, dès lors que cette location n’excède pas 120 jours par an.

Si cette location dépasse ce seuil, le bailleur aura pour obligation d’obtenir une autorisation de changement d’usage et cette activité pourra être considérée comme une activité à nature commerciale. À l’inverse, une résidence secondaire est une résidence occupée moins de 8 mois par an. Louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage constitue un changement d’usage. Dans certaines communes, cette activité nécessite l’obtention préalable d’une autorisation de la mairie pour louer une résidence secondaire. Une fois cette autorisation obtenue, ce local ne va plus être considéré comme un logement d’habitation mais comme un local commercial.

La pratique de ces locations meublées de courte durée au sein d’une copropriété peut alors connaître plusieurs limites : la destination de l’immeuble et sa définition contractuelle contenue dans le règlement de copropriété et les droits des autres copropriétaires et le trouble anormal de voisinage.

Ainsi, le règlement de copropriété peut, dans ses stipulations, prévoir l’interdiction expresse de l’exercice de l’activité de location meublée de courte durée ou tout du moins la restreindre.

Toutefois, ce même règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble.

Dès lors, une clause interdisant purement et simplement les locations meublées sans qu’elle puisse être justifiée par le respect de la destination de l’immeuble serait illicite.

Concernant le trouble anormal de voisinage, le propriétaire qui exerce ou entend exercer une activité de location meublée de courte durée doit respecter la tranquillité de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires. Un copropriétaire peut être condamné pour trouble anormal de voisinage, même si son activité était conforme à la destination de l’immeuble.

L’activité de location saisonnière de courte durée de type « Air Bnb » exercée en copropriété n’est donc pas une fatalité pour le reste des copropriétaires. Le règlement de copropriété, ses stipulations et plus largement la destination de l’immeuble sont autant de freins à ses éventuels débordements. S’il advenait, in fine, qu’elle soit compatible avec le contenu des documents de la copropriété, cela ne signifierait pas pour autant une liberté totale du copropriétaire bailleur. En effet, une telle location ne saurait être à l’origine de troubles anormaux de voisinage avérés

La rénovation énergétique en question

Mettre le parc immobilier français au niveau des standards énergétiques européens est une nécessité. La loi Climat et résilience, qui institue une interdiction de location des logements G, F et E, reposant sur l’indécence est imparfaite. L’UE propose un calendrier plus réalise que la loi climat pour éradiquer tous les logements très énergivores. Il faut donc aligner le rythme de rénovation sur le calendrier européen. Il faut aussi intégrer les outils français de la rénovation à la stratégie européenne. Sans ajustement du calendrier, de nombreux bailleurs vont se détourner de la location longue durée.

En France, le secteur résidentiel/tertiaire représente le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre.

Un logement sur 3 appartient à une copropriété. Or, la moitié de ces copropriétés a été édifiée avant 1975. La transition énergétique des copropriétés paraît donc être une évidence, ce qui n’est malheureusement pas partagé par tous les copropriétaires. Le législateur est donc intervenu.

Ainsi, la rénovation énergétique de l’immeuble bâti, et plus particulièrement la copropriété, devient aujourd’hui concrète. Cela passe par une responsabilisation des syndicats des copropriétaires et deux textes – la Loi « Énergie et climat » du 8 novembre 2019 et la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 – qui fixent un calendrier précis permettant de rendre tangibles des objectifs incertains. Ils font aussi de l’efficacité énergétique un des critères de décence du logement. Ils ont pour axes principaux la sortie progressive des énergies fossiles et le développement des énergies renouvelables, la lutte contre les passoires thermiques et l’instauration de nouveaux outils de pilotage, de gouvernance et d’évaluation de la politique climatique afin d’accélérer la transition énergétique de la copropriété

Les professionnels de l’immobilier inquiets

Dans une lettre ouverte au président de la République, l’UNIS et les grandes organisations professionnelles du secteur demandent de puissantes mesures d’urgence face à la crise du logement qui s’installe durablement dans notre pays.

Alors que les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement étaient attendues le 9 mai dernier, son report a suscité de l’incompréhension et une vive inquiétude. Le logement constitue en effet la première dépense contrainte des ménages et la crise s’amplifie.

La hausse des taux d’intérêt réduit la capacité d’emprunt des Français. Des propriétaires qui souhaitent déménager se trouvent contraints de différer leurs projets. Des locataires qui veulent accéder à la propriété doivent y renoncer. Les parcours résidentiels se grippent et faute de rotation, le marché locatif se bloque, créant des tensions qui devraient encore s’accentuer en septembre ; d’autant que les investisseurs particuliers et plus encore institutionnels l’ont déserté face à des rendements affaiblis et que la sortie progressive du marché des logements les plus énergivores va accroître la pénurie.

Pour éviter l’aggravation de la crise, les organisations signataires demandent l’allègement des contraintes mises en place par le Haut conseil de stabilité financière en janvier 2022 ainsi que le rétablissement du prêt à taux zéro avec une quotité de 40 % sur l’ensemble du territoire assorti d’un élargissement de la cible éligible et d’une révision des plafonds d’opérations afin de tenir compte de la hausse des prix.

Les signataires estiment aussi nécessaire de remettre en place le dispositif Pinel dans sa version 2022 dans l’attente d’un travail collégial sur le statut du bailleur privé.

Enfin, il est impératif de mieux accompagner la rénovation énergétique grâce à des moyens à la hauteur des enjeux, de façon à rendre les objectifs atteignables avec les ressources des ménages. Pour cela, outre un financement public accru, des solutions bancaires sont nécessaires. À défaut, il faudra se résoudre à assouplir le calendrier imposé par la loi climat et résilience notamment pour le rendre compatible avec les contraintes de prises de décision en copropriété et éviter des pertes irréversibles dans le parc locatif privé.

Parce que le logement répond à des besoins liés aux évolutions démographiques et socio-économiques, mais aussi aux enjeux de mobilité et d’emploi qui concernent l’ensemble des territoires, il faut agir vite.

Or, le président de la République annonce, à la surprise générale, l’organisation d’une nouvelle « conférence des parties » sur le logement. Après déjà des mois de travail collectif dans le cadre du CNR, les principales organisations du secteur attendent d’urgence des mesures chiffrées, un calendrier de mise en œuvre rapide et des moyens financiers adaptés aux enjeux.

Visibilité et réalisme : pour un plan de rénovation globale

Alors que les acteurs du logement ont besoin de visibilité à long terme, les annonces se multiplient au détriment d’une cohérence d’ensemble. En particulier, le groupe de travail Logement du Conseil National de la Refondation, voulu par le Président de la République, a connu un report d’un mois (du 9 mai au 5 juin) pour remettre ses conclusions. Or durant ce laps de temps, la parole gouvernementale sur l’immobilier se sont accéléré : par le ministre de l’Économie sur les crédits immobilier, la première ministre sur la Plan Climat et le Président de la République sur le coût du logement pour les finances publiques.

Comment expliquer à un propriétaire qui vient de changer sa chaudière Gaz, avec des aides de l’Etat (coup de boost CEE), qu’il devra la supprimer d’ici 2030 ? Les interrogations nouvelles sont nombreuses, sans que des réponses aient été apportées aux préoccupations désormais anciennes.

L’Unis rappelle l’une de ses propositions lors de la campagne présidentielle de 2022 : la création d’un ministère de l’Habitat, avec un ministre de plein exercice, qui aurait été en position haute dans la hiérarchie gouvernementale, à la hauteur des enjeux de rénovation et de logement. Actuellement, le logement est une compétence déléguée, sous la tutelle d’un ministère de la transition énergétique dont on mesure mal l’articulation avec le ministère de la transition écologique. Selon le syndicat, il est urgent de clarifier les règles du jeu, et de passer à un Plan de Rénovation Global cohérent, ambitieux, lisible et financé.

Pour Danielle Dubrac, Présidente de l’Unis, « Nous sommes à un moment crucial pour le logement dans notre pays. A la limite de la rupture. Et sans politique du logement digne de ce nom ni ligne claire des pouvoirs publics, nous risquons une paralysie qui affectera durablement nos concitoyens. Les professionnels de l’immobilier sont prêts et mobilisés pour aider leurs clients. Ils défendent des propositions claires. Mais ils attendent une clarification des règles du jeu.« 

Par MySweetImmo